Par

Glenn Gillet

Publié le

31 oct. 2025 à 18h51

« Vous avez la chance exceptionnelle d’avoir une visite privée, il y a beaucoup de Parisiens qui vous envient ». On croit volontiers Pascal Cassandro. C’est lui qui, en sa qualité de conservateur de plusieurs cimetières de la Ville de Paris, il nous ouvre ce vendredi 31 octobre 2025 la lourde porte en bronze du sculpteur italien Gismondi, bénite par le pape Jean-Paul II, qui donne accès au cimetière du Calvaire, le plus ancien et le plus petit de la capitale, puisqu’il a été créé en 1688 et mesure seulement 600 mètres carrés. Accolé à l’église Saint-Pierre de Montmartre, entre la basilique du Sacré-Cœur et la place du Tertre, cet endroit peu connu, au sein duquel règne un calme absolu qui tranche avec l’agitation touristique des environs, n’est ouvert qu’un à deux jours par an : le 1er novembre pour la Toussaint et parfois une autre date pour le printemps de cimetières, fin mai, ou plus rarement pour les journées du Patrimoine.

Un cimetière « dans son jus depuis plus d’un siècle »

Le nom du cimetière tire son nom du calvaire qui le jouxte, dans le jardin de l’église. La plupart des 85 tombes présentes sur les lieux étant anciennes et fragiles (certaines sont déjà en partie brisées), le service des cimetières a fait le choix depuis de nombreuses années de limiter l’accès au public. Les personnes ayant un lien de parenté avec les personnes enterrées ont toutefois le droit de demander qu’on leur ouvre la porte pour se recueillir sur une tombe ou réaliser son nettoyage. L’entretien du reste des lieux consiste principalement en un gros débroussaillage avant chaque journée de visites guidées et la plupart des tombes restent donc moussues.

Ce samedi 1er novembre 2025, ils seront cinq conférenciers à un accueil et des visites guidées en petit groupe pour les 600 à 800 personnes qui devraient venir faire la queue devant l’entrée en attendant de pouvoir pénétrer au sein d’« un lieu qui surgit du passé » car il est « dans son jus depuis plus d’un siècle », décrit Jean-Christophe Lucas, conférencier de l’Agence de l’écologie urbaine de la Ville de Paris, qui a également fait visiter les lieux à actu Paris.

La porte en bronze du sculpteur italien Tommaso Gismondi reste fermée la plupart de l'année et les visiteurs de l'église Saint-Pierre de Montmartre passent souvent devant sans la remarquer.
La porte en bronze du sculpteur italien Tommaso Gismondi reste fermée la plupart de l’année et les visiteurs de l’église Saint-Pierre de Montmartre passent souvent devant sans la remarquer. (©GG/actu Paris)

Hormis les nombreux passionnés de cimetières qui apprécient ce lieu perçu comme « mystérieux », de nombreux visiteurs viendront grâce à « l’effet mouton », comme le surnomme Pascal Cassandro : « Ce sont des touristes qui voient une queue et qui commencent à faire la queue même s’ils ne savent pas ce qu’ils vont voir. Ils pensent souvent que c’est un accès particulier pour aller au Sacré-Cœur ».

Jean-Christophe Lucas et ses collègues n’auront ce samedi qu’une quinzaine de minutes par groupe d’une grosse dizaine à chaque fois, qu’ils soient taphophiles parfois venus d’autre bout de la France ou simples curieux flânant à Montmartre, pour brosser la chronologie d’un cimetière témoin et gardien d’une histoire aussi locale que mondiale.

Un cimetière méconnu comme dernière demeure d’illustres défunts

Selon les connaissances historiques disponibles à l’heure actuelle, le site accueillait a d’abord accueilli une nécropole à l’époque mérovingienne (du Ve au VIIIe siècles), mais ce n’est qu’en 1688 que le terrain d’origine est cédé par l’abbesse bénédictine de Montmartre à la paroisse de Saint-Pierre de Montmartre pour devenir cimetière. Neuf ans plus tard, la parcelle est étendue pour atteindre la superficie que l’on connaît aujourd’hui.

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Pendant la Révolution, le cimetière est fermé et les tombes, comme celles du grand sculpteur Jean-Baptiste Pigalle (dont le nom a été donné à une rue puis au quartier parisien), sont prises pour cible et détruites : « On peut dire que c’est l’air du temps qui voulait ça », résume Jean-Christophe Lucas. Le site finit par rouvrir en 1801 et verra alors fleurir des tombes d’aristocrates du temps l’Empire puis de la Restauration, avant que la création de nouvelles tombes ne prenne fin en 1823.

Le cimetière du Calvaire accueille « proportion inégalée de personnalités historiques par rapport aux autres cimetières parisiens », avec une quarantaine de personnages ayant eu des rôles notables, principalement aux XVIIIe et XIXe siècles, souligne Pascal Cassandro. Le site est ainsi la dernière demeure de Félix Desportes, premier maire de Montmartre élu en 1790 et par la suite préfet et diplomate, de la famille Debray, fondatrice du moulin de la Galette et de son célèbre bal, du cœur de l’explorateur Bougainville (son corps est au Panthéon), premier capitaine de navire français à faire le tour du monde ou encore de l’abbé Bernier, membre de l’état-major des troupes contre-révolutionnaires vendéennes puis négociateur du concordat de 1801.

Le moulin qui trône sur la tombe de la famille Debray, fondatrice du moulin de la Galette de Montmartre.
Le moulin qui trône sur la tombe de la famille Debray, fondatrice du moulin de la Galette de Montmartre. (©GG/actu Paris)

L’ombre de Louis XVI plane aussi sur le cimetière, puisqu’on y retrouve enterré Mathieu Dumas, le chef des troupes chargées de ramener le roi après sa fuite et son arrestation à Varenne en juin 1791, mais aussi un garde qui le protègea de la colère populaire lors de la prise du palais des Tuileries le 10 août 1792. On notera aussi, la présence d’un tombeau des Galitzine, famille de la noblesse russe dont le descendant contemporain le plus connu n’est autre que l’ancien Premier ministre Gabriel Attal, par sa mère.

Le cimetière abrite encore bien plus d’histoires qu’il ne compte de tombes. D’autant qu’ici, toutes les sépultures font l’objet d’une concession à perpétuité et qu’elles ne sont pas « relevées », dit-on dans le jargon, c’est-à-dire qu’on ne retire pas les dépouilles des plus anciens ou des moins illustres ancêtres pour faire de la place pour les nouveaux arrivants. Car le Calvaire continue d’accueillir des actes funéraires : la dernière inhumation date de 2013 et la dernière opération, une exhumation familiale, remonte à 2016. Et des personnes sollicitent régulièrement le service des cimetières pour qu’on leur indique si un des leurs aïeux y repose.

Informations pratiques pour le 1er novembre 2025 : accès au cimetière du Calvaire par la place Jean Marais et le parvis de l’église Saint-Pierre de Montmartre. Visites gratuites et sans réservation. Ouverture de la porte à 9h30 et dernier départ de visite à 16h30.

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