« Cet été, on a eu beaucoup plus de demandes de location de studios à tout petit prix. Les temps sont durs pour tout le monde », constate Lauriane Blanc, responsable gestion locative des Z’agents Immobilier (Saint-Martin-d’Hères, Échirolles).

Comme chaque année, le marché s’est tendu fortement dès l’annonce des résultats de Parcours Sup. Une constance liée à l’importance du pôle d’enseignement supérieur de Grenoble (près de 65 000 étudiants).

Les agences immobilières connaissent bien ce rush estival. Pour une même offre, les dossiers affluent. « Dès que je mets une annonce en ligne, j’ai 40 dossiers qui m’arrivent par mail de gens qui essayent d’être les premiers sans même avoir vu le bien », illustre Dominique Bentéo, gérante de l’Immobilier du Bonheur (Échirolles).

La tension n’est pas aussi forte qu’à Lyon ou Paris. Et certains biens peinent à trouver preneur comme ce studio à Domène à 350 € par mois délaissé car non meublé et loin du campus.

« Tout est une question d’attractivité du logement mais aussi d’équilibre entre l’offre et la demande », rappelle Rachel Braymand, responsable développement du service gestion locative chez Delphine Teillaud Immobilier (Grenoble, Meylan).

Illustration ? Les familles boudent aujourd’hui les grands appartements de l’hypercentre grenoblois.

21 communes concernées par l’encadrement des loyers

« L’offre des T4 à la location augmente et les candidats qui se mobilisent sur ce type de location ont le choix », note la professionnelle.

Résultat, même avec un loyer de 1 175 €/mois en deçà du plafond imposé par l’encadrement des loyers entré en vigueur début 2025 à Grenoble, un joli T4 de 96 m² tarde à se louer.

Mis en place dans 72 villes françaises pour limiter la hausse du prix à la location des logements privés, ce dispositif d’encadrement des loyers est en vigueur depuis le 20 janvier sur tout ou partie de 21 communes de la métropole grenobloise.

« Cette décision politique n’a rien d’une baguette magique. La crise du logement est devant nous et ce n’est pas ainsi qu’on va la régler », tempête Cyril Ravier, directeur du Cabinet Besson (Grenoble).

81 % des studios, T1 et T2 loués par son agence de juin à septembre affichaient d’ailleurs un prix inférieur au loyer de référence majoré, c’est à dire le plafond fixé par le préfet pour les secteurs concernés.

8 % étaient à ce plafond et 10 % étaient au plafond avec compléments liés à l’existence d’un garage, d’une terrasse, d’une vue dégagée…

Pour lui, les abus ne sont pas à rechercher du côté des biens gérés par les professionnels.

Les toutes petites surfaces très impactées

Cet encadrement peut même les aider à faire comprendre à certains propriétaires qu’il y a des limites à ne pas dépasser. Sylvie Soriano-Viscuso n’hésite pas à le faire.

« Il faut arrêter de vouloir louer des 12 m² à 500 € », s’exclame la responsable développement service gestion locative des Z’Agents Immobilier.

Ce sont précisément ces petites surfaces qui voient leur loyer dégringoler. « Et cela génère une distorsion avec les plus grandes surfaces souvent plus à même de bénéficier de compléments de loyer », s’alarme Laurent Vandenbosch, cogérant de l’agence Valoris Immobilier (Grenoble).

Une de ses clientes a dû réduire de 130 € le loyer mensuel hors charges jusqu’alors fixé à 400 € pour son studio de 11 m² situé avenue Alsace-Lorraine « joliment meublé et en parfait état ».

Qu’il soit d’ailleurs meublé ou pas n’a pas vraiment d’effet sur le loyer de référence majoré (1). « Sur ce plafond possible, la différence est ridicule entre une petite surface meublée et une non meublée », confirme Jessica Calzetta, chargée de location et régie du Cabinet Besson (Grenoble).

Elle est par exemple de 26 € par mois pour un studio de 20 m² situé dans un immeuble des années 71-90 (2). « Imposé sur certaines rues et pas d’autres, cet encadrement engendre aussi une dissymétrie que les propriétaires ne comprennent pas », ajoute Dominique Bentéo.

Et les baisses génèrent par ricochet une perte de valeur des logements concernés s’ils sont revendus puisque leur valeur vénale dépend du rapport locatif.

« Aujourd’hui, la première chose qu’un investisseur potentiel demande est d’ailleurs si le bien proposé est dans la zone d’encadrement des loyers », constate Sylvie Soriano-Viscuso. « Mais je leur rappelle que le dispositif est en phase d’expérimentation. Et qui dit expérimentation peut vouloir dire modification des périmètres. Rien n’est sûr ».

Des freins à l’investissement

Pour ce Grenoblois qui a « cassé sa tire-lire et emprunté sur 15 ans » pour investir dans un 70 m² proche de Grenoble École de Management, cela devient « insupportable ».

Il l’a réaménagé pour accueillir trois étudiants, équipé à neuf et joliment décoré. Mais il a dû en baisser le loyer cette année et a le sentiment d’être pris au piège. « L’augmentation de la taxe foncière désormais équivalente à un mois et demi de loyer avait déjà un peu plus réduit sa rentabilité. Je comprends que tout cela finisse par faire fuir les investisseurs ».

Depuis le 1er juillet 2024, une autre contrainte s’impose aux propriétaires bailleurs de logements (hors locations touristiques et logements sociaux) des quartiers Saint-Laurent et Gabriel Péri à Grenoble : leur location est soumise à l’obtention d’un permis de louer avant signature du bail.

Objectif : s’assurer du respect des critères de décence et d’habitabilité. Cette demande d’autorisation préalable de mise en location (APLM) doit être effectuée pour toute location ou relocation.

« La lutte contre le mal logement est essentielle, mais le dispositif retarde la mise en location et grève un peu plus la rentabilité locative des biens », s’inquiète Cyril Ravier à l’heure où la crise du logement s’installe durablement.