Qui aurait cru, en février 2022 alors que la Russie lançait son opération à grande échelle contre l’Ukraine, que celle-ci ne ploierait pas, ferait mieux que résister et pourrait, quelque temps plus tard, menacer Moscou de frappes aériennes ? Comme l’expliquait korii. dès janvier 2023, le patron du renseignement militaire de Kiev, Kyrylo Boudanov, y croyait – et l’annonçait subrepticement.

Les spectateurs les plus attentifs notaient ainsi que, lors d’une interview avec la chaîne américaine ABC, il montrait dans son bureau une carte de Moscou, tout en annonçant qu’une Ukraine déjà loin d’être battue se préparait à la riposte, et que les frappes à longue portée allaient se multiplier sur le territoire russe.

Les drones ukrainiens visent désormais Moscou

Avance rapide. En 2025, plus de deux ans plus tard, alors que le front de la guerre entre les deux nations est plus ou moins figé, les annonces de Kyrylo Boudanov, qui pouvaient en 2023 sembler osées, se sont concrétisées. L’Ukraine a repris quelques couleurs et multiplie désormais, comme annoncé par le patron du renseignement militaire ukrainien, les frappes à longue portée sur la Russie.

Celles-ci, ces derniers mois, se sont concentrées sur le nerf de l’économie de guerre russe, les infrastructures pétrolières et gazières du pays, au point de provoquer une pénurie de carburant dans certaines parties du pays et de pousser le Kremlin à déployer systèmes anti-aériens et défenses humaines autour de certaines installations, avec un résultat plutôt peu probant.

Mais ainsi que l’explique un article fouillé de Forbes, une autre cible régulière semble désormais se dessiner pour les drones et les missiles ukrainiens : rien de moins que la capitale russe, Moscou, là encore comme annoncé à demi-mot par Boudanov dès 2023.

Le maire de la ville, Sergueï Sobianine, a ainsi annoncé que 34 drones avaient été interceptés au-dessus de la ville dans la nuit du 26 au 27 octobre. C’est loin d’être la première fois que Moscou est visé par une frappe ukrainienne. Comme le rapportait alors le Guardian, la première salve est tombée sur la capitale russe dès mai 2023. Depuis, les attaques ont été régulières sur la ville.

Mais la production ukrainienne de missiles comme de drones est en train de connaître une croissance exponentielle – le pays en consomme jusqu’à 9 000 par jour –, permettant au pays d’envisager de multiplier ces frappes sur la capitale russe, en parallèle de celles sur les infrastructures pétrolières du pays.

Moscou, hérissée de défenses anti-aériennes

Comme l’indiquait Reuters fin 2024, l’Ukraine vise ainsi une production de 30 000 projectiles à longue portée en 2025. Et ainsi que le note Forbes, le chiffre ne semble pas délirant : concepteur du drone FP-1, Fire Point explique déjà en produire 100 par jour, et elle n’est que l’une des très nombreuses firmes et start-ups du pays à fabriquer de tels engins.

Alors Moscou se prépare, comme elle le peut. Notamment en rapatriant d’autres régions tous les systèmes anti-aériens S-300, S-400 et Pantsir qu’elle peut déplacer, créant ainsi une défense concentrique pour tenter d’intercepter les projectiles que l’Ukraine ne manquera pas de lancer.

Et si le Kremlin met autant de moyens à protéger la ville, c’est parce qu’elle abrite l’élite du pays, celle qui continue à soutenir Vladimir Poutine et son « opération spéciale » contre l’Ukraine – perdre ce soutien du fait de trop nombreuses attaques réussies pourrait fragiliser le pouvoir et ses plans pour l’avenir.

Les S-300, S-400 et Pantsir, destinés à la défense contre des missiles balistiques, sont également appuyés par des moyens humains moins massifs, plus à même d’intercepter des petits projectiles agiles et discrets contre lesquels ces gros systèmes ne peuvent pas grand-chose. Cela sera-t-il suffisant, si l’Ukraine commence à faire pleuvoir un déluge de drones et de missiles sur Moscou ? Rien n’est moins sûr, et les prochains mois pourraient être cruciaux pour la ville, comme pour son soutien à Vladimir Poutine et à la continuation de la guerre.