Les parents de deux jeunes filles, âgées de 4 ans, ont décidé à leur tour d’entamer une procédure judiciaire contre un enseignant, présumé innocent, de moyenne section de l’école maternelle Pasteur, située au sein du groupe scolaire de la gare à Saint-Laurent-du-Var.
Les deux familles ont apporté, dans un premier temps, leur témoignage aux policiers, pour l’une le 11 octobre, pour l’autre le 17. Ne s’estimant « pas suffisamment écoutées et prises au sérieux par les services d’enquête », l’une a déposé plainte vendredi 31 octobre, l’autre déposera plainte dans les prochains jours « pour faire entendre la voix de leurs filles ».
Ces deux familles ont découvert les soupçons qui pesaient sur l’enseignant de moyenne section de maternelle lors d’une réunion organisée dans l’école le 10 octobre par la Ville, la police nationale et l’Éducation nationale, en présence des parents d’élèves.
« Elle m’a dit que c’était un secret »
Dans la première des deux familles, le jour de la réunion, le 10 octobre, le père a essayé de discuter avec sa fille « avec des questions ouvertes, mais elle n’a rien dit ».
Le lendemain, la mère constate en fin de journée que « sa fille était réceptive et qu’elle voulait communiquer. Elle m’a fait le signe X avec ses doigts et elle m’a dit que c’était un secret ».
L’enfant rapporte alors ce qui s’apparente à un viol survenu dans les toilettes de l’école. Le soir même, les parents se rendent au commissariat Foch, à Nice, pour signaler les faits.
La seconde famille engage une discussion avec leur fillette le 11 octobre. L’enfant de 4 ans livre à sa mère d’autres faits constitutifs d’un viol.
La mère cherche à savoir à quel endroit dans l’école ça a pu se produire. La fillette leur « a dit des choses très précises. Elle me racontait que, parfois c’était devant tout le monde dans la classe quand l’Atsem n’était pas là ou ne regardait pas, parfois c’était dans la classe pendant la récréation. »
La mère poursuit : « Vu que pendant la réunion du 10 octobre ils ont beaucoup insisté sur le fait que les enfants fabulent, qu’ils déforment la vérité. On s’est dit que ce n’était peut-être pas vrai. (…) C’est pour ça qu’on a pris du temps avant d’aller au commissariat de Cagnes-sur-Mer le 17 octobre. »
La mère insiste : « Le comportement de ma fille avait beaucoup changé. Elle faisait des cauchemars et était très collante. »
Eric Camous indiquait dans un communiqué : « Il résulte de l’enquête qu’il n’existe aucune charge susceptible de laisser soupçonner la réalité des faits qui ont été rapportés à la justice. »
Dans la foulée, les deux familles des garçons ont envoyé un dépôt conjoint de « plaintes avec constitution de partie civile au tribunal judiciaire de Grasse le 22 octobre », avaient indiqué alors leurs avocats, Audrey Giordan et Romain Guerinot.
Les parents d’élèves saisissent l’Académie
Les parents de 14 enfants sur 31 se sont mobilisés contre le retour en classe, le 3 novembre, de l’enseignant.
Ils ont signé un courrier qu’ils ont fait parvenir à l’académie de Nice le 30 octobre. Dans cette missive, ils indiquent : « Le retour de l’enseignant dans sa classe, au contact des enfants, apparaît incompatible avec l’exigence de sécurité, de sérénité et de continuité apaisée du service public d’éducation. »
Et d’ajouter : « Lors de la réunion exceptionnelle du 10 octobre, l’inspecteur d’académie avait publiquement indiqué que, si un retour de l’enseignant devait être envisagé, ce retour serait discuté avec les familles. Or, aucune discussion ni concertation n’ont eu lieu en amont de la reprise annoncée. »
Ces parents de la classe de moyenne section de l’école maternelle Pasteur ont donc demandé à l’académie « la nomination d’un enseignant remplaçant pour assurer la continuité pédagogique de la classe, afin d’éviter toute rupture scolaire pour les enfants ; la possibilité pour les enfants concernés par cette affaire de poursuivre leur scolarité dans cette école ; le maintien d’une présence policière discrète aux abords de l’école ; une communication régulière, factuelle et transparente auprès des parents d’élèves ».
L’Académie a répondu aux parents le 30 octobre : « L’ensemble des services de l’Éducation nationale, en coordination avec la mairie et la direction de l’école, reste pleinement mobilisé pour garantir la sécurité, le bien-être et la sérénité de l’ensemble des élèves. Toutes les dispositions nécessaires ont été adoptées pour que la reprise se déroule dans les meilleures conditions, selon un climat apaisé et de confiance retrouvée. »
Et de poursuivre : « Soucieuse d’un dialogue attentif avec les familles, l’inspecteur de circonscription, accompagné de l’adjointe à l’inspecteur d’académie, se tiendra à la disposition des parents qui en feront la demande pour les recevoir lundi matin dans un esprit d’écoute et de transparence. »
Le député interpelle le ministre
Le député Rassemblement national de la 6e circonscription a adressé le 30 octobre un courrier à Édouard Geffray, ministre de l’Éducation nationale, dans l’affaire de la maternelle Pasteur de Saint-Laurent-du-Var.
Bryan Masson écrit : « Cette réintégration, opérée sans communication claire de la part du rectorat, suscite une vive inquiétude parmi les parents d’élèves et le personnel éducatif. Les familles ne comprennent pas comment un tel retour a pu être autorisé dans l’attente de l’issue de l’ensemble des procédures judiciaires en cours. »
Le député rappelle que « sans remettre en cause la présomption d’innocence, il me semble essentiel que le principe de précaution et la protection des enfants priment dans ce type de situation. Je souhaiterais donc savoir quelles dispositions réglementaires encadrent la réintégration d’un enseignant faisant encore l’objet de plaintes pour des faits d’une telle gravité, et si le ministère a été informé ou associé à la décision prise par le rectorat de Nice. »
Contactée par Nice-Matin, l’avocate du mis en cause n’a pas donné suite.