Dans un rapport publié jeudi dernier, la chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine reproche à Fabrizio Gallanti, directeur général d’Arc en rêve, d’avoir dépensé 36.000 euros pour aller rendre visite à sa famille au Canada.

L’association bordelaise Arc en rêve, spécialisée depuis 1980 dans la promotion de l’architecture auprès du grand public, est au cœur de la tourmente. Jeudi dernier, la chambre régionale des comptes à rendu public son rapport d’observations définitives sur l’institution dotée chaque année de près d’1,5 million d’euros de subventions émanant de collectivités publiques locales (Drac Nouvelle-Aquitaine, Ville de Bordeaux, Métropole). La synthèse est cinglante.

En 2022, l’association Arc en rêve présentait un solde déficitaire de 800.000 euros après avoir été dupée par son ancien secrétaire général, qui faisait voter des budgets falsifiés pour détourner une partie de l’argent. Le malfrat, déjà connu des services de justice, est un professionnel. Une plainte a été déposée, une enquête est en cours et l’association Arc en rêve a réussi à redresser ses comptes «sans un euro de subventions publiques exceptionnelles», insiste la direction. Remboursement de la dette Urssaf en août et paiement des derniers fournisseurs en octobre 2025 ont achevé d’assainir la situation budgétaire, et le prochain solde de l’association devrait être positif. Un tour de force.


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Il n’empêche que le bât blesse. «Avant que nous ne soyons victimes de cet escroc professionnel, la gestion d’Arc en rêve était assez artisanale. Il a étudié la structure et trouvé les failles pour nous voler», regrette Fabrizio Gallanti, le directeur général d’Arc en rêve. «Cette association, née il y a 40 ans et dirigée par ses fondateurs Francine Fort et Michel Jacques jusqu’en 2020, n’avait pas mis en place de contrôle… L’ancienne directrice, qui gérait tout en direct, l’assurait par nature. Il y a une responsabilité de nos experts-comptables, du directeur et d’un peu tout le monde», assume François Brouta, le président de l’association.

Manque de procédure interne

Le manque de procédure interne, en sus d’avoir permis à un escroc de se servir dans la caisse, a aussi entraîné des abus d’usage. En l’occurrence, par compensation tacite à son salaire moins élevé que ces prédécesseurs, Fabrizio Gallanti s’est vu rembourser 36.691 euros de notes de frais pour des voyages au Canada entre 2021 et 2024. Des paiements, au vu et au su de tous, jamais inscrits dans son contrat de travail, qui posent nécessairement question sur la gestion du bien public au regard de l’éloignement géographique de la famille de l’intéressé – dont la femme et les enfants résident de l’autre côté de l’Atlantique. «Mes voyages correspondaient aussi à des activités professionnelles, qui ont eu des retombées positives sur la structure. Il y avait un accord tacite, je ne le voyais pas comme un avantage personnel», se défend le directeur général d’Arc en rêve.

L’architecte, qui s’est engagé à rembourser l’intégralité de la somme, se défend également d’une mauvaise gestion financière. «La fraude dont nous avons été victimes en 2022 nous a conduits à croire que nous avions une trésorerie, ce qui a entraîné une production extrêmement fournie, avec plus d’expositions et d’événements publics», justifie-t-il.

Parmi eux, la chambre régionale des comptes pointe toutefois les plus de 45.000 euros déboursés à l’occasion de la soirée de départ de la directrice historique. Une somme, que la juridiction juge outrancière au regard de l’absence de mise en concurrence des prestataires et surtout, de son dépassement de plus de 50% de l’enveloppe approuvée au préalable. «Normalement, on demande trois devis à trois entreprises, cela n’a pas été fait et c’est effectivement de notre faute. Cela dit, notre budget préalable de 30.000 euros ne prenait pas en compte le dispositif audio, coûteux, et nous avions 400 invités. Il me semble que cette soirée exceptionnelle, honorant les fondateurs qui ont réussi à faire de leur petite association une référence internationale en seulement 40 ans, est dans les normes», réplique Fabrizio Gallanti.

Crise politique

La chambre régionale des comptes estime, elle, que «ce dérapage budgétaire n’a été rendu possible que par l’absence de dispositif de contrôle et plus globalement d’intérêt suffisant manifesté par la direction pour les questions financières».


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Sorti de la crise financière en octobre, Arc en rêve se retrouve donc au cœur d’une tempête politique avec la publication de ce rapport, malgré un efficace redressement ces deux dernières années. Dans un communiqué adressé à la presse, Bordeaux-Métropole et la mairie de Bordeaux «demandent un remboursement immédiat des sommes dépensées à des fins non professionnelles et une profonde évolution de la gouvernance de l’association».

Fabrizio Gallanti, lui, est sur la sellette. «C’est d’autant plus dommage que le directeur actuel d’Arc en rêve est un mouton à cinq pattes. Il est polyglotte, il sait entraîner ses équipes, il a su redresser les comptes en deux ans et fait rare, c’est un architecte qui sait parler d’architecture au grand public», déplore une source publique proche du dossier. Avant d’ajouter : «Fabrizio Gallanti avait aussi de très bonnes idées et d’excellents réseaux à l’international qui lui ont permis de continuer à faire de belles expositions, de qualité, avec très peu de moyens après 2022.» Une décision doit être rendue dans les prochaines semaines à l’occasion d’un nouveau conseil d’administration.