Qu’ont en commun l’Aude, le Sud Charente, les provinces espagnoles de Galice, de Castille-et-Leon et le Portugal ? Les feux de forêts. Dans un appel à projets porté par l’Union européenne, baptisé Use4Forest, élus, chargés de mission, agents des territoires ou d’établissements publics, pompiers, membres de syndicats forestiers et universitaires joignent leurs forces pour délivrer une stratégie de prévention dans la lutte contre les incendies. Un travail démarré en 2024, nourri des bonnes pratiques et…

Qu’ont en commun l’Aude, le Sud Charente, les provinces espagnoles de Galice, de Castille-et-Leon et le Portugal ? Les feux de forêts. Dans un appel à projets porté par l’Union européenne, baptisé Use4Forest, élus, chargés de mission, agents des territoires ou d’établissements publics, pompiers, membres de syndicats forestiers et universitaires joignent leurs forces pour délivrer une stratégie de prévention dans la lutte contre les incendies. Un travail démarré en 2024, nourri des bonnes pratiques et de retours d’expériences dont la copie devra être rendue en 2026.

Sites pilotes et logiciel innovant

Mardi et mercredi, au mitan de ce programme au coût éligible de près de 3 millions d’euros, les délégations frontalières ont foulé le sol du Sud Charente pour mûrir leur réflexion. Ce travail a deux enjeux majeurs : la mise en place par l’université de Vigo (Portugal) d’une carte dynamique de probabilité du risque incendie, alimentée par les connaissances du terrain liées à la végétation, aux combustibles, à la topographie et aux variables comme la météo ; et la mise en lumière de sites pilotes dans la lutte. In fine, Use4Forest doit améliorer la capacité de réponses des différentes administrations et apporter des solutions transférables d’un territoire à l’autre.

Cette semaine, un point d’étape a donc été fait en Sud Charente, meurtri cet été par un incendie ayant ravagé 200 hectares sur les communes de Brossac, Saint-Vallier et Bardenac, avec une saute de feu brûlant 11 hectares supplémentaires. Des chiffres qui se rapprochent du plus gros incendie jamais connu en Charente, celui de Nonac, Courgeac, Saint-Martial et Deviat en 2022 avec ses 251 ha calcinés. Loin des 17 000 ha consumés cet été dans l’Aude (lire par ailleurs), mais le phénomène ici, comme ailleurs dans ce quart Sud Ouest de l’Europe, se répète, s’intensifie.

Une hausse due, en partie, au changement climatique, à l’abandon progressif des terres rurales et à l’arrêt des activités productives traditionnellement liées à la forêt.

Les acteurs de ce programme européenne veulent définir une stratégie de prévention contre les feux de forêt.

Les acteurs de ce programme européenne veulent définir une stratégie de prévention contre les feux de forêt.

Julie Desbois

Dans ce bout de territoire charentais, la politique de défense des massifs forestiers a été déléguée au Pays Sud Charente qui a déjà planché sur des actions concrètes, présentées ce mercredi sur le terrain. La plus innovante, probablement, est le logiciel Prometheus, expliqué par le lieutenant-colonel David Vergnaud, conseiller technique départemental des feux de forêts au Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) de la Charente. Cet outil permet d’étudier l’évolution d’un feu, sans une action de lutte, dans les conditions réelles reproduites. Pour exemple, le sinistre de cet été aurait pu détruire 600 ha de forêt.

Moins 2.0 mais tout aussi utile, le Pays Sud Charente a entamé depuis 2019, la mise en place de pistes dite DFCI (défense des forêts contre les incendies). La dernière inaugurée à Bardenac, il y a une quinzaine de jours, a été montrée ce mercredi matin. Elle a pour but de parceller des massifs (moins de 100 ha d’un seul tenant) afin de permettre l’exploitation et la valorisation du bois mais surtout d’en donner l’accès aux pompiers. Dans cette zone, deux réserves d’eau, dont une enterrée de 90m3, ont été installées quand la ressource était jusqu’alors inexistante.

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“On ne mettra pas en jeu la vie d’un sapeur-pompier, si un propriétaire n’a pas effectué ce qui lui incombe.”

Une réalisation complexifiée par bien des lourdeurs administratives qui ont exaspéré les élus locaux. Dans le cadre de Use4Forest et pour que l’expérience ne se reproduise pas, le Centre national de la propriété forestière (CNPF) a été missionné pour la mise en place d’un protocole afin de faciliter ses démarches.

Tirer les leçons du passé

Le massif de Saint-Vallier après le sinistre de cet été.

Le massif de Saint-Vallier après le sinistre de cet été.

Olivier Roubin

Enfin, le CNPF a parlé de l’après. La replantation. À Chillac, le choix du reboisement a été celui du pin maritime. Plus combustible qu’un résineux, il se justifie sur un sol hydromorphe, c’est-à-dire qui se gonfle en eau en hiver et s’assèche l’été. « Il ne faut pas oublier qu’on s’adresse à des propriétaires privés, rappelle Alexandre Gobin, référent DFCI pour la Nouvelle-Aquitaine au CNPF. Un hectare de résineux coûte entre 3000 et 4000 euros, ce sera le double pour des feuillus qui ne pourront ensuite être valorisés. Un feu prend du sol, l’enjeu sera de créer une discontinuité végétale par l’entretien des parcelles. »

Encore faut-il que tous les propriétaires entretiennent correctement les abords de leurs maison. Or ces récentes obligations de débroussaillage sont difficiles à faire appliquer. Pourtant, le lieutenant-colonel Vergnaud l’assure, “on ne mettra pas en jeu la vie d’un sapeur-pompier, si un propriétaire n’a pas effectué ce qui lui incombe. »

Des échanges suivis de près par Maria Honora Barrio Blanco, coordinatrice du projet pour la province de Galice. « Nous sommes habitués depuis de longues années à lutter contre les feux de forêts. Nous devons nous unir dans une stratégie commune de prévention. Car certes le Portugal et l’Espagne sont les plus touchés, mais la tendance veut que la France connaisse de plus en plus de sinistres. »

Dans l’Aude, le choix des pare-feu productifs
Victime d’un incendie géant dans son massif des Corbières, l’Aude est un des acteurs de Use4Forest. qui a fait un choix différent du sud Charente pour prévenir les incendies, avec la volonté de mettre en place des pare-feu productifs. Ces coupes franches de plusieurs kilomètres entre les arbres, pour éviter tout saut des flammes, pourraient se voir rentabiliser par la mise en oeuvre d’une autre activité économique que la sylviculture, comme par exemple de l’élevage sur ces parcelles.