Par

Hervé Pavageau

Publié le

28 oct. 2025 à 18h06

Près de la baie vitrée qui donne sur le jardin et l’entrée, la grande table est dressée. L’agencement ne fête pas un événement particulier. Au Rameau, le mercredi soir est LE repas partagé de la semaine. Située dans le centre-ville de La Haye-Fouassière, près de logements sociaux et de l’ancien domicile collectif pour personnes âgées les Nymphéas, la grande maison n’héberge pas une famille. Mais six locataires. Ancien foyer de l’Arche le Sénevé, communauté présente sur la commune qui accompagne et accueille des personnes adultes en situation de handicap mental, le logement a été divisé en appartements. Plus ou moins grand. Dans cet espace, vivent aujourd’hui une famille de cinq personnes, trois adultes en situation de handicap, un jeune actif et une retraitée.

« À la fois ensemble et chacun chez soi »

Six locataires qui ont fait le choix de vivre dans un habitat intergénérationnel et inclusif.

Les loyers vont de 420 à 900 €, en fonction de la surface des logements.

« C’est comme un immeuble avec des charges », explique Aristide Beasse-Egu, l’un des occupants.

Dans cette grande maison qui abrite zones privatives et espaces communs, le petit groupe vit « à la fois ensemble et chacun chez soi ».

Qui sont les locataires ?

Avec Martine Grousselle, retraitée, âgée de 73 ans, la famille Thelot fait partie des premiers occupants.

Marion et Christophe, parents de trois enfants âgés de 2 à 6 ans (Isabelle, Marcouf et Inès) cherchaient depuis quelque temps un habitat de ce type.

On voulait vivre quelque chose qui sorte un peu de l’ordinaire en famille. Le monde du handicap nous a toujours très touchés. C’est un monde vrai dans les rapports humains où il y a peu de faux-semblants.

Christophe Thelot, colocataire de l’habitat partagé

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« C’est vraiment une richesse de vivre cela avec de jeunes enfants », rebondit Marion, sa conjointe.

Arrivé plus récemment, Aristide Beasse-Egu, jeune enseignant au lycée Briacé du Landreau, cherchait, lui, une expérience d’habitat partagé plus profonde.

J’ai déjà fait pas mal de colocation. Avec trois jeunes actifs, on a partagé une maison. J’ai trouvé cela assez frustrant car il n’y avait pas de vie collective.

Aristide Beasse-Egu, jeune enseignant et colacataire

C’est en cherchant des projets dans le département de Loire-Atlantique, que le professeur a choisi de poser ses valises à La Haye-Fouassière.

« On est dans des relations simples et vraies »

Au Rameau, le diplômé en agronomie s’est vite enraciné dans la vie collective.

« J’ai rencontré des gens avec qui je n’aurais pas forcément échangé. On est ici dans des relations simples et vraies », témoigne Aristide.

Un avis que partage Martine Grousselle.

inauguration Rameau
Une inauguration de l’habitat partagé intergénérationnel et inclusif du Rameau a eu lieu il y a quelques semaines. ©Le Rameau

« C’est une très belle expérience à la fois par son côté intergénérationnel et dans le fait de vivre ensemble les différences », souligne l’aînée de la communauté.

Car à la diversité de l’âge et des situations socioprofessionnelles, le groupe partage son quotidien avec trois adultes en situation de handicap : Joseph, Mériadec et Sophie. Les deux premiers travaillent comme cuisinier à Biocat à Gétigné et chez un traiteur aux Sorinières.

Sophie, elle, a travaillé dans un cinéma à Nantes.

Accompagnées par l’Arche le Sénevé, ces trois personnes vivent en autonomie, sans éducateur, entourées des locataires.

« Ce qui est une spécificité de cette expérience », rebondit Christophe Thelot.

Des règles de vie communes

Si chacun a son rythme de vie et son emploi du temps, le partage d’un lieu de vie commun a nécessité d’écrire un petit règlement affiché sur le mur face à la table.

« Comme c’est une expérience, il n’y a pas forcément de règles », souligne Marine Grosselle, la référente de l’Arche Sénevé.

Les quelques principes coécrits parlent surtout de l’organisation des temps partagés.

Comme le repas du mercredi soir. Le principe est simple : chaque semaine, un binôme se charge de faire les courses et de préparer un repas pour l’ensemble des occupants.

habitat partagé
Les locataires partagent des activités ensemble comme l’entretien du jardin. ©Le Rameau

Des week-ends sont aussi fixés pour l’entretien de la maison et du jardin.

Et régulièrement, le groupe organise des activités communes : bowling, marché, sortie à la mer…

La communauté se retrouve aussi le dimanche midi au moment du repas.

« Chacun vient avec son assiette », explique Marion Thelot.

C’est l’esprit de la maison. On n’hésite pas à toquer chez l’un, chez l’autre. Quand on va se balader ou l’on va au ciné, on propose à ceux qui sont là de venir.

Christophe Thelot colocataire

« Ici, c’est une microsociété »

À l’instar des relations de voisinage, les rencontres informelles, les repas partagés, et l’entraide nourrissent le quotidien des colocataires.

Ici, c’est une microsociété qui vit avec ses différences et qui doit gérer les plaisirs et les contradictions quand il y en a. C’est un beau défi.

Martine Grousselle. retraitée et colocataire

Ces tracas du vivre ensemble ne sont pas légion.

« Bien sûr que parfois des avis divergent, qu’il y a des petites difficultés (Ndlr : le bruit, le ménage, la gestion des parties communes, des déchets…)», reconnaît le groupe.

Quand cela arrive, les locataires en parlent, en discutent pour ne pas plomber l’ambiance et l’atmosphère.

« Jusqu’ici, on n’a pas eu besoin de médiateur », sourit Marion.

« Une forme d’enrichissement mutuel »

Pour l’heure, le bilan est positif.

Joseph, Sophie et Mériadec se sentent « bien » dans la maison.

Et les dix habitants, qui vivent sous le même toit, trouvent l’expérience « enrichissante, vraie et authentique ».

On apprend des uns et des autres. Et cela crée du lien.

Marion.

« C’est une forme d’enrichissement mutuel », rebondit le père de famille.

« Et une façon d’être avec les autres et de ne pas se sentir isolé », ajoute la retraitée qui a vécu auprès du monde du handicap, « des personnes qui nous rendent heureuses », ajoute-t-elle.

Si ce type d’habitat essaime un peu partout en France, elle reste pour l’heure marginale bien qu’elle réponde « aux besoins relationnels, affectifs » qui permettent de mieux vieillir ou d’être moins isolé.

L’échange n’est pas là pour répondre aux besoins. Il favorise une présence soutenante. C’est le cas pour moi. En vieillissant, mon autonomie va se réduire. C’est une belle réponse sans que ce soit une imposition pour les autres.

Martine Grousselle, retraitée

L’aînée d’une maison pas comme les autres.

Un Rameau que les dix occupants aimeraient bien voir pousser et grandir ailleurs.

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