Par

Julien Sournies

Publié le

30 oct. 2025 à 17h34

TEMOIGNAGE EXCLUSIF ACTU LYON. « On continue de se bagarrer pour comprendre ce qu’il s’est passé. » Du haut de ses 56 ans et de ses nombreuses années d’expérience en tant que sapeur-pompier, Frédéric* n’est pas près d’oublier cette sombre soirée du mardi 21 octobre 2025.
Mobilisé avec deux autres collègues pour porter secours à un homme ensanglanté au cours d’une rixe survenue sur la place Dumas-de-Loire à Lyon (9e), Frédéric a été agressé par surprise par un individu.
Alors que l’opération était pourtant sur le point de s’achever avec la mise en sécurité du blessé dans le véhicule de secours, un autre homme a pénétré dans le camion pour « achever » la victime, proférant par ailleurs de nombreuses menaces de morts à sa cible.

« Dès qu’on me l’a annoncé, c’était l’effondrement »

Si Frédéric, projeté au sol et roué de coups, est finalement parvenu à le « maîtriser » avant que les policiers présents sur les lieux procèdent à son interpellation, le pompier ne s’en est pas sorti indemne. Après avoir transporté la victime à l’hôpital, le pompier a également été examiné par un médecin, lequel lui a prescrit sept jours d’ITT pour des contusions, mais principalement pour traumatisme psychologique, comme révélé par Le Progrès.

Compte tenu de la situation, Frédéric s’est rendu une heure après au commissariat de police du 1er arrondissement pour déposer une plainte. Alors que le mis en cause devait être jugé en comparution immédiate le vendredi, le parquet de Lyon a choisi de classer sans suite les faits subis par le pompier.

« Dès qu’on me l’a annoncé, c’était l’effondrement. Le coup de massue. Psychologiquement, c’est dur à accepter de passer pour un menteur », raconte-t-il à actu Lyon, la voix encore tremblante.

Il me reste que quatre ans avant la retraite, je ne veux pas que ça passe inaperçu. Il faut que ce genre de violences gratuites ne se reproduisent pas.

Frédéric

« Sincèrement, j’ai eu peur de mourir »

Pourtant, Frédéric n’en est pas à son coup d’essai. Des interventions musclées, il en a réalisé à la pelle, lui qui s’est déjà fait renverser volontairement par un chauffard voilà six ans. « Mais là, c’était différent. Dès le début, je sentais que c’était dangereux, l’atmosphère était pesante. Et là, ce que je craignais, c’est produit. Sincèrement, j’ai eu peur de mourir. La police est là, mais on arrive quand même à se faire agresser », se remémore-t-il non sans difficulté.

Depuis l’annonce du classement sans suite de la plainte, Frédéric et son avocat, Me Benoît Flamant, se battent pour obtenir réparation. « Comment la justice a-t-elle pu régler cette affaire aussi vite ? Il n’y a quelque chose qui ne colle pas », explique l’avocat à actu Lyon.

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Au final, Frédéric et son avocat se rendent compte que son agresseur devait passer en comparution immédiate en tant que victime et non en tant prévenu. « C’était lui en réalité la victime dans l’histoire de base. Nous, on a sauvé la personne qui a initié la rixe lors de notre intervention », confie Frédéric.

« Le parquet ne peut pas ignorer la gravité des faits »

Joint par actu Lyon, Rémy Chabbouh, secrétaire national du syndicat SUD SDIS, explique que les agressions envers les sapeurs-pompiers sont presque devenues monnaie courante. « Il faut savoir que dans le Rhône, on est sur le podium des départements les plus touchés par les agressions sur des sapeurs-pompiers. Autrefois, c’était du caillassage ou incendie du véhicule, mais maintenant, c’est très courant d’être injurié ou menacé, car notre véhicule gêne la circulation lors d’une intervention pour sauver une vie ». 

Concernant l’agression dont a été victime son confrère, le syndicaliste estime que « le parquet ne peut pas ignorer la gravité des faits ».

Et ce dernier de poursuivre : « Il aurait fallu qu’il soit mort ? S’il n’y a pas les policiers qui interviennent, il le tue. Le message envoyé, c’est que les pompiers sont gentils et que l’on peut se soulager sur eux sans aucun risque de poursuite. Il faut y remédier. »

« Mon client est fortement marqué, il est au plus mal et ils répondent ça ? »

Plongé dans l’incompréhension, Me Flamant demande alors l’obtention du dossier pour comprendre les raisons du classement sans suite. En vain. « Ils me disent qu’ils ne l’ont pas enregistré, ce n’est pas normal. Il n’y a rien qui va. D’autant qu’ils n’ont même pas entendu les deux pompiers témoins, ni visionnés les caméras de vidéoprotection. Ils ont juste auditionné l’agresseur en garde à vue, mais vu qu’il a nié, le parquet n’a pas cherché plus loin », s’insurge-t-il.

« Ensuite, le greffe du parquet me contacte en me disant que l’infraction était insuffisamment caractérisée. Mon client est fortement marqué, il est au plus mal et ils répondent ça ? », s’exaspère Me Flamant.

S’il a rédigé une plainte avec constitution de partie civile pour une reprise d’enquête, l’avocat regrette « le silence radio » du parquet. « Depuis, je n’ai vraiment eu de retour de leur part », souffle-t-il.

« Je ne me sens pas prêt à reprendre »

En attendant, Frédéric s’impatiente et ne cesse de cogiter chez lui. Alors que sa semaine d’ITT a expiré, le quinquagénaire, désormais suivi par un psychologue, a été prolongé. « Aujourd’hui, je suis en arrêt à durée indéterminée. Je ne me sens pas prêt à reprendre », confie-t-il.

J’ai peur qu’il recommence et qu’il vienne même jusqu’à chez moi. Le fait qu’il soit libre de toute poursuite, c’est inquiétant.

Frédéric

En fin de compte, le parquet de Lyon, sollicité par nos soins, nous indique « une reprise d’enquête pour cette affaire ». Une petite victoire pour Me Flamant, « même s’il va falloir attendre encore quelque mois pour, je l’espère, obtenir gain de cause ».

*Le prénom a été modifié pour préserver l’anonymat

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