Depuis deux semaines, l’économie du pays sahélien tourne au ralenti à cause du blocus pétrolier imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda.

Après l’ambassade américaine au Mali qui a exhorté mardi ses ressortissants à «quitter immédiatement» le pays en raison de «la nature imprévisible de la situation sécuritaire à Bamako», c’est au tour de l’Italie et de l’Allemagne d’inviter mercredi leurs ressortissants à quitter le pays au plus vite. Alors que le blocus se fait ressentir depuis deux semaines à Bamako, l’économie du pays sahélien enclavé tourne au ralenti. «Cela fait une semaine que je ne vais plus au travail», explique Oumar Diallo, un fonctionnaire dans la file d’attente longue d’un kilomètre.

Dans le quartier des affaires de Bamako, des centaines de voitures et de motos à l’arrêt s’agglutinent nuit et jour sur un boulevard, dans l’attente qu’une des trois stations-service s’y alignant distribue du carburant alors que la capitale malienne subit un blocus imposé par les djihadistes, rendant difficile le quotidien des habitants.


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Selon le JNIM, le blocus est une mesure de représailles après l’interdiction par les autorités de la vente de carburant hors stations-service en milieu rural, où le carburant est acheminé en jerricanes pour être vendu ensuite. La mesure avait pour but d’assécher les moyens d’approvisionnement des djihadistes, selon les autorités. Malgré les escortes de l’armée, plusieurs camions ont été incendiés, et des chauffeurs et militaires tués ou enlevés dans des embuscades djihadistes.

De 19h par jour, la fourniture d’électricité a été ramenée à 6h

«Je suis à cette place depuis trois jours. J’ai passé deux nuits ici», se lamente auprès de l’AFP Karim Coulibaly, chauffeur de bus d’une trentaine d’années «au chômage» faute d’essence. En trois jours, un seul camion-citerne est venu ravitailler les cuves. Le carburant s’est écoulé en une heure sous la surveillance des forces de l’ordre, dans ce pays dirigé par une junte autoritaire depuis deux coups d’État en 2020 puis 2021. Comme partout dans la capitale, le ravitaillement est rationné à 10.000 francs CFA (15 euros), soit environ 13 litres d’essence.

Le litre, vendu à la pompe à 725 francs CFA (1,10 euro), est revendu sur le marché noir 2.000 francs CFA (3 euros), selon des habitants interrogés par l’AFP. «On n’a pas le choix. C’est à prendre ou à laisser», souffle un consommateur ayant souhaité conserver l’anonymat. Depuis septembre, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al-Qaïda, s’attaque aux camions-citernes de carburant venant notamment du Sénégal et de la Côte d’Ivoire, par où transite la majorité des biens qu’importe le Mali.

La pénurie exacerbe également les coupures d’électricité récurrentes qui plombent l’économie malienne depuis cinq ans, l’énergie du pays étant essentiellement thermique. De 19 heures par jour, la fourniture d’électricité a été ramenée à six heures par Énergie du Mali (EDM). Mamadou Coulibaly, un électricien de 23 ans, n’a pas pu travailler depuis une semaine, étant injoignable car son téléphone et ses batteries externes sont déchargés.

Les habitants cherchent des solutions alternatives

Chez son dernier client, il a dû attendre des heures le courant – qui n’est jamais venu – pour localiser une panne électrique. Pour rentrer chez lui, il a dû pousser à pied sa moto sur vingt kilomètres. «Depuis, je suis là, sans argent, sans travail, sans moyen de déplacement…», peste-t-il. La junte a annoncé dimanche soir la suspension des cours dans les écoles et les universités pour deux semaines à cause de cette pénurie. En pleine période des récoltes, certains engins agricoles ne peuvent pas fonctionner faute de carburant dans le reste du pays.


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«Habituellement, en cette période, les prix du riz et du mil baissent, parce que c’est la période des récoltes. Cette année, ce n’est pas le cas», déplore Ousmane Dao, 32 ans, vendeur de céréales au Marché rose de Bamako. Dans les épiceries aussi, la pénurie de carburant impacte les stocks alimentaires. «On commence à manquer de spaghettis, de macaronis et de yaourts pourtant fabriqués ici. Les fournisseurs n’ont pas les moyens d’en fabriquer, faute d’électricité», constate Hamidou Maïga dans son échoppe bamakoise.

La junte est demeurée jusqu’ici silencieuse sur la situation. Face à l’urgence, les Bamakois tentent de trouver des solutions alternatives. Les plus fortunés investissent dans des panneaux solaires pour se fournir en électricité. Comme de nombreux jeunes à moto, Chaka Doumbia, mécanicien de 22 ans, mise désormais sur la débrouille: «Je mélange du solvant pour diluer la peinture avec de l’alcool. Avec ça, on a de quoi faire marcher son moteur». Au risque, si le mélange est mal dosé, d’enflammer sa machine.