Le partenariat commercial sur la pêche et l’agriculture signé entre l’Union européenne et le Maroc et entré en vigueur de façon provisoire le 3 octobre dernier ne fait pas que des heureux. Le 5 octobre, la Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs espagnols (COAG) a annoncé son intention de porter plainte auprès de la Cour de justice de l’UE (CJUE) contre celui-ci.
Ce dernier prévoit notamment l’extension au Sahara occidental du traitement préférentiel en matière de droits de douane accordé par l’UE au Royaume chérifien, et inclut de nouvelles dispositions concernant l’étiquetage des produits horticoles issus de ce territoire, afin d’informer les consommateurs de leur provenance. Les fruits et légumes provenant de cette zone désertique du nord-ouest de l’Afrique seront ainsi identifiés par leur région d’origine — Laâyoune-Sakia El Hamra et Dakhla-Oued Eddahab, qui sont des divisions administratives du Maroc.
Ceci fait suite à l’invalidation en octobre 2024 des deux accords conclus en 2019 sur les produits agricoles et de pêche, alors approuvés par le Conseil de l’UE. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) avait alors indiqué que le processus s’était fait en « méconnaissance des principes de l’autodétermination » du peuple sahraoui, et affirmé que « le Sahara occidental est un territoire « distinct » du Maroc, sans souveraineté ni mandat d’administration reconnu pour ce dernier ».
La haute juridiction établie au Luxembourg avait néanmoins prolongé d’un an l’application des accords de 2019 pour permettre aux deux parties de nouer une nouvelle entente.
D’après la COAG, l’application par la Commission européenne de l’accord du 3 octobre est problématique parce qu’elle ignore d’une part le Parlement européen qui doit accorder son approbation, et d’autre part la décision de la CJUE. Inclure ses produits « dans un traité qui n’a pas été soumis à l’avis de ses représentants légitimes constituerait une violation du droit international », souligne l’organisation.
Au-delà de l’aspect juridique et politique, les acteurs espagnols mettent en avant les conséquences économiques pour la filière locale, y voyant une « mise en péril de la rentabilité de milliers d’exploitations de fruits et légumes, et le fait de ne bénéficier qu’aux grandes entreprises importatrices ».
Vers un nouveau bras de fer ?
En attendant de nouveaux développements, la position de la COAG a le soutien de certains acteurs politiques locaux. Selon des propos relayés par le site d’informations Euractiv, l’eurodéputée Mireia Borrás du groupe Patriotes pour l’Europe a affirmé que l’accord « n’est pas conforme à la décision de justice de 2024 » et accusé la Commission d’agir « dans le dos du Parlement ». De leur côté, les indépendantistes sahraouis du Front Polisario sont également montés au créneau le jour même de l’entrée en vigueur provisoire de l’accord.
« Étant donné la solidité des principes établis par la Cour dans sa jurisprudence, l’illégalité du nouvel accord est flagrante. Négocié en cinq jours, à l’insu du peuple sahraoui, il a été adopté de force au moyen d’une procédure écrite visant à contraindre les États membres, avec une application provisoire destinée à neutraliser le Parlement européen et à le placer devant le fait accompli. En substance, le choix qui a été fait consiste à modifier le droit de l’Union européenne pour l’adapter à l’occupation illégale du Sahara occidental par le Royaume du Maroc » rapporte Sahara Presse Service.
Quant aux officiels, si aucune réaction de leur part n’a encore filtré sur la sortie de la COAG, ils avaient déjà déclaré que l’accord visait à répondre aux exigences fixées par la CJUE.
Selon les données de la Commission, 203 000 tonnes de produits originaires du Sahara occidental ont été exportées vers l’UE en 2022 pour une valeur de 590 millions d’euros. Les produits à destination du bloc européen sont d’abord acheminés vers la ville marocaine d’Agadir, pour y être emballés avant d’être expédiés vers le marché communautaire.