Par

Julie Bossart

Publié le

29 oct. 2025 à 22h21

Le temps du souvenir et du recueillement a été de courte de durée. Lundi 27 octobre 2025 étaient commémorés les 20 ans de la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré, ces deux adolescents de 17 et 15 ans qui, pour échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois, s’étaient réfugiés dans un transformateur électrique. Ils y avaient perdu la vie, électrocutés. Leur décès, alors qu’ils n’avaient rien à se reprocher, avait déclenché trois semaines d’insurrection dans les banlieues françaises.

« Le racisme et la violence continuent de ronger la police »

Deux décennies plus tard, les proches des jeunes victimes, au-delà, toute la ville de Clichy-sous-Bois, restent marqués par le drame. Mais les habitants ont appris à « transformer cette révolte en engagement » et su « refuser l’oubli sans céder à la haine », a salué lundi avec pudeur le maire (divers gauche), Olivier Klein, lorsque, à l’occasion d’une cérémonie du souvenir, un ginkgo biloba, « symbole de résilience », a été planté devant le collège où les deux adolescents étaient scolarisés.

Manon Aubry, elle, ne refuse pas l’oubli, mais elle aurait cédé à « la haine antipoliciers », s’étrangle sur X Un1té, l’un des syndicats de la Police nationale.

Dans un tweet posté lundi, l’eurodéputée LFI a déclaré que « Zyed Benna et Bouna Traoré ont été tués lors d’un contrôle policier. Depuis rien n’a changé. Le racisme et la violence continuent de ronger la police et de causer des morts. Cessons de fermer les yeux et stoppons l’impunité, pour la justice et la paix. »

Son collègue à l’Assemblée nationale Paul Vannier, lui, a été plus frontal :  » Depuis [le décès des deux adolescents], 162 personnes sont mortes dans des contextes semblables, a-t-il calculé sur le même réseau social, graphique à l’appui. La police tue. Il est temps d’agir pour changer cette réalité. »

Deux autres députés LFI ont embrayé, reprenant les mêmes éléments de langage. Pour Aurélien Taché : « Vingt ans après arès, les histoires se répètent : la police tue toujours, et les victimes sont les mêmes. On n’éduque pas des enfants par la peur. » 

Pour Ersilia Soudais : « Rien n’a changé. L’institution policière continue de tuer et de commettre des bavures en toute impunité. Et nous continuons d’être en colère. »

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Le 27 octobre 2005, une bande d’adolescents de Clichy-sous-Bois en vacances sont passés à proximité d’un chantier de logements en construction. Un riverain les a remarqués et a alerté la police, qui suspectait un cambriolage ou des dégradations. À l’arrivée de la patrouille, trois adolescents ont pris la fuite : Zyed Benna, Bouna Traoré et Muhittin Altun. Paniqués, ils se sont réfugiés dans un poste électrique EDF. Seul Muhittin survivra, gravement brûlé.

Si les autorités ont d’abord nié la réalité de la course poursuite et évoqué à tort une tentative de cambriolage sur un chantier, deux policiers ont été mis en examen pour non-assistance à personne en danger en 2007. Le procès, qui s’est tenu huit ans plus tard, en raison de différentes péripéties judiciaires, a abouti à la relaxe des policiers. La décision a été confirmée en appel en 2016.

« Ces propos sont inadmissibles et inqualifiables »

Aux yeux d’Un1té, les propos de Manon Aubry sont « diffamatoires ». Linda Kebbab, la secrétaire nationale du syndicat, a enfoncé le clou sur X : « Ont été tués. Non. [Zyed Benna et Bouna Traoré] sont malheureusement entrés seuls dans le transfo EDF et l’enquête a démontré que les policiers ne les avaient aucunement vus et n’avaient pas la certitude qu’ils y étaient entrés, verbalisant même leurs doutes sur les ondes. » Et d’accuser : « Vous [Manon Aubry] regrettez juste que les policiers ne soient pas entrés et ne soient pas morts . Dans ce drame, il faut toujours une poignée d’excités pour mettre le feu au pays. »

Saisi, le ministère de l’Intérieur a porté plainte, selon Un1té. Dans l’émission de France 5 « Càvous », ce mercredi soir, Laurent Nuñez n’a pas esquivé :  » Évidemment que je vais porter plainte. Je ne peux pas l’accepter, ça n’est pas acceptable. » Contactée, la place Beauvau nous a confirmés qu’une plainte avait été déposée contre Manon Aubry et ses trois collègues, sans préciser sur quels motifs précisément. 

Lors des questions d’actualité gouvernement mardi, Laurent Nuñez n’avait pas mâché ses mots : « Je ne laisserai jamais dire que l’institution policière tue et que les violences sont systémiques, comme certains députés LFI l’ont dit hier sur les réseaux sociaux. Ces propos sont inadmissibles et inqualifiables. Je défends les policiers qui œuvrent chaque jour pour protéger nos concitoyens. Ils le font dans un cadre strict et réglementé. »

Ce n’est pas la première fois que Laurent Nuñez s’élève contre des propos de députés LFI accusant la police de tuer. En août, alors encore préfet de Police de Paris, il avait déposé plainte contre l’élu de Seine-Saint-Denis Aly Diouara.

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