Par

Brian Le Goff

Publié le

29 oct. 2025 à 17h34

« C’est Karim Ganaï, le directeur général du Crédit Mutuel de Bretagne qui a téléphoné à mon mari, mardi, pour lui apprendre qu’il n’allait finalement pas fermer nos comptes », souffle Catherine Le Scolan, mercredi 29 octobre, à actu Rennes, confirmant Le Télégramme. Cette médecin à Rennes, qui soutient les habitants de Gaza, déjà partie sur place et qui s’est mobilisée pour le rapatriement en France de plusieurs Gazaouis, avait reçu, à la mi-octobre, un courrier de sa banque évoquant le lancement d’un préavis de deux mois avant la fermeture de tous ses comptes bancaires « sans explications ».

« Il nous a demandé de justifier plusieurs mouvements »

Auprès de notre rédaction, la direction de la banque expliquait que cet arbitrage a été décidé en raison du « non-respect des exigences réglementaires », sans plus de détails.

Après la médiatisation de cette affaire, Catherine Le Scolan a été recontactée par Karim Ganaï, il y a une dizaine de jours. « On avait eu une discussion très apaisée. Il nous a demandé ce que l’on voulait. Nous voulions les raisons, même si une loi permet à toutes les banques de clôturer sans justification des comptes. »

On lui a demandé clairement si c’était le fait de tenir une cagnotte pour la famille de Bashar, un jeune homme blessé dans un bombardement évacué par l’État français et toujours hospitalisé à Rennes. Il nous a garanti que ce n’était pas pour cela, que l’on avait droit d’avoir cette cagnotte. Mais il nous a demandé de justifier plusieurs mouvements sur notre compte.

Catherine Le Scolan
Médecin à Rennes en gagée pour Gaza dont les comptes devaient être fermés par sa banque

Ce sont au total cinq mouvements, de 40 à 400 euros, que le couple a dû justifier auprès du CMB, alors qu’il n’avait jusque-là « jamais reçu de demande d’explications avant » sur ces mouvements de la part de leur banque :

  • deux chèques de 50 et 80 euros reçus de la part de l’association France Palestine Solidarité en dédommagement de transport pour avoir été témoigner à Saint-Malo et Saint-Nazaire ;
  • un chèque de 400 euros reçu de l’association Par-delà les frontières 44 en dédommagement d’une location de véhicules que Catherine et son mari sont allés chercher à l’aéroport d’Orly et ramener à Nantes, avec l’autorisation des autorités ;
  • un virement de 300 euros effectué à un ami français, d’origine palestinienne, vivant à Rennes, en difficulté ;
  • un virement de 40 euros effectué à une traductrice arabe à Gaza pour traduire un document d’un juge qui donnait délégation de parentalité à Catherine Le Scolan, lors de sa dernière mission humanitaire sur place, pour ramener deux enfants à leur père, arrivé à Rennes. « Ce jour-là, on a aussi payé une traductrice en hébreu, mais la banque n’a pas demandé de justification sur ce mouvement. »

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« Il y a un sentiment de soupçons »

Si le couple semble avoir obtenu gain de cause, Catherine Le Scolan souligne que ce moment a été « choquant » car les justifications demandées ont toutes un rapport avec Gaza : « Je pose la question, mais je n’ai pas la réponse. »

Il y a un sentiment de soupçons, c’est pour ça que j’ai réagi au niveau des médias. On a aussi su que nous n’étions pas les seuls concernés, que certains ont vu leur compte clôturer sans justification. Les banques s’abritent derrière une loi qui leur autorise à faire ça. Quand on est clients depuis plusieurs dizaines d’années, qu’il n’y a jamais aucun problème, c’est choquant.

Catherine Le Scolan
Médecin à Rennes en gagée pour Gaza dont les comptes devaient être fermés par sa banque

La médecin ne sait pas si elle va rester au CMB. « Avec mon mari, cette histoire nous a choqués. J’ai plusieurs patientes, au vu de cette situation, qui m’ont demandé avec beaucoup de gêne si elles devaient me régler en espèces. »

Et, au-delà de ce cas précis, la professionnelle de santé engagée pour la survie des Gazaouis réagit à la méthode. « Envoyer un courrier recommandé à un client signé d’un conseiller que l’on n’a jamais rencontré me pose un problème. Déjà, si les banques connaissaient tous leurs clients, qu’il y ait au moins un entretien avec chaque nouveau conseiller, puisqu’il change tous les 18 mois, ce serait plus facile dans ces circonstances de se rencontrer pour en parler. »

Malgré tout, cette difficulté n’a pas entamé son dévouement pour Gaza : « Pour une banque qui se dit solidaire et proche des gens, conclure cette affaire en faisant un geste pour les Gazaouis réfugiés à Rennes qui n’ont rien permettrait à tout le monde de ressortir par le haut de cette situation. »

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