L’effroyable agression et tentative de viol subie par Jhordana, le 15 octobre, dans une rame déserte du RER C, a montré une nouvelle fois combien les femmes subissent l’insécurité dans les transports. Sur le site Change.org, une pétition lancée le 24 octobre demande à Île-de-France Mobilités et la SNCF d’« agir concrètement » contre le fléau de l’insécurité que subissent les femmes. Plus de 11 000 personnes l’ont déjà signée en sept jours.

L’auteure de la pétition, Marie K., une habitante du Val-d’Oise qui prend régulièrement le RER D, suggère de s’inspirer de ce qui a été mis en place à l’étranger et de « lancer un projet pilote de wagons réservés aux femmes et aux enfants sur les lignes RER et Transilien ».

Ces trains auraient « une signalétique claire et visible pour identifier ces wagons ». La pétition exige aussi de « renforcer la surveillance et les dispositifs de sécurité » dans ces zones réservées aux femmes. Et de « réaliser une évaluation indépendante du projet en impliquant les passagères ».

« La sécurité n’est pas un privilège, c’est un droit fondamental, écrit Marie K. L’Île-de-France peut devenir le premier territoire en France à montrer l’exemple, en faisant du transport public un espace réellement sûr pour les femmes. Les femmes ne devraient pas ressentir de crainte à chaque trajet. Elles ont le droit de se déplacer dans la sérénité et la sécurité. »

Le texte cite les pays qui ont adopté le principe de séparer les voyageuses pour lutter contre les multiples violences et harcèlements perpétrés par des hommes. « De nombreux pays ont déjà trouvé des solutions concrètes et efficaces », estime Marie K., en citant le Japon, l’Inde, le Mexique ou Dubaï, où « ces mesures sont devenues la norme ».

Jointe par le Parisien, l’auteure de la pétition est consciente que sa proposition de séparer les femmes des hommes ne fait pas l’unanimité. « Tant que le système ne nous protège pas, je considère cette idée comme une mesure temporaire et nécessaire, au moins pour réduire les risques. Et pour être honnête, je ne crois pas à l’idée de rééduquer les hommes agressifs. C’est une belle théorie, mais elle ne fonctionne pas dans la réalité », dit-elle.

IDFM préfère généraliser les trains « boa »

Île-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité en charge des transports dans la région, dit faire de la lutte contre l’insécurité une de ses priorités. Mais pas question de mettre en place des voitures séparées. « Nous n’avons pas pour projet à ce jour de créer des wagons réservés aux femmes, quel que soit le mode de transport, répond ainsi IDFM, ce vendredi. Tous les nouveaux trains et métros (plus de 1400 à date) sont maintenant en construction boa, qui permet de circuler librement d’un bout à l’autre de la rame et brise l’isolement. »

D’autant que là où ils sont mis en place, les compartiments réservés aux femmes ont un bilan contrasté. Au Brésil, des femmes ont été harcelées dans ces rames, et les agressions ne font que se déplacer ailleurs.

« Le sujet n’est pas de faire des cabines ou des wagons genrés, nous considérons que cela va à l’encontre des valeurs de la République, qui prône l’égalité entre les hommes et les femmes, déclare Grégoire de Lasteyrie (Horizons), vice-président d’Île-de-France Mobilités. En revanche, nous militons pour exclure des transports en commun les personnes condamnées pour violences sexistes ou sexuelles. Cela se fait dans les casinos, pourquoi pas dans les transports en commun ? C’est une mesure que nous portons d’ailleurs avec Valérie Pécresse (présidente d’IDFM et de la région Ile-de-France, NDLR) auprès du gouvernement. »

Pour lutter contre le fléau des violences sexuelles et sexistes, IDFM opte pour la présence accrue d’agents de sécurité, et l’usage de 80 000 caméras permettant d’identifier et appréhender les auteurs.

Un sentiment d’insécurité très fort chez les femmes dans les transports

IDFM a aussi généralisé un numéro d’urgence commun à tous les opérateurs : le 3117. « Ce numéro permet de contacter par téléphone (ou par SMS au 31177) les agents de terrain SNCF/RATP pour une prise en charge des victimes. L’ensemble des écoutants a été formé aux problématiques spécifiques de violences sexuelles et sexistes. Chaque année, ce sont environ 20 000 appels qui sont traités par les agents. Ce numéro reste insuffisamment utilisé et des campagnes régulières sont prévues pour le faire connaître », ajoute IDFM.

Enfin, des bornes d’appel d’urgence et un réseau de « lieux sûrs » (Safe places) se déploient depuis 2023. Côté bus, « la descente à la demande » permet à toute voyageuse de demander à un chauffeur de bus de la déposer en dehors d’un arrêt pour se rapprocher de chez elle, après 22 heures.

Reste à évaluer l’efficacité de ces différents dispositifs. Selon une étude de l’Observatoire national des violences faites aux femmes publiée en mars, plus de la moitié (56 %) des femmes interrogées déclarent ne pas se sentir rassurées dans les espaces du réseau ferré francilien et 80 % confient rester en alerte. Au point même, selon une autre étude de l’Institut Paris région, que 5 % des femmes renoncent à leurs déplacements en Île-de-France par peur d’une mauvaise rencontre.