En prenant le contrôle de l’entreprise Nexperia, le gouvernement des Pays-Bas ne pensait sans doute pas ouvrir une boîte de Pandore, menaçant de paralyser l’industrie automobile. Passée en mains chinoises il y a quelques années, la société néerlandaise, dont les composants truffent les voitures, dépend massivement de sa nouvelle patrie, qui n’a pas tardé à fermer le robinet des livraisons.

Emblématique des liaisons dangereuses que le Vieux-Continent a développées avec l’Empire du Milieu avant que le monde ne change brutalement, ce cas d’école est très fâcheux. Il tombe toutefois à point nommé pour saluer l’annonce, samedi, par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, du lancement imminent d’un plan pour réduire la dépendance de l’Union européenne (UE) envers la Chine dans le domaine des très convoitées terres rares. Cruciales dans les nouvelles technologies, ces matières premières abondent dans le monde mais leur extraction et leur transformation, peu rentables et polluantes, ont été délaissées à la Chine. Elle en a fait une redoutable arme de négociation.

Lire aussi: Nexperia, la menace chinoise que l’industrie automobile européenne n’a pas vue venir

Priorité au recyclage

Vu leurs conditions de production, il y a très peu de chances de voir des mines de cérium, de gadolinium ou d’erbium surgir sur le continent européen, qui peine déjà à exploiter des champs de lithium et à planter des éoliennes. De quoi craindre que cette initiative, qui doit être menée de concert avec le G7, ne prenne la poussière dans un tiroir.

Voilà qui serait bien regrettable car, comme l’a signalé la politicienne allemande, une autre voie est possible pour les terres rares comme pour d’autres matériaux stratégiques, celle de l’économie circulaire, encore largement sous-développée. Selon Ursula von der Leyen, certaines entreprises peuvent recycler jusqu’à 95% des matières premières critiques contenues dans les batteries.

Trop petite pour assurer son indépendance stratégique sur tous les fronts, la Suisse a tout intérêt à faire jeu commun avec l’UE. Histoire aussi de valoriser ses compétences de pointe en la matière, à l’exemple de la chercheuse Marie Perrin, primée pour avoir élaboré à l’EPFZ un procédé permettant de recycler les terres rares. A la tête de la start-up REEcover, la jeune femme de 28 ans veut maintenant industrialiser cette technique brevetée, guidée par une citation de Saint-Exupéry: «Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible.» Une aspiration qui démontre que, bien loin des clichés et des idées reçues, la nouvelle génération regorge de personnalités prêtes à s’engager lorsqu’elles trouvent un sens à leur action.

Lire aussi: Guerre commerciale: Pékin et Washington sur le sentier de la désescalade, la Chine garde l’avantage