Le traitement de l’obésité au Royaume-Uni pourrait devenir un « système à deux vitesses » où les patients les plus vulnérables seraient totalement exclus.

Les experts en obésité du King’s College de Londres et de l’Obesity Management Collaborative (OMC-UK) ont averti que des critères d’éligibilité stricts signifient que seul un petit nombre de personnes auront accès au médicament amaigrissant Mounjaro du NHS. Ceux qui en ont les moyens paient le traitement à titre privé.

Les chercheurs affirment, dans un éditorial publié aujourd’hui dans le Journal britannique de pratique générale (BJGP)que cet écart crée un système de traitement à deux vitesses, dans lequel la capacité d’autofinancement détermine qui reçoit les soins.

L’obésité est une crise sanitaire mondiale liée à des maladies graves telles que les maladies cardiaques, le diabète de type 2 et le cancer. Le déploiement progressif du tirzépatide, également connu sous le nom de Mounjaro, par le NHS, a été salué comme une étape importante dans la résolution du problème.

Des données récentes suggèrent que plus d’un million et demi de personnes au Royaume-Uni ont accès à ces nouveaux médicaments à titre privé. En revanche, l’offre du NHS ne devrait atteindre qu’environ 200 000 patients au cours des trois premières années.

Les critères actuels du NHS pour accéder à Mounjaro exigent que les patients aient un IMC de 40 ou plus, associé à plusieurs problèmes de santé supplémentaires tels que le diabète, l’hypertension artérielle ou les maladies cardiaques. Même si cette approche offre un certain accès à un traitement efficace contre l’obésité, elle exclut de nombreuses personnes qui courent un risque sérieux mais ne répondent pas à toutes ces exigences.

Les chercheurs préviennent que ces règles risquent d’élargir les inégalités de santé existantes.

L’auteur principal, le Dr Laurence Dobbie NIHR Academic Clinical Fellow en médecine générale au King’s College de Londres, a déclaré :

« Le déploiement prévu de Mounjaro risque de créer un système à deux vitesses dans le traitement de l’obésité. À moins que nous ajustions la manière dont l’éligibilité est définie et la manière dont les services sont fournis, le déploiement prévu de Mounjaro risque d’aggraver les inégalités en matière de santé, où la capacité d’autofinancement détermine l’accès au traitement et où ceux qui en ont le plus besoin sont moins susceptibles d’y prétendre.

« Les critères d’éligibilité actuels nécessitent plusieurs critères de qualification diagnostiqués, mais les conditions mêmes utilisées pour contrôler l’accès à Mounjaro sont souvent sous-diagnostiquées chez les femmes, les personnes issues de communautés ethniques minoritaires, celles à faible revenu et les patients souffrant de maladies mentales graves. Le sous-diagnostic est bien documenté et les variations régionales dans la mise en service du NHS créent une loterie des codes postaux.

« Nous devrions reconnaître explicitement le sous-diagnostic dans les parcours de l’obésité, donner la priorité à nos patients qui répondent aux besoins cliniques les plus élevés et mettre à l’échelle un soutien global adapté à la culture afin que l’accès soit basé sur les besoins, et non sur les moyens ou le lieu. »

L’obésité est une maladie chronique complexe qui exige un accès équitable au traitement pour tous ceux qui en ont besoin, et pas seulement pour ceux qui en ont les moyens. L’approche actuelle risque d’enraciner un système à deux vitesses dans lequel la richesse, plutôt que les besoins médicaux, détermine l’accès aux soins. Nous avons besoin de toute urgence d’un modèle plus inclusif, juste et évolutif qui garantit que des traitements efficaces sont accessibles dans toutes les communautés, en particulier celles qui sont déjà confrontées à des obstacles systémiques aux soins de santé.

Professeur Barbara McGowan, professeur d’endocrinologie et de diabète au King’s College de Londres

Le professeur Mariam Molokhia, professeur d’épidémiologie et de soins primaires au King’s College de Londres, déclare :

« Les soins liés à l’obésité ne devraient pas dépendre du code postal ou de la capacité à s’autofinancer. Les critères actuels risquent d’exclure les patients ayant des besoins élevés, car les conditions d’admissibilité sont souvent sous-diagnostiquées dans les groupes mêmes qui font face aux plus grands obstacles aux soins. Pour une prestation équitable des soins, il est important de : reconnaître le sous-diagnostic dans les critères d’éligibilité, donner la priorité à l’obésité sévère et à ceux qui ont les besoins cliniques les plus élevés, et fournir un soutien comportemental culturellement adapté. »

L’article d’opinion appelle à des changements pour améliorer la justice et l’équité. Il s’agit notamment de modifier les critères d’admissibilité à l’aide, de mettre en place des itinéraires plus clairs pour accéder aux soins qui tiennent compte de l’appartenance ethnique et du sous-diagnostic, d’accélérer le déploiement national et d’étendre les services de santé numériques pour atteindre les patients dans les zones où les services spécialisés sont limités.

Les auteurs soulignent également que l’accès aux médicaments doit aller de pair avec des mesures de santé publique plus larges, notamment des politiques visant à améliorer les régimes alimentaires, à lutter contre l’insécurité alimentaire et à garantir des environnements urbains plus sains.

Les chercheurs concluent que sans changements politiques urgents, les inégalités en matière de soins contre l’obésité persisteront et s’aggraveront pour les générations futures..