Vingt-cinq ans après la fin du bannissement des personnes homosexuelles et transgenres dans l’armée britannique, le roi Charles III a inauguré lundi 27 octobre, au National Memorial Arboretum de Staffordshire, le premier monument national rendant hommage aux soldats et vétérans victimes de cette politique discriminatoire.
Baptisé An Opened Letter (« Une lettre ouverte »), le mémorial se présente comme une grande feuille de bronze froissée, gravée de fragments de lettres et de témoignages de militaires contraints au silence ou exclus pour leur orientation sexuelle ou leur identité de genre.
Cette cérémonie, marquée par la présence de nombreux vétérans, a constitué le premier engagement officiel du souverain en soutien à la communauté LGBTQ+. En déposant des fleurs au pied du monument, Charles III a salué la mémoire de celles et ceux qui ont servi malgré la peur, la stigmatisation et l’exclusion.
Une reconnaissance longtemps attendue
Jusqu’en 2000, il était illégal pour les militaires britanniques d’être ouvertement homosexuels ou transgenres. Des milliers d’entre eux ont été enquêtés, renvoyés, dégradés ou privés de pension au titre d’« inaptitude ». Certains ont également subi des humiliations, voire des violences sexuelles, documentées depuis dans plusieurs rapports officiels.
Le gouvernement britannique avait reconnu la gravité de ces faits en 2023 : l’ancien Premier ministre Rishi Sunak avait alors présenté des excuses publiques au nom de l’État et mis en place un programme d’indemnisation pouvant atteindre 70 000 livres sterling (environ 93 000 euros) par personne concernée.
Le nouveau mémorial s’inscrit dans les recommandations du rapport Etherton, enquête indépendante sur les conséquences de la politique d’exclusion, qui avait mis en lumière un climat de peur, d’homophobie et de harcèlement institutionnel dans les forces armées.
« Faire la paix avec le passé »
Parmi les anciens soldats présents, Claire Ashton, renvoyée de la Royal Artillery en 1972 à l’âge de 21 ans, a évoqué « un moment que je n’aurais jamais cru possible ». D’autres vétérans, comme Pádraigín Ní Rághillíg, expulsée de la Royal Air Force après avoir été vue embrassant une femme, ont salué une étape de « guérison » après des décennies de silence.
Le collectif artistique Abraxas Academy, à l’origine de la sculpture, a voulu faire de cette lettre froissée un symbole de réparation et de mémoire collective. Selon Peter Gibson, directeur de l’association Fighting With Pride, à l’origine du projet, le monument matérialise enfin l’idée que « ce qui leur est arrivé ne doit plus jamais se reproduire ».
Une portée politique et sociale
L’initiative traduit aussi une évolution du rapport de la monarchie et de l’armée britannique à la diversité. Longtemps perçue comme une institution conservatrice, l’armée s’efforce depuis deux décennies d’affirmer son ouverture, notamment par des campagnes de visibilité et la reconnaissance officielle des personnels LGBTQ+.
Le Premier ministre Keir Starmer a salué une « reconnaissance historique » du courage de ces militaires. Le ministère de la Défense, de son côté, a réaffirmé son engagement à garantir un environnement « inclusif et respectueux ».
Mais pour nombre de vétérans, cette reconnaissance symbolique ne remplace pas la justice : beaucoup vivent encore avec les séquelles psychologiques et sociales de leur éviction. La question de l’accès effectif aux réparations reste, elle, au cœur des préoccupations des associations.