Les antidépresseurs ont des effets prouvés pour réduire la dépression et l’anxiété. Mais ce type de traitement s’accompagne parfois d’effets secondaires potentiellement problématiques : prise de poids, modifications du rythme cardiaque, altération de la pression artérielle, etc.
Problème : avec une multitude de produits différents, il est parfois difficile de savoir quelle molécule sera la plus adaptée à un profil de patient particulier.
Pour tenter de connaître précisément les effets secondaires notamment cardiométaboliques des différents traitements antidépresseurs, une équipe de chercheurs du King’s College de Londres ont analysé les résultats de 151 essais cliniques (les plus solides et fiables en matière de preuve scientifique) et 17 rapports de la Food and Drug Administration (FDA) concernant les effets secondaires des antidépresseurs. Leurs travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue The Lancet.
Au total, les données de 58 534 participants comparant 30 antidépresseurs à un placebo avec une durée médiane de traitement de huit semaines ont été prises en compte. Les scientifiques ont mesuré les changements induits par les différents traitements antidépresseurs au niveau du poids, du cholestérol sanguin, de la glycémie (taux de glucose sanguin), de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, etc.
Ils ont également examiné les associations entre les changements physiologiques et l’âge, le sexe et le poids initial et estimé la corrélation entre l’évolution de la gravité des symptômes dépressifs et l’évolution des paramètres métaboliques.
Résultats : même après seulement huit semaines de traitement, les effets physiques des différents antidépresseurs sont loin d’être négligeables.
Gare aux conséquences sur le poids et la santé cardiovasculaire
Les effets sur le poids, par exemple, varient considérablement d’une molécule à l’autre : les personnes sous agomélatine (Valdoxan®, Melitor®, Thymanax®) avaient perdu en moyenne 2,5 kilos, alors que celles sous maprotiline (Ludiomil®) en avaient pris 2 en moyenne.
Concernant les effets sur la fréquence cardiaque, la prise de fluvoxamine (Floxyfral®) était associée à une réduction de 8 battements par minute, tandis que la prise de nortriptyline (Élavil®, Laroxyl®) l’avait augmentée de 14 battements en moyenne, soit une différence non négligeable de 20 battements par minute entre les deux molécules. Plutôt problématique chez les patients souffrant de troubles du rythme cardiaque !
Autre résultat : la pression artérielle systolique a enregistré un écart de plus de 11 mmHg entre l’antidépresseur doxépine (Quitaxon®, Xepin®) et la nortriptyline (Élavil®, Laroxyl®).
Pour ce qui est du cholestérol, les chercheurs ont calculé que plusieurs antidépresseurs, dont la paroxétine (Deroxat®), la venlafaxine et la desvenlafaxine (Effexor®) et la duloxétine (Cymbalta®), étaient associés dans les essais cliniques à des taux de cholestérol total plus élevés. Côté glycémie, la duloxétine était associée à des taux sanguins de glucose plus élevés.

Cette étude ne vise pas à identifier les « bons » ou les « mauvais » antidépresseurs, mais incite à bien adapter le traitement au profil métabolique du patient. © AkuAku, Adobe Stock (image générée à l’aide de l’IA)
L’efficacité ne doit plus être le seul critère pour choisir un antidépresseur
Même si cette étude ne s’est intéressée qu’aux effets à court terme des antidépresseurs, les auteurs estiment que la prise au long cours, qui est fréquente en cas de dépression, pourrait avoir des effets plus importants. Ces résultats inciteraient donc à une surveillance plus régulière des patients prenant des antidépresseurs.
En revanche, certains effets secondaires de ces médicaments n’ont pas été pris en compte dans l’étude, alors qu’ils surviennent relativement fréquemment. C’est le cas, par exemple, des effets sur la sexualité ou la libido, qui ne sont pas systématiquement recueillis dans les études.
Quoi qu’il en soit, les auteurs appellent à ne pas prendre les résultats comme un moyen d’identifier les « bons » ou les « mauvais » antidépresseurs. Mais plutôt comme une incitation à bien adapter le traitement au profil métabolique du patient, en basant le choix pas uniquement sur l’efficacité du traitement, mais aussi sur ses conséquences pour la santé.
Par exemple, chez une personne souffrant d’obésité, de diabète ou d’hypertension, il sera judicieux de choisir un antidépresseur qui a un effet plus neutre sur le poids, la glycémie et la tension artérielle, alors que chez une personne plutôt maigre ou souffrant d’hypotension, le choix sera différent, et aussi fonction des priorités de celle-ci.
Un outil en ligne gratuit pour faire le bon choix
Les auteurs de l’article ont d’ailleurs développé un outil gratuit (le Psymatik Treatment Optimizer) visant à aider les médecins et les patients à faire le bon choix d’antidépresseur. Il permet de sélectionner les effets secondaires que le patient souhaite le plus éviter et de définir l’importance de chacun d’entre eux. L’outil produit alors un tableau personnalisé d’options qui classe les antidépresseurs en fonction de ceux qui correspondent le mieux aux préférences du patient.
Objectif : obtenir une meilleure adéquation entre le médicament et la personne et permettre au patient et son médecin de décider conjointement de la meilleure option pour rester en bonne santé, tant physique que mentale.