Lauranne E. Schmitt a dessin les chaises et la table à manger habille d'une marqueterie de mosaïque sur mesure par...

Lauranne E. Schmitt a dessiné les chaises et la table à manger, habillée d’une marqueterie de mosaïque sur mesure par Pierre Mesguich. Vases par Alissa Volchkova (Galerie Scène Ouverte), sculpture par Jean-Pierre Bonardot et lampe de table (Aurélien Gendras), lustres Barovier, miroir vintage. Commode et vases familiaux.

Matthieu Salvaing« Un petit hôtel »

Élevée sur deux étages, riche de 500 mètres carrés, la propriété s’est finalement offerte comme « une grande maison d’hôtes, un petit hôtel, pouvant tout de même accueillir une vingtaine de personnes ». Guidée par l’esprit d’une villa de famille accueillante, l’architecte d’intérieur a travaillé sur une harmonie qui mêle la modernité au charme de l’ancien, sans tomber dans le cliché de la maison de campagne, des toiles de Jouy et des boiseries excessives. « Les propriétaires sont des citadins qui habitent Londres, avec une vie sophistiquée, urbaine, rappelle-t-elle. Je me suis donc efforcée de créer une ambiance pas trop rurale, mais qui pourrait, au contraire, aussi bien convenir à une maison de ville ».

L'entre dvoile un plafond peint en ciel bas sur un dessin de Lauranne E. Schmitt. Sculpture par Laurent Dufour  stèle...

L’entrée dévoile un plafond peint en ciel, basé sur un dessin de Lauranne E. Schmitt. Sculpture par Laurent Dufour (Aurélien Gendras), stèle par RoWin’ Atelier (Galerie Scène Ouverte). Peinture de Bonnie Colin (Galerie Amélie du Chalard). Guéridon et chaise longue par Lea Zeroil. Coussins Maison de Vacances, appliques murales Soho Home, lustre familial.

Matthieu SalvaingLe petit salon est la signature visuelle forte de la rnovation avec ses tons terreux profonds. Plateau de table et...

Le petit salon est la signature visuelle forte de la rénovation, avec ses tons terreux profonds. Plateau de table et tabouret Primo Tortoise par Lea Zeroil, shaker en métal argenté, carafe à whisky en cristal et coffret de deux verres old fashioned en cristal de la collection Graphik de Christofle.

Matthieu SalvaingUne palette chaleureuse

Pour amorcer ce récit visuel, l’entrée donne le ton avec des teintes pastels évoquant les paysages environnants. « Je voulais que l’on pénètre dans un tableau végétal, un sas de décompression qui crée une vraie rupture avec la ville. Relier le dedans et le dehors sans tomber dans l’évidence du papier peint fleuri », explique-t-elle. Imaginé comme un boudoir ou une cigar room, le petit salon cultive une atmosphère chaude, confidentielle, à l’aide de tons suaves et de matières enveloppantes. « Cette pièce crée également le contraste, ajoute l’architecte d’intérieur. La douceur des assises en velours apaise la sobriété de la table basse géométrique, que j’ai dessinée comme dans un gentlemen’s club italien des années 1980, où jouer au backgammon. »

Le petit salon vu depuis la salle à manger. Paire de fauteuils  meuble bar par Lauranne E. Schmitt lampe et tabouret...

Le petit salon, vu depuis la salle à manger. Paire de fauteuils (Galerie Glustin), meuble bar par Lauranne E. Schmitt, lampe et tabouret, initialement conçu pour un intérieur Pierre Chareau, réédité par la Galerie MCDE (tissu Métaphores). Table d’appoint (MCDE). Table basse vintage, peinture d’Anastasia Bay, vases par Rinke Joosten (Galerie Scene Ouverte). Faïence par Jean Roger, applique vintage.

Matthieu SalvaingComme dans un château la bibliothèque est une pièce particulièrement feutre et intimiste rvlant des tagères toute...

Comme dans un château, la bibliothèque est une pièce particulièrement feutrée et intimiste, révélant des étagères toute hauteur de 3,50 mètres où loger les nombreux ouvrages de la propriétaire. Paire de fauteuils Nobilis (Galerie Glustin), tables basses Aurélien Serre Éditions. Appliques murales, Visual Comfort & Co, tapis Éditions 1.6.9.

Matthieu SalvaingLe twist contemporain

Le grand séjour et la salle à manger expriment davantage de classicisme — moulures, lustres et cheminée ; tout en recelant quelques twists, à l’instar de la mosaïque contemporaine de Pierre Mesguich sur le plateau de la table à manger « aux motifs assez traditionnels de végétation, mais aux couleurs plus pop comme le vert menthe ». Pendant du petit salon, la bibliothèque a remplacé la pièce consacrée aux chiens des précédents occupants. Un espace habité, donc, et pensé comme dans un château par l’architecte d’intérieur, avec une échelle pour accéder aux ouvrages les plus élevés, logés sous 3,50 mètres de hauteur. « La propriétaire est une grande lectrice, qui répertorie ses livres sur une application. Cette bibliothèque est un havre de paix où s’échapper du monde, mais aussi un lieu de transmission, où elle partage sa passion littéraire avec ses enfants. »

L'ambiance est plus formelle dans le sjour. Canap et fauteuils par Aurlien Serre Éditions guridon de Lea Zeroil table...

L’ambiance est plus formelle dans le séjour. Canapé et fauteuils par Aurélien Serre Éditions, guéridon de Lea Zeroil, table basse (Galerie Glustin). Jeu d’échec par Walter Moretti Editions, lampadaire du Studio Blue Green Works (Triode). Cheminée belge récupérée du XIXe siècle. Appliques par Objet Insolite. Crocodile en ivoire et lustre familiaux. Tapis sur mesure.

Matthieu SalvaingLa cuisine a t pense dans un souci de fonctionnalit d'lgance et en clin d'œil à la rusticit des lieux. Œuvres...

La cuisine a été pensée dans un souci de fonctionnalité, d’élégance et en clin d’œil à la rusticité des lieux. Œuvres d’Alexandre Benjamin Navet (Galerie Derouillon), vases en verre de Rinke Joosten (Galerie Scene Ouverte). Grand plateau de Christofle, vases en porcelaine chinoise de la collection personnelle du client.

Matthieu Salvaing

La cuisine, elle, joue davantage la carte champêtre, dévoilant un vaisselier toute hauteur, sans pour autant forcer la rusticité. « Je la voulais élégante avec du bois, des miroirs pour agrandir l’espace et des objets de décoration contemporains pour tempérer l’aspect fonctionnel de la cuisine », indique Lauranne Elise Schmitt.

La chambre parentale s'apparente à une suite. Tabouret de Lea Zeroil vase par Alissa Volchkova  œuvre de Shuo Hao ...

La chambre parentale s’apparente à une suite. Tabouret de Lea Zeroil, vase par Alissa Volchkova (Galerie Scène Ouverte), œuvre de Shuo Hao (Galerie Derouillon), applique murale vintage de Carlo Giorgi. Tapis de Deirdre Dyson, tête de lit par Lauranne E. Schmitt, draps Maison de Vacances, coussin recouvert de tissu Schumacher.

Matthieu SalvaingLa salle d'eau est une bulle bleue apaisante et raffine. Meuble vasque par Lauranne E. Schmitt vases de Rinke Joosten et...

La salle d’eau est une bulle bleue apaisante et raffinée. Meuble vasque par Lauranne E. Schmitt, vases de Rinke Joosten et sculpture hibou de Saraï Delfendahl (Galerie Scene Ouverte) sur un tabouret (Aurélien Gendras). Tapis de Deirdre Dyson, applique par Astro.

Matthieu SalvaingConfort et sophistication

Créée à l’image d’une suite d’hôtel, la chambre principale est doublée d’une salle de bains « pas seulement pratique, mais où l’on veut passer du temps », d’où l’apport d’un fauteuil et d’une large baignoire où se détendre, autour d’une esthétique « petit salon » volontairement travaillée — moulures, fresque… « Quand on a des enfants, on a envie de se prélasser dans son bain, se sentir hors du temps », note l’architecte d’intérieur, qui a, là encore, usé de bois (un chêne teinté acajou) pour allier classicisme, raffinement et modernité sur la vasque. Côté enfants, les chambres adoptent un look plus british, à la manière de Wes Anderson, coloré et suranné. Aussi, afin d’identifier chaque chambre, différentes nuances ont été appliquées, créant un mini-univers pour chaque membre de la famille. Les salles de bains, habillées de carreaux brillants, insufflent « l’ambiance d’une école anglaise, avec les bonnes couleurs, les bons habits ». Enfin, clou du spectacle, la piscine — de quelque 60 mètres carrés – vient se fondre dans le jardin, où 300 nouveaux arbres ont été plantés et une fontaine ajoutée, conférant définitivement à ce domaine les qualités d’un vrai château normand.

La grande baignoire pense comme un petit salon. Œuvre d'art huile sur toile par Bonnie Colin  vases en porcelaine...

La grande baignoire, pensée comme un petit salon. Œuvre d’art huile sur toile par Bonnie Colin (Galerie Amélie du Chalard), vases en porcelaine chinoise de la collection personnelle du client.

Matthieu SalvaingL'architecte d'intrieur Lauranne Elise Schmitt pose dans le sjour devant l'œuvre d'art Monument de Maude Maris .

L’architecte d’intérieur Lauranne Elise Schmitt pose dans le séjour, devant l’œuvre d’art Monument de Maude Maris (huile sur toile).

Matthieu Salvaing

www.lauranneeliseschmitt.com

Une maison-atelier d’artiste bucolique sur les bords de MarneJean Grisoni dans son atelier de dessin face à la Marne. « Cette verrière est une espèce de vigie qui donne sur la Marne...

Jean Grisoni dans son atelier de dessin, face à la Marne. « Cette verrière est une espèce de vigie qui donne sur la Marne, ses maisons charmantes, un bateau accroché… c’est vraiment fantastique. La lumière y est magique, je dois en protéger mes pastels pour éviter qu’ils fondent ! »

vincent LerouxDans le salon trois chaises Hamlet Machine de Bob Wilson Pablo Picasso et le rvolver de Gary Cooper et Csar dans son...

Dans le salon, trois chaises Hamlet Machine de Bob Wilson, Pablo Picasso et le révolver de Gary Cooper et César dans son atelier par André Villers, Retired naval Officier (série Sonomama) de Taishi Hirokawa, Gagarine en tournée de propagande à Londres (photo de presse non signée).

vincent Leroux

« La première fois que je suis entré dans cette maison, j’ai été accueilli par un hêtre pourpre de 40 mètres de haut, se souvient Jean Grisoni. Cet arbre, sublime à la belle saison, m’a provoqué un choc esthétique. Nous sommes des rats des villes, mais cet arbre m’a ému. Tout le reste a découlé de là. » Le reste, c’est une maison bourgeoise, bâtie au début du XIXe siècle, ceinte d’un jardin sauvage au charme infini. Artiste contemporain, enfant du Sud mais parisien de toujours, l’artiste virtuose des objets recherchait un lieu calme où s’établir avec son épouse et ses nombreuses œuvres d’art — les siennes, ainsi que sa riche collection d’art moderne. « Nous habitions un très joli loft à Bastille, mais cette vie en phalanstère finissait par être pesante et mon atelier était trop petit. L’objectif était de chercher une maison avec un atelier, ce qui s’est avéré difficile. » Méditerranéen, le couple a fait ses recherches autour de Nice, Marseille, Sète… avant de revenir finalement près de Paris, « fou amoureux de cette ville depuis 35 ans ».

Près de la chemine deux tabourets Castifao de Jean Grisoni surmonts d'un montage sans titre de Daniel Dezeuze et d'un...

Près de la cheminée, deux tabourets Castifao de Jean Grisoni, surmontés d’un montage sans titre de Daniel Dezeuze et d’un print sur papier de Lee Bae.

vincent LerouxLe salon s'habille d'une table Pietrosella d'une canne de lumière Lavezzi et d'un collage Maillons de Jean Grisoni et...

Le salon s’habille d’une table Pietrosella, d’une canne de lumière Lavezzi et d’un collage Maillons de Jean Grisoni, et d’un vase IBU Poîlane (Circa 2000).

vincent Leroux

Une demeure bourgeoise et « déglingue »

Pour des raisons évidentes d’espace et de tranquillité, la banlieue parisienne s’est imposée, et avec elle, les bords de Marne si paisibles. Comme Paul Cézanne ou Willy Roonis avant lui, Jean Grisoni s’est laissé charmer par leur cadre champêtre et verdoyant ; « on dirait le Sud », chanterait presque l’artiste. Une fois la découverte du hêtre bicentenaire passée, la propriété dévoile cette demeure de 1830 au style « presque anglo-normand », destinée à la villégiature à l’origine, puis agrandie au fil du temps par ses occupants, notamment à l’entre-deux-guerres dont elle garde l’empreinte. « C’était peut-être une garçonnière, quand la Marne était bordée de guinguettes… imagine Jean Grisoni. Elle conserve des traces de cette époque : un escalier, des cheminées… J’aime ce côté patiné, un peu déglingue, on sent qu’elle existe depuis longtemps ».

Une éternelle maison de vacances

La salle à mangerbibliothèque ouverte sur la nature dvoile un plafonnier en papier roul et une table centrale Pina signs...

La salle à manger-bibliothèque, ouverte sur la nature, dévoile un plafonnier en papier roulé et une table centrale Pina signés Jean Grisoni, une collection de vases et une assiette Primavera (circa 1940 et 1950), et une œuvre murale de Gérard Traquandi (circa 1980).

vincent LerouxLe salon fait aussi la part belle aux ralisations de Jean Grisoni  aux côt d'un Monochrome noir d'Olivier Mosset deux...

Le salon fait aussi la part belle aux réalisations de Jean Grisoni (deux tabourets Castifao, une table Pietrosella), aux côté d’un Monochrome noir d’Olivier Mosset, deux fauteuils L2 de Le Corbusier, une chaise Oyster et un ottoman de Pierre Paulin, deux piquets Touareg et une petite chaise africaine.

vincent Leroux

« En entrant, on l’a tout de suite lue comme une maison de vacances », explique l’artiste, dont la principale préoccupation a été de la repeindre entièrement en blanc pour y refléter la lumière et « donner l’impression d’une villégiature du Sud, sans le look du mas ». Aménagé dans cet esprit, l’intérieur revêt avant tout les obsessions du couple, passionné d’art moderne et de design. « On l’a pensé avec les objets qu’on aime, notamment des années 1970. Le pop art, le minimalisme, les Supports/Surfaces… ont baigné nos années de jeunesse. » Ici, un Monochrome noir d’Olivier Mosset, là, un Shopping Bag d’Andy Warhol, se mêlent volontiers aux réalisations de Jean Grisoni « empilée avec un certain éclectisme ». Des pièces organiques, racées, dont l’artiste peine à se séparer une fois acquises par d’autres. « Certaines doivent passer deux ou trois mois chez moi parce que j’ai besoin de me les approprier avant qu’elles disparaissent, et ne pas regarder dans le passé. »

Trois ateliers en un lieu

Dans la cuisine le coin repas invite au calme. Le mobilier industriel est vintage et les deux peintures chines...

Dans la cuisine, le coin repas invite au calme. Le mobilier industriel est vintage et les deux peintures chinées représentent respectivement les îles Sanguinaires en Corse et un paysage de Kabylie (circa 1920).

vincent LerouxJean Grisoni pose dans son troisième atelier où il travaille le bois le mtal et la terre. Cet ancien garage cache aussi...

Jean Grisoni pose dans son troisième atelier où il travaille le bois, le métal et la terre. Cet ancien garage cache aussi un petit studio de musique où la famille aime se réunir autour des instruments.

vincent Leroux

La maison de Jean Grisoni est avant toute chose son lieu de travail. Il y possède trois ateliers, chacun flanqué d’une fonction différente. La verrière est vite devenue son atelier de dessin. « Cette verrière est une espèce de vigie qui donne sur la Marne, ses maisons charmantes, les bateaux accrochés… c’est vraiment fantastique. La lumière y est magique, je dois en protéger mes pastels pour éviter qu’ils fondent ! » Au fond du jardin, le « chemin de Kyoto » mène à son deuxième atelier — « mes copains l’ont appelé comme ça parce qu’il est très luxuriant, on est obligé de pousser les feuilles pour s’y rendre. » Enfin, un grand sous-sol, aménagé en atelier de bijoux, bois et métal, jouxte un autre terrain de jeu cher à Jean Grisoni. Un petit studio de musique agrémenté de clavier, batterie et amplis, « parce que je suis un vieux bluesman, s’amuse-t-il. Mes enfants et mes petits enfants ont des instruments, donc chaque réunion de famille se termine à la cave avec des boules Quies ».

maison bourgeoise du XIXe siècle sur les bords de marne

La maison et son jardin sauvage, un espace « punk » au désordre organisé par Jean Grisoni et son épouse.

Vincent LerouxUn grand hêtre pourpre un pin de Californie et un figuier dissimulent le deuxième atelier de Jean Grisoni.

Un grand hêtre pourpre, un pin de Californie et un figuier dissimulent le deuxième atelier de Jean Grisoni.

vincent Leroux

Si cette maison offre à l’artiste le lieu idéal où se réaliser, elle est aussi un refuge loin du monde. « Le coin cuisine où nous déjeunons est une véritable volière car les arbres viennent contre les vitres, et avec eux, plein d’oiseaux : des mésanges, des passereaux, des rouges-gorges… » Ce jardin, enchanteur et sauvage, a donné au couple l’envie d’aménager les lieux pour mieux les laisser vivre au rythme de la nature. « Une amie nous a fait découvrir le concept de jardin punk. On ne coupe pas, on ne plante pas, on laisse les oiseaux apporter des choses, on a juste semé des herbes folles pour avoir un pré foisonnant. » Cette idée d’un jardin au naturel, « comme un souffle de paix », n’est pas née de nulle part. « J’avais 18 ans en 1968 », précise Jean Grisoni. Une certaine idée de la liberté.