Cette combinaison de traits cognitifs, émotionnels et de personnalité permet de comprendre pourquoi les plus grands succès professionnels ou de leadership surviennent souvent tard dans la vie.
Pour parvenir à cette conclusion, l’équipe de Gilles Gignac a compilé des données issues de nombreuses études sur seize dimensions psychologiques : mémoire, raisonnement, stabilité émotionnelle, empathie, flexibilité mentale, résistance aux biais cognitifs, entre autres. Ces résultats ont été standardisés pour établir une carte de l’évolution mentale tout au long de la vie.
Le tableau est nuancé : la mémoire de travail et la rapidité de traitement déclinent effectivement après la trentaine. Mais d’autres capacités, comme la culture générale, la compréhension morale ou la capacité à gérer ses émotions, continuent de progresser. « Entre 55 et 60 ans, on observe une sorte de sweet spot du fonctionnement psychologique humain, décrit Gilles Gignac. Les gens disposent alors d’une base de connaissances riche, d’une grande stabilité émotionnelle et d’une meilleure résistance aux erreurs de jugement. »
Ce point d’équilibre explique pourquoi de nombreuses personnes de cet âge excellent dans les rôles complexes et exigeants, où il faut combiner raisonnement, expérience et intuition sociale.
Le déclin, après 70 ans, s’accélère
L’étude révèle aussi que cette période de puissance cognitive n’est pas éternelle. « Nous avons été frappés par la pente du déclin après 70 ans, note Gilles Gignac. Dans notre modèle le plus classique, un jeune adulte de 20 ans obtient déjà un score supérieur à celui de nombreux dirigeants âgés de plus de 70 ans. »
Le chercheur souligne toutefois de fortes différences individuelles : certains conservent des performances élevées bien au-delà de cet âge, surtout lorsque leur santé et leur curiosité restent entretenues.
Repenser la valeur de l’âge
Ces résultats invitent à revoir la manière dont la société perçoit la cinquantaine. « Les personnes dans la cinquantaine sont souvent désavantagées sur le marché du travail, regrette le chercheur. Pourtant, nos données montrent que cette période correspond à un fonctionnement supérieur. Cela suggère que les entreprises passent peut-être à côté d’un formidable réservoir de compétences et de jugement. »
Selon lui, cette recherche plaide pour une réévaluation du rôle des adultes de milieu de vie, notamment dans les postes de direction. « Nos capacités psychologiques ne sont pas figées à 25 ans, insiste-t-il. Elles évoluent. Dans bien des cas, les individus sont à leur plus haut niveau de compétence à 55 ans. C’est à la fois un message porteur d’espoir et un appel à repenser la manière dont nous valorisons l’expérience. »