L’Institut Tanenbaum pour la Science dans le Sport (TISS*), soutenu par Larry et Judy Tanenbaum Family Foundation, vient d’annoncer une dotation de plus d’1 M€ au profit du CHU de Saint-Etienne. Le riche propriétaire canadien de l’ASSE (par le biais de Kilmer Sports Ventures) cofinance ainsi un programme de recherche stéphanois majeur. Objectif : développer des technologies révolutionnaires de prévention, de soin et d’anti récidives vis-à-vis des blessures dans le football.  

Pascal Edouard, Larry Tanenbaum, Olivier Bossard et Pierre Croisille lors de la présentation mardi de ce programme de recherche. ©If Media / Xavier Alix

Des centaines, ce serait bien. Des milliers ce serait mieux, l’idéal en « cobayes » pour mener à bien ce projet scientifique. D’ici quelques mois, depuis Saint-Etienne, c’est un appel national au volontariat qui devrait être lancé auprès des pratiquants en tous genres, de tous niveaux, de football en France. Il s’agira d’être les sujets d’étude – le plus souvent à distance, naturellement – d’un programme de recherche majeur sous le couvert du CHU stéphanois à travers son « Unité de Médecine du Sport ». Il doit aboutir au développement de technologies révolutionnaires de prévention, de dispositifs de soin et d’anti-récidives vis-à-vis des blessures dans le sport, le football plus particulièrement.

Et comme très souvent dans le domaine de la recherche publique, des acteurs « partagés » y participent, à commencer par le fameux LIBM*, Laboratoire interuniversitaire de biologie de la motricité, de l’université Jean-Monnet. Un des nombreux traits d’union autour de la santé – en l’occurrence ici, le sport santé – entre le principal établissement d’enseignement supérieur de la ville et le Centre hospitalier universitaire (CHU) dont le site abrite son, plutôt « leur », « campus santé ». Les activités du professeur Pascal Edouard illustrent cette croisée des chemins en tant que praticien hospitalier, responsable de l’Unité de Médecine du Sport au CHU et, enfin, responsable de l’équipe SPIP (Sports Performance and Injury Prevention / performance dans le sport et prévention des blessures) au sein du même LIBM. Il sera à la direction de ce programme de recherche aux côtés de Pierre Croisille, chef du service de radiologie du CHU.

L’expertise stéphanoise sur la physiologie de l’exercice

Comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire dans nos colonnes, la physiologie de l’exercice physique est une des expertises phares de la recherche publique stéphanoise, débouchant régulièrement sur des protocoles spectaculaires et des publications scientifiques prestigieuses. Une contribution majeure qui monte en puissance depuis maintenant des décennies. Ce qui n’a évidemment pas échappé à l’ASSE. Bien avant que le richissime canadien Larry Tanenbaum ne se penche sur le destin des Verts en concrétisant le rachat du club il y a un an et demi via sa société spécialisée Kilmer Sports. Deux décennies de collaboration donc entre deux excellences stéphanoises : celle sportive et celle scientifique, encore accentuée à l’automne 2023 (avec une première convention officielle) entre autres, mais déjà, autour de la prévention des blessures.  

Les liens entre l’ASSE et les expertises croisées entre CHU et l’Université Jean-Monnet ne datent pas d’hier. Photo transmise en décembre 2023 par l’université Jean Monnet.

C’est ce sujet, précisément, qui va occuper dans les années qui viennent le nouveau programme de recherche soutenu à hauteur de plus d’1 M€ – sur 2,6 M€ de coûts annoncés – par l’Institut Tanenbaum pour la Science dans le Sport (TISS*). Œuvre « philanthropique » parmi le portefeuille d’activités du milliardaire – il a fait fortune dans le secteur de la construction – canadien Larry Tanenbaum. Avant d’assister, le soir même, au retour en grâce auprès du Chaudron de ses Verts, écorcheurs de Pau 6 – 0, Larry Tanenbaum était mardi avec son épouse au centre Robert-Herbin de L’Etrat pour donner une conférence de presse aux côtés du CHU annonçant ce don et son objet.

Un algorithme déjà existant à la base

« Très rapidement après le rachat du club, des échanges ont eu lien entre le CHU et l’Institut Tanenbaum. C’est une visite chez nous, aux alentours Pâques 2025, qui a permis l’émergence de ce projet », raconte Olivier Bossard, directeur général du CHU de Saint-Étienne. Croisant IA, physiologie et modélisation numérique, « cette collaboration illustre la force des partenariats internationaux pour accélérer l’innovation et améliorer la prise en charge des athlètes. Nous sommes profondément reconnaissants envers l’Institut Tanenbaum pour ce soutien, qui nous permettra de renforcer notre compréhension du lien entre sport, performance et santé. » Il revenait au professeur Pascal Edouard de synthétiser cette future avancée à double volet qui mettra plusieurs années à aboutir. A partir de ce constat simple : les bienfaits physiques et mentaux de la pratique du sport ne sont plus à prouver mais elle porte dans son sillage ce fâcheux effet secondaire qu’est la blessure.

Une équipe de football, c’est en moyenne 50 blessures par saison.

Professeur Edouard Pascal

« 75 % des pratiquants connaissent au moins une blessure (au moins légère, Ndlr) en une année, observe Pascal Edouard. Et une équipe de football, c’est en moyenne 50 blessures par saison. Et de manière générale, la récidive est en moyenne de 25 % débouchant sur une fragilisation et souvent un cercle vicieux de rechute / aggravation. » Et dans le football, l’intensité physique du haut niveau augmente chaque année selon les explications qu’avait données en novembre 2023 à If Saint-Etienne Thierry Cotte, alors responsable de la performance, amène à toujours plus de préparation, de suivi, d’exigence, de technologies pour palier un risque de blessures du coup tout aussi montant. Réduire ce risque, en particulier, c’est donc l’objectif du programme de recherche chapeauté par le CHU stéphanois, à partir d’un algorithme déjà mis au point mais dans l’athlétisme par l’équipe de Pascal Edouard et qui a déjà fait ses preuves.    

Appli et jumeaux numériques personnalisés

Il s’agit désormais d’aller plus loin « grâce à la médecine prédictive et de précision, en combinant technologies d’imagerie de pointe et recherche appliquée. Cette approche révolutionnaire doit favoriser des pratiques d’entraînement plus sûres et plus efficaces afin de prévenir les blessures pouvant survenir lors d’une activité sportive, tant pour les athlètes de haut niveau que pour les athlètes occasionnels. » Le programme s’articule autour de deux projets « innovants et complémentaires » :

  • IPrevApp : une application destinée à tous et basée sur un modèle scientifique validé qui identifie les personnes à risque et le moment où elles le sont. « Elle estime chaque jour le risque de blessure en combinant charge d’entraînement, antécédents, fatigue auto-déclarée, etc., puis délivre des recommandations personnalisées pour adapter l’entraînement et la prévention. » L’algorithme déjà développé pour l’athlétisme en est la base. L’appli vise une approche globale en rentrant le maximum de données possible sur ce que subit le corps pour faire face aux risques individualisés et multifactoriels. Il s’agit à la fois de bénéficier à la prévention, comme à la prise en charge si une blessure se déclare malgré tout. Il faudra 12 mois pour obtenir un modèle d’IPrevApp adapté au football. Puis encore 2 à 3 ans pour son développement, passer à une échelle plus complexe encore.  
  • DigiLimb (jumeau numérique de l’athlète) : parvenir à des répliques virtuelles individualisées construites à partir de données réelles « permettant de simuler la réponse de chaque athlète à un traitement ou à un protocole de retour au sport ». De quoi dépister donc les éléments de faiblesse propres au corps d’une personne via la cartographie précise de l’appareil locomoteur qui lui est propre, parce que « l’on n’est pas tous faits pareil » : ossature, tendon jusqu’aux muscles, aux tissus mous. Le métabolisme, la consommation d’énergie de chaque corps doivent aussi être pris en compte afin d’identifier les contraintes particulières – forces, élasticité, système nerveux – pesant sur chacun. Le temps estimé pour aboutir à un résultat satisfaisant est là de 4 ans.  

« Vers une intelligence prédictive »

Nous avons compris que Saint-Etienne est plus qu’une ville de foot.

Larry Tanenbaum

Ces projets interconnectés représentent « une ambition : celle d’obtenir une intelligence prédictive et de compréhension biomécanique, garantissant une approche complète et efficace de la prévention des blessures sportives ». Il revenait à Larry Tanenbaum, de conclure cette présentation : « L’Institut Tanenbaum pour la Science dans le Sport s’appuie sur des recherches de pointe pour transformer la culture sportive et la rendre plus sûre, accessible et inclusive pour tous. Nous sommes fiers de collaborer avec le CHU et de soutenir ce programme pionnier qui font un pont entre la science et la pratique, entre les expertises française et canadienne au bénéfice des athlètes et de la recherche médicale, localement comme à l’échelle mondiale. Nous avons compris que Saint-Etienne est plus qu’une ville de foot, c’est une ville de passions. »

* L’Institut Tanenbaum des sciences du sport (TISS) est décrit comme « un centre d’excellence mondial dédié aux sciences et à la médecine du sport de haut niveau. Créé grâce à un don de 20 millions de dollars de la Larry & Judy Tanenbaum Family Foundation, le TISS a pour mission de soutenir la recherche qui fait progresser la performance de haut niveau, au service des athlètes professionnels et amateurs ainsi que des paraathlètes, et plus largement du grand public, personnes valides comme en situation de handicap, souhaitant optimiser leur pratique sportive de loisir ».