Par

Celestin de Séguier

Publié le

31 oct. 2025 à 16h35

« Malgré ce que l’on pense habituellement, il faut savoir que les champignons ne sont pas du tout des plantes », explique Giovanni Antola Silva en entamant une promenade mycologique en forêt de Rennes, tout proche de Liffré (Ille-et-Vilaine). Passionné par les champignons et la mycologie depuis plusieurs années, ce « Rennais d’adoption », originaire d’Espagne, s’est épris de ce loisir en 2022, lorsqu’il a fait la rencontre des adhérents de la société mycologique de Rennes. « Je suis allé à l’exposition annuelle, il y avait un microscope incroyable. En regardant les cellules des champignons, ça m’a tout de suite plu. »

30 000 espèces

Même s’il est d’abord venu vers la mycologie « pour des raisons culinaires », Giovanni a poussé son loisir plus loin et aime aujourd’hui identifier chaque espèce avec précision et emmener les promeneurs curieux à la découverte de cet univers méconnu. « On estime que rien qu’en France, il y aurait plus de 30 000 espèces de champignons. Ça donne une idée de la masse de travail qui attend les mycologues », s’amuse le passionné en contemplant une de ses espèces favorites. « Celui-là, c’est une mucidule visqueuse. Il est comme de la porcelaine, on peut voir à travers, c’est magnifique. »

La chanterelle en tube se trouve souvent au pied des conifères. Semblable à la girolle, c'est un excellent comestible.
La chanterelle en tube se trouve souvent au pied des conifères. Semblable à la girolle, c’est un excellent comestible. ©Célestin de SéguierCe ne sont pas des plantes

Contrairement aux plantes, les champignons ne sont pas équipés pour produire leurs nutriments avec la photosynthèse et ont plus de points communs avec les animaux. « Ils doivent développer d’autres stratégies. Ils ont toute une machinerie chimique pour obtenir les nutriments qui sont autour d’eux », détaille le spécialiste. Au total, on compte trois grandes familles qui se caractérisent par leur façon d’accéder à leur alimentation. « Il y a les champignons saprotrophes qui se nourrissent de matière en décomposition, comme le bois mort ; les mycorhiziens qui vivent en symbiose avec un arbre et les champignons parasitaires, qui captent leur nourriture sur un autre être vivant. »

« De l’humidité et un choc thermique »

Si les champignons ont dû développer des stratégies diverses pour survivre et se développer dans leur environnement, la météo joue également un rôle prépondérant dans leur développement. « Il faut de bonnes conditions d’humidité et un choc thermique qui peut se faire entre le jour et la nuit », par exemple, précise le mycologue.

En ce moment, on est dans des conditions favorables à ce que les sporophores poussent. On voit le résultat de la pluie des derniers jours.

Giovanni Antola Silva, mycologue

délicate, la mucidule visqueuse a une couleur de porceleine. On peut même voir à travers.
La mucidule visqueuse a une couleur de porcelaine, on peut même voir à travers. ©Célestin de Séguier« Le mycélium » et les « sporophores »

Les sporophores ? Ce sont les organes reproducteurs des champignons, que nous cueillons et appelons à tort champignons. « En fait, le véritable champignon vit sous terre », s’amuse Giovanni Antola Silva.

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« Ils vivent sous la forme d’un réseau que l’on appelle le mycélium. Ce réseau va trouver de temps en temps les bonnes conditions pour faire ressortir ses organes reproducteurs et c’est ça que l’on cueille. Parfois quand on se balade, on voit des filaments blancs par terre, c’est ça le mycélium. Il peut faire jusqu’à plusieurs centaines de mètres. »

Les secrets du bon cueilleur

Au fil de la promenade, Giovanni Antola Silva, qui exerce à Rennes en tant que signataire en analyse microscopique pour un laboratoire de diagnostic amiante, identifie de nombreuses espèces, pour beaucoup non comestibles. Pour le spécialiste, le secret d’un bon cueilleur de champignon, c’est avant tout le sérieux : « Pour être en toute sérénité, il faut être sûr à 200 % de ce qu’on a cueilli, prélever l’intégralité du champignon pour ne pas abandonner de critères de détermination, être entouré de quelqu’un qui s’y connaît et avoir un bon guide papier à jour. Certains guides anciens vont citer des espèces comestibles qui ne le sont plus. »

Son conseil : se procurer Le guide des champignons France et Europe de Guillaume Eyssartier et Pierre Roux. Autre possibilité, amener sa cueillette directement en pharmacie, « sinon, c’est bien d’adhérer à une société mycologique comme celle de Rennes, ça permet d’approfondir ses connaissances et de connaître les champignons toxiques et mortels. »

Mortelle, la galère marginée est un champignon avec une nutrition saprotrophe. Il se nourrit de bois mort, comme cette souche.
Mortelle, la galère marginée est un champignon avec une nutrition saprotrophe. Il se nourrit de bois mort. ©Célestin de Séguier« La mort assurée »

En France et en Bretagne, deux champignons mortels sortent du lot : l’amanite phalloïde et l’amanite vireuse américaine. « Ce sont des champignons qui ont des lamelles sous le chapeau, qui sont très clairs (surtout pour la deuxième). » Autre signe distinctif, ces champignons ont un anneau autour du pied et une grande volve à sa base. « Il est courant que des amateurs confondent les jeunes amanites, très rondes, avec des jeunes cèpes de Bordeaux. En cas d’erreur c’est la mort assurée », insiste le mycologue en reniflant une amanite phalloïde.

« Ça sent une odeur chimique très désagréable. Si vous le mangez, en 24 heures votre foie cesse de fonctionner. »

De très bons comestibles

« Ça, c’est une chanterelle en tube, un très bon comestible », précise Giovanni en portant sa main au sol. « C’est facile à reconnaître car comme la girolle, sous le chapeau il n’y a pas des lames mais des plis, un peu comme la girolle. » Un peu plus loin, un champignon beige à l’apparence ferme se dissimule sous des feuilles de châtaignier. « Tiens voilà un pied de mouton. » Excellent comestible, très réputé, c’est un champignon qui utilise des aiguillons qui sont sous le chapeau pour disperser ses spores et le rendent très facilement reconnaissable.

Ce n'est pas toujours facile de détecter les champignons au milieu des feuilles mortes, souvent de la même couleur.
Ce n’est pas toujours facile de détecter les champignons au milieu des feuilles mortes, souvent de la même couleur. ©Célestin de SéguierLe danger des applications

Autre point de vigilance pour le mycologue, les applications pour smartphone. « Elles ne peuvent pas identifier un certain nombre de caractères comme l’odeur, la saveur et parfois il faut même utiliser des petits réactifs qui font que les lames et la chaire changent de couleur », met-il en garde.

Il m’est arrivé de faire le test d’une application qui détecte comme comestible des espèces qui sont en réalité toxiques.

Giovanni Antola Silva, mycologue

« La meilleure façon de se former »

Parmi les passionnés, « on trouve différentes sensibilités » : du gourmet qui veut apprendre à mieux reconnaître les champignons aux passionnés qui vont jusqu’à faire des stages de biologie mycologique et de microscopie. Une chose est certaine, « on accueille les nouveaux à bras ouverts ».

Un dernier conseil ? « Adhérer à une société mycologique, je pense que c’est la meilleure façon de se former. »

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