Individuellement, je me sens bien. J’ai eu de bonnes sensations depuis le début de l’année. Je n’ai pas envie de prendre chaque match que je peux jouer comme une opportunité de montrer que c’est moi qui mérite d’être le numéro 1. Je préfère rester à ma place, humble, au service de l’équipe. Pas essayer de forcer les choses. Pas essayer d’être quelqu’un que je ne suis pas. Et ce qui arrivera derrière, je l’accepterai.
Vous parlez de numéro 1. Y a-t-il une hiérarchie établie au poste de demi de mêlée au BO ?
Si on prend les données, elles parlent pour elles-mêmes. Il y a des minutes jouées. Celui qui en a joué le plus, il est numéro 1. Celui qui a joué un peu moins de minutes, il est numéro 2. Ensuite, numéro 3.
Donc Anoa Laurent est numéro 3 et vous numéro 2 ?
Selon les minutes, oui (sourire).
Que se dit-on quand on apprend que Yann Lesgourgues signe au BO : que la bataille reprend pour être n° 1 ou que c’est une grande opportunité d’apprendre à ses côtés ?
Plutôt la deuxième option. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. J’ai en tête Tomas Cubelli qui est venu l’année en Top 14 (2021-2022), ou Pierre Pagès qui est arrivé de Lyon. J’ai toujours vécu ça comme une expérience d’apprentissage. Tu ne peux pas te dire que tu as envie que personne ne vienne et qu’il n’y a que toi à ce poste-là. Des joueurs d’expérience comme ça amène toujours quelque chose de spécifique. Tu peux te projeter en eux, tu peux leur demander, tu peux voir comment ils travaillent. Après, bien sûr, on a envie de jouer toutes les minutes. Mais j’ai toujours eu de bonnes expériences avec des mecs de ce profil.
Quand j’ai su que Yann allait venir, je ne me suis pas dit « merde ». Au contraire, je me suis dit : « ça va me faire du bien ».
« Je ne connais rien de la situation du club. Et je n’ai pas envie non plus de savoir. Je n’ai pas de réseaux sociaux, je ne lis pas la presse »
Lors de la saison 2023-2024, vous étiez un des premiers à assumer que le BO jouait le maintien. Vous espériez que le constat évolue avec le changement de propriétaires ?
C’est une bonne question. Je pense que quand il y a un changement de propriétaires, tout le monde a envie de dire : « Moi, je vais faire que le club monte ». Mais dans les championnats professionnels, tout va tellement vite que tu peux te trouver à jouer le top 6 comme le bas de tableau. Le plus important pour moi, c’est savoir s’adapter, savoir accepter la réalité du moment et se dire « Ok, ce n’est pas ce qu’on voulait, mais à ce moment-là, on est là ». Cette situation est arrivée, on l’a acceptée et je pense qu’on a bien réagi derrière.
Boris Bouhraoua parlait de jouer le « championnat du bas »…
Je suis d’accord avec lui, parce qu’il y a deux journées, il fallait jouer comme ça. Mais après, peut-être dans quatre journées, on sera à septième et on dira… Il n’y a pas de vérité absolue. Il faut savoir s’adapter tout le temps, parce que personne ne sait si on va gagner à Carcassonne ou pas. Si on gagne, la semaine d’après, il faudra s’adapter. Et si on perd, il faudra s’adapter aussi. Tout va tellement vite que ça ne sert à rien de trop se projeter dans plus de 2-3-4 matchs.
Un BO qui joue le maintien, c’est devenu une normalité ?
Non. Quand tu joues au BO, ça te fait un peu mal au cœur de jouer le maintien.
En tant qu’ancien, arrivé au club en 2019, comment avez-vous vécu les différents changements de direction et la démission de Shaun Hegarty ?
Honnêtement, je suis nul avec tout l’extra-sportif. Je n’ai pas de réseaux sociaux, je ne lis pas la presse. Donc, franchement, je ne sais pas. Parfois, heureusement qu’il y a mes parents, ma copine, mes potes qui me disent les choses, parce que sinon, je ne me rends pas compte. Je n’ai rien à dire, parce que je ne connais rien de la situation. Et je n’ai pas envie non plus de savoir. Mon travail, c’est de jouer, et c’est ce que je fais.

Aurrekoetxea avec son coéquipier en club et sélection Ekain Imaz Agirre (gauche) et François Mur (droite).
Émilie Drouinaud / SO
Vos différentes prises de parole face aux médias donnent l’image d’un jeune homme plein de caractère. Est-ce le cas ?
Non, parce que je ne sais pas comment sont les autres. Comme je l’ai dit : je ne lis pas la presse, je ne sais pas comment ils répondent à vos questions.
Et dans le vestiaire ?
Dans le vestiaire, je pense qu’on a une équipe avec du caractère et que tout le monde dit à peu près ce qu’il pense. Je ne pense pas être plus spécial que le reste dans ce secteur-là de la vie.
On ne vous a donc jamais reproché votre caractère ?
Non, après, si on vous a dit quelque chose… (sourire)
« J’aime les gens authentiques, qui ont de la personnalité. C’est pour ça que j’ai cité Maxime Lucu »
Il y a cinq ans, vous vous disiez fan d’Antoine Dupont et Faf de Klerk. Ce sont toujours vos idoles ?
C’est ce que j’avais dit ? Oui, Antoine Dupont, c’est le meilleur. Faf de Klerk, grosse défense. Il y a Maxime Lucu aussi, Biarrot en plus ! Baptiste Serin… Il y en a beaucoup.
Dupont et de Klerk ont des personnalités assez différentes. Vous êtes plutôt lequel ?
En fait, j’aime bien les gens… Comment dire ? (Il cherche le mot pendant de longues secondes, ne le retrouve qu’à la fin de l’interview) Authentiques ! Les gens qui ont de la personnalité, qui ne donnent pas l’impression d’avoir un masque. Ils peuvent être très différents, mais ils n’ont pas peur d’être eux-mêmes. C’est pour ça que j’ai cité Maxime (Lucu). Il dégage quelque chose de spécial.
En l’absence de Dupont, c’est le meilleur demi de mêlée du monde ?
Je ne suis pas quelqu’un qui regarde tous les matchs des Top 14. Je ne sais pas s’il est actuellement le meilleur, je ne pourrais pas le dire. Mais en tout cas, quand je le vois jouer, il m’inspire beaucoup.
Vous pourriez retrouver ces n° 9 à la prochaine Coupe du monde. Vous aviez raté le match de qualification de l’Espagne contre la Suisse car vous étiez retenu en club. Même chose pour la demie et la finale du Rugby Europe Championship. Comment l’avez-vous vécu ?
La relation qu’il y a entre le Biarritz Olympique et la sélection est bonne. Ils ont beaucoup de communication, ils arrivent à être d’accord à chaque fois. Donc c’est très positif pour moi.
Avec l’Espagne, le match le plus important, c’était contre les Pays-Bas. C’était un adversaire plus direct. Donc une fois qu’on avait gagné contre les Pays-Bas, le match que j’ai loupé contre la Suisse… On ne va pas dire que c’était sûr qu’on allait gagner, parce que dans le rugby, tu ne sais jamais, mais c’était un adversaire moins direct. C’est là où les coachs, des deux côtés, ont décidé qu’on n’avait pas besoin de certains joueurs pour ce match-là. Une fois qu’on avait gagné contre la Suisse, on était qualifiés pour la Coupe du monde. Derrière, la demie et la finale, c’est important, mais l’objectif le plus important était atteint.
Le fait d’avoir raté ces échéances importantes n’est pas une menace pour votre place à la Coupe du monde ?
Personne ne t’assure que tu vas jouer à la Coupe du monde, même si tu as fait partie du groupe de la qualif’. Personne ne te dit que dans deux ans, tu en seras. Après, le fait de jouer en Pro D2 ou en Top 14, c’est un bon signe aussi. Ça veut dire que tu as un niveau régulier de compétition assez élevé, ça te donne des minutes de qualité. Ce n’est pas parce que je fais moins de matchs que des mecs qui jouent en Espagne que je suis moins impliqué avec la sélection. En tout cas, je n’ai pas envie de donner cette impression.
Vous avez prolongé au BO jusqu’en 2027. C’est important d’être stable en club en vue de la Coupe du monde ?
Franchement, oui. Quand j’ai re-signé avec la nouvelle direction, assez tôt dans l’année (novembre 2024, NDLR), j’ai soufflé un peu. Même si tu as fait sept saisons dans un club, ça peut très rapidement se finir. Donc j’étais très content. Je me suis dit qu’au moins jusqu’à la Coupe du monde, j’aurai un bon niveau d’entraînement, un bon niveau de compétition. Ça me rassure, car si je ne me blesse pas, je vais arriver dans de bonnes conditions au Mondial.