La journée promettait d’être clé dans les débats budgétaires mais pour la gauche et les socialistes en particulier il n’y a pas eu de miracle, la taxe Zucman a bien été rejetée. Seuls la gauche et quelques députés Liot l’ont soutenue (autour de 170 voix suivant les amendements). Le bloc central, la droite et l’extrême droite s’y sont, comme attendu, opposés (autour de 230 voix). Pour rappel, la taxe Zucman propose la création d’un impôt plancher de 2 % sur les très hauts patrimoines, supérieurs à 100 millions d’euros, en incluant les biens professionnels, pour éliminer la dégressivité de l’impôt chez les ultra-riches.

Les députés des quatre groupes de gauche n’ont pourtant pas ménagé leur peine : ils ont défendu le principe même de la justice fiscale ; appuyés sur les sondages ; sur la nécessité de faire rentrer de nouvelles recettes fiscales ; ont rassuré sur la constitutionnalité de la mesure ; ont rappelé qu’il ne s’agit que d’une contribution différentielle ; aussi la nécessité de rendre impossible les mécanismes d’optimisation fiscale qui mitent l’impôt… Rien n’y a fait.

Amélie de Montchalin, la ministre chargée des Comptes publics, a notamment nié l’accroissement des inégalités depuis l’élection d’Emmanuel Macron. « Oui, il y a une accumulation d’une richesse inégalée dans l’histoire de notre pays depuis la noblesse de l’Ancien régime », lui a répondu le président insoumis de la commission des finances, Eric Coquerel.

« Tout aura été essayé et rien n’aura été accepté »

Dans aucune des prises de paroles des groupes censés soutenir le gouvernement n’a évoqué le début d’un pas vers un compromis. Outre la « taxe Zucman light » du Parti socialiste, qui proposait de retirer certains biens professionnels, les écologistes ont notamment essayé de sous-amender la taxe Zucman en modulant par exemple le taux en désespoir de cause… « On peut dire que sur les bancs de la gauche tout aura été essayé et rien n’aura été accepté », a déploré à la sortie la députée du groupe Ecologiste et social Clémentine Autain.

La matinée avait déjà volé le suspense, quand, à l’issue d’une longue suspension de séance et de conciliabules au sein du « socle commun », une coalition allant de Renaissance au RN a encore réduit la portée de la taxe sur les holdings familiales voulue par le gouvernement.

D’après les informations de « l’Humanité » c’est d’ailleurs ce vote qui a suscité l’invitation de dernière minute à déjeuner à Matignon d’Olivier Faure, premier secrétaire du PS, et Boris Vallaud, le président du groupe. Cela ne semble pas avoir particulièrement rassuré les socialistes qui, après les différents, rejets, ont fait monter leurs deux têtes pour en appeler au premier ministre : « Il n’y a pas eu le moindre compromis », a constaté Boris Vallaud ; « Les 15 milliards (que les socialistes demandaient, N.D.L.R.), nous le les avons pas. À en croire la ministre nous sommes même à -2 milliards », a remarqué Olivier Faure.

Car le premier ministre, il est là. Depuis 11 h 30 au banc, sans jamais prendre la parole. Il est resté cinq heures de séance silencieux avant d’enfin se lever pour renvoyer les socialistes à leurs défaites lors des votes précédents : « On ne peut pas dire que le 49.3 est un coup de force démocratique et quand l’Assemblée nationale s’est exprimée parler de coup de force démocratique quand on n’a pas eu ce qu’on voulait ».

Sébastien Lecornu s’est bien montré ouvert au dégel des pensions de retraite, au dégel des minimums sociaux ou même à faire évoluer l’objectif national des dépenses d’assurance maladie. Mais en les finançant via des économies ou des prélèvements supplémentaires qui auraient une majorité dans l’hémicycle. “Le problème majeur est d’abord un problème de recettes avant d’être un problème de dépense”, lui a néanmoins rappelé le communiste Stéphane Peu.

La Macronie va tranquillement dérouler

Comme seule réponse, Boris Vallaud s’est dit une nouvelle fois « ouvert au débat », désespérant derrière lui quelques députés des autres groupes de gauche. Car, au fond, en se réfugiant en toutes choses derrière le renoncement au 49.3, qui ne donne aucun superpouvoir à l’Assemblée nationale en matière budgétaire, le Premier ministre semble demander aux socialistes de voter in fine un budget qui, entre-temps, aura été façonné par les votes conjoints du « socle commun » et de l’extrême droite.

Le sort même de la législature, comme l’a dit un député socialiste pendant le débat, était-il bien en jeu ce vendredi à l’Assemblée nationale ? Si les socialistes jouent bien le rapport de force jusqu’au bout, en déposant très prochainement une motion de censure, peut-être. Sans ça, le gouvernement et les députés macronistes peuvent tranquillement dérouler.

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