L’économiste, récompensé récemment pour ses travaux sur la croissance fondée sur l’innovation, s’en est pris notamment aux mesures proposées par le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella «sur l’immigration et la préférence nationale».

«Irréaliste», économies «fantaisistes», «incompétents»… C’est peu dire que le «contre-budget» présenté par le Rassemblement national (RN) la semaine dernière ne convainc pas le prix Nobel d’économie 2025. Récompensé le 13 octobre dernier avec ses confrères Joel Mokyr et Peter Howitt pour ses travaux sur la croissance économique fondée sur l’innovation, Philippe Aghion a été invité ce lundi matin, sur RFI, à réagir aux propositions économiques et fiscales du parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella.

«Ce programme est irréaliste», a jugé celui qui était le principal conseiller économique d’Emmanuel Macron en 2017, s’en prenant notamment aux «économies sur l’immigration et la préférence nationale». Elles «ne sont pas applicables en 2026», «ne sont pas constitutionnelles» et «sont largement surestimées», a-t-il lancé. Elles sont estimées par le RN à près de 12 milliards d’euros, sur un contre-budget global qui propose 36 milliards d’économies supplémentaires – dans le détail 50 milliards de baisses des dépenses et 14 milliards de baisses des recettes. La copie du gouvernement de Sébastien Lecornu entend, elle, dégager une trentaine de milliards d’économies.


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«Les économies sur la fraude sont fantaisistes. Si l’on savait économiser 5 milliards d’euros sur la fraude, on le saurait», a enfoncé Philippe Aghion, alors que le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a déjà jugé «pas crédible» le plan du gouvernement de lutte contre la fraude sociale et fiscale, dont le rendement attendu atteint péniblement 1,5 milliard d’euros. Quant aux économies prévues sur le budget de l’Union européenne (8,7 milliards), elles «sont contraires aux traités», a affirmé l’économiste, ajoutant que «la France reçoit de l’argent de l’Union européenne». «Les premières victimes d’une baisse des contributions françaises à l’Europe seraient les agriculteurs», a-t-il relevé.

« Il faut produire pour pouvoir redistribuer » : Philippe Aghion, le Prix Nobel d’économie qui préfère la croissance à l’impôt

Des économies sur les opérateurs de l’État «inventées»

Pire, selon le professeur au Collège de France, à l’Insead et à la London School of Economics, «les économies de 7 milliards d’euros en 2026 sur les agences et opérateurs [de l’État, NDLR] sont inventées». Celui-ci a dit s’appuyer sur «un rapport sénatorial LR, qui estime ces économies à un maximum de 500 millions d’euros». Publié en juillet dernier, le rapport de la «commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État» évoque en effet une économie maximale «de l’ordre de 540 millions d’euros» en réduisant de 20% le coût des fonctions support de ces dizaines d’opérateurs et agences (Ademe, CNRS, ARS, Bpifrance, etc.).

«Ce sont des grands amateurs. Ce ne sont pas des gens sérieux. Ils ne sont pas capables de gérer la France. Je ne leur confie pas les manettes de la France pour gouverner. Ils sont incompétents», a ainsi taclé Philippe Aghion en parlant du RN, affirmant qu’il ferait tout pour que le parti à la flamme n’arrive pas au pouvoir en France. Il l’avait déjà dit il y a quelques jours sur France Inter, confiant s’inquiéter du «danger de l’arrivée du Rassemblement national»  au pouvoir.