L’Antarctique vient de livrer son souffle le plus ancien.

Ce n’est qu’un petit cylindre de glace qui pourrait tenir dans une main. Pourtant, il contient de l’air fossile qui s’avère être un véritable trésor pour la recherche sur notre climat.

L’équipe américaine du projet COLDEX vient d’annoncer les résultats de l’étude de la glace trouvée non loin des Allan Hills l’an dernier et c’est désormais « officiellement » la plus ancienne jamais retrouvée sur Terre.

Avec ses 6 millions d’années, cette découverte pulvérise le précédent record de la carotte de glace du projet Beyond EPICA et son « bébé » d’1,2 million d’années

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À peine 150 mètres pour trouver un échantillon aussi vieux.

Ed Brook, chercheur à l’université d’État de l’Oregon, n’en revient toujours pas : « On espérait tomber sur de la glace vieille de trois millions d’années ou un peu mieux mais cette découverte a dépassé toutes nos attentes. »

Les analyses confirment : six millions d’années, datées avec précision grâce à un gaz noble, l’argon, qui s’accumule dans la glace avec le temps.

À l’intérieur, un véritable trésor pour les chercheurs : des bulles d’air minuscules, piégées lors de la formation de la glace. Chacune est une capsule temporelle. Elle renferme le climat de l’époque, la composition de l’atmosphère, la température moyenne, et les niveaux de gaz à effet de serre. C’est comme ouvrir un tiroir dans l’Antarctique et y trouver une lettre du passé.

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Une Terre plus chaude mais qui se refroidissait à vive allure

Les premières analyses révèlent une chose inattendue : la région d’Allan Hills s’est refroidie d’environ 12 °C depuis six millions d’années. Un refroidissement lent… mais colossal à l’échelle de notre planète. À l’époque, le niveau des mers était plus élevé, les conditions climatiques plus chaudes.

Alors oui, on vous voit venir les climatosceptiques du fond, la la Terre a en effet déjà connu des périodes avec beaucoup de CO₂ dans l’air. Mais jamais celui-ci n’a t-il été émis à cette vitesse sur notre planète et c’est que cette boule de glace vient rappeler.

De la glace, des bulles… et des avertissements

Dans cette glace, ce ne sont pas que des données. Ce sont des repères. Chaque bulle, chaque couche, chaque variation d’isotope raconte une transition, une rupture, une adaptation. Ces archives naturelles nous montrent jusqu’où la Terre peut aller… et à quelle vitesse.

Contrairement aux carottes continues issues des stations comme Concordia, ces fragments anciens sont des éclats de mémoire, éparpillés, irréguliers, mais précieux. Ils donnent des instantanés de l’histoire du climat, comme des polaroïds géologiques.

C’est la première fois qu’on remonte aussi loin dans l’atmosphère respirée par notre planète.

Le froid, le vent, et la course contre le temps

Trouver une telle glace n’a rien d’évident. La région est hostile, le sol trahit peu de choses, et les conditions de travail sont extrêmes. Sarah Shackleton, chercheuse à l’Institut océanographique de Woods Hole, le dit sans détour : « C’est l’un des meilleurs endroits au monde pour trouver de la glace ancienne… et aussi l’un des pires pour y travailler. »

Les chercheurs forent par -40 °C, avec un vent constant qui brûle la peau. Le matériel gèle, les machines grincent, les nuits sont longues. Et pourtant, chaque carotte extraite vaut de l’or.

Le projet COLDEX est d’ailleurs engagé dans une « course amicale » avec d’autres équipes internationales, pour repousser la limite des enregistrements climatiques au-delà du million d’années. Pour le moment il faut toutefois reconnaitre que les Américains mettent « une pâté » aux européens comme nous l’avons vu en introduction, avec une carotte d’à peine 1,2 million d’années (pourtant trouvée à 2 800 mètres de profondeur).

La partie n’est pas finie et il est à parier que l’Antarctique cache encore d’autres trésors du même type !

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Source :

Miocene and Pliocene ice and air from the Allan Hills blue ice area, East Antarctica (en français : « Glace et air du Miocène et du Pliocène provenant de la zone de glace bleue des Allan Hills, Antarctique de l’Est »)

Par S. Shackleton, V. Hishamunda, L. Davidge, E. Brook, J.M. Peterson, A. Carter, S. Aarons, A. Kurbatov, D. Introne, Y. Yan, I.M. Nesbitt, C. Buizert, E.J. Steig, A.J. Schauer, J. Morgan, P.D. Neff, J.A. Epifanio, J. Severinghaus, M. Bender et J.A. Higgins,

Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS), vol. 122, n° 44, e2502681122, (2025).

https://doi.org/10.1073/pnas.2502681122

Image : La glace bleue mise au jour dans la région des Allan Hills, en Antarctique, préserve des bulles d’air provenant d’un ancien climat chaud (crédit : Julia Marks Peterson)