Trois Bulgares jugés à Paris dans l’affaire des « mains rouges » taguées en mai 2024 sur le Mémorial de la Shoah, sur fond de soupçons d’ingérence étrangère, se sont présentés mercredi comme de simples exécutants guidés par l’appât du gain, rejetant toute motivation idéologique.
Cette affaire qui remonte à mai 2024 est la première jugée d’une série de tentatives de déstabilisation visant à « semer le trouble » et « créer des fractures » dans la population française, avait affirmé en septembre la procureure de Paris, Laure Beccuau.
Il manque dans le box des prévenus du tribunal correctionnel de Paris un quatrième suspect, visé par un mandat d’arrêt mais toujours en fuite.
Ses trois compagnons d’infortune, extradés de Bulgarie et de Croatie, et qui comparaissent détenus, n’hésitent pas à charger celui qu’ils présentent comme le « leader » de cette entreprise nocturne au cours de laquelle plus de 500 tags ont été dénombrés, 35 sur le seul Mémorial de la Shoah, au coeur de la capitale française.
Le premier affirme qu’il ne savait pas où ils se trouvaient, ni qu’il taguait le « Mur des Justes » du Mémorial, ajoutant avoir accepté de venir en France par appât du gain, 1000 euros en sus des frais de séjour.
« Ombre de la Russie »
Pourquoi l’avoir recruté, lui, le militant nationaliste qui arbore sur son torse le tatouage d’une croix gammée et dont plusieurs photos sur les réseaux sociaux le montrent tantôt faire un salut nazi, tantôt porter un t-shirt à l’effigie d’Hitler barré de la mention « He was right » (comprendre « Il avait raison »)?
Le prévenu élude, avant de « supposer » malgré tout qu’il n’a « pas été choisi de manière aléatoire » par le suspect toujours en fuite et « ses contacts russes ».
Cette piste russe a été mise en évidence par l’information judiciaire, qui a relevé « l’hypothèse que cette action était susceptible de correspondre à une action de déstabilisation de la France orchestrée par les services de renseignement » moscovites.
D’autant que le service Viginum, chargé de la lutte contre les ingérences numériques étrangères, avait observé « une instrumentalisation » de cette affaire sur X « par des acteurs liés à la Russie ».
Une opération « conduite par le dispositif d’influence russe RRN à travers un réseau de plusieurs milliers de comptes inauthentiques sur Twitter et par un pseudo média français créé par RRN intitulé Artichoc », selon le parquet.
D’autres affaires
Ce dossier s’inscrit dans d’autres affaires liées à des ingérences étrangères: étoiles de David taguées en région parisienne; têtes de cochon déposées devant plusieurs mosquées; ou cercueils déposés au pied de la tour Eiffel…
Des étoiles de David ont été sprayées sur la façade d’un bâtiment du 14e arrondissement de Paris. [AFP – Magali Cohen]
Avant l’ouverture des débats, son avocat, Me Martin Vettes, avait fait observer que « l’ombre de la Russie plane sur cette salle d’audience », pour mieux renvoyer les prévenus à de « simples exécutants qui n’avaient même pas conscience d’agir indirectement pour les intérêts » de Moscou.
Deux des Bulgares dans le box ainsi que l’absent sont poursuivis pour dégradations en réunion et en raison de la prétendue appartenance à une race, ethnie ou religion, ainsi que pour association de malfaiteurs.
Le quatrième prévenu, soupçonné d’avoir effectué les réservations d’hébergement et de transports des auteurs principaux, est mis en cause pour complicité dans les dégradations et association de malfaiteurs.
Tous encourent sept ans d’emprisonnement et 75’000 euros d’amende. Le procès doit se tenir jusqu’à vendredi.
afp/fgn