Les sanctions prises par Washington contre les géants du pétrole russe Rosneft et Lukoil marquent un tournant de taille dans la politique étrangère américaine. Excédé par la poursuite du conflit en Ukraine et les positions jusqu’au-boutistes de Moscou, le président américain a pris pour la première fois de son mandat des mesures directement axées contre le secteur pétrolier russe, qui risque de perdre à court terme l’accès à plusieurs débouchés de taille, comme les marchés chinois et indien.
Mais ces mesures font ressurgir un problème posé à plusieurs reprises depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine : comment priver Moscou de la manne qu’il tire de ses ventes de pétrole, vitales pour financer le conflit contre Kiev, sans faire s’envoler les prix du pétrole ?
Maintien des exportations
Le G7 et l’Union Européenne ont implanté dès 2022 une solution à ce casse-tête : imposer un plafond des prix du pétrole transporté sur des navires assurés ou possédés par des entreprises occidentales, hégémoniques dans les domaines de l’assurance et du fret maritime.
Ce système permet de rogner sur les marges que tire Moscou de ses ventes d’or noir à des pays tiers, tout en assurant à ces derniers le maintien de l’accès à une source majeure de pétrole. La Russie a en conséquence mis en place une flotte fantôme, constituée de pétroliers vétustes naviguant sous des pavillons étrangers, lui permettant de continuer de vendre son pétrole à ses propres conditions.
Ces contre-mesures russes devraient permettre à Moscou de limiter les dégâts causés par les sanctions : selon le Wall Street Journal, les ventes de pétrole devraient se maintenir grâce à l’exploitation accrue de la flotte fantôme et un vaste réseau d’intermédiaires, diminuant les profits que retire Moscou de ses exportations sans pour autant mettre un terme à ces dernières.
Jeu d’équilibriste
Washington dispose pourtant de plusieurs mesures dans son arsenal capables d’augmenter l’impact de son offensive contre le pétrole ruse, tel que la mise en place de sanctions contre des navires identifiés comme faisant partie de la flotte fantôme : seuls 216 pétroliers opérés par Moscou ont été sanctionnés par les États-Unis, contre 550 par l’Union Européenne.
D’autant que les sanctions américaines sont particulièrement efficaces, Washington menaçant régulièrement d’appliquer des mesures de rétorsion contre les entités maintenant des relations avec des entreprises sanctionnées.
Mais ces sanctions ont un coût pour le reste du monde : le prix du baril de Brent, un type de pétrole brut servant de référence, a grimpé suite à l’annonce des sanctions, passant de 61,25 dollars le 21 octobre à 65,54 dollars le 28, selon Boursorama.
Ces chiffres restent bien loin des prix atteints lors des premières semaines de l’invasion de l’Ukraine, le Brent montant à l’époque à plus d’une centaine de dollars le baril. Mais la mise en place d’autres sanctions risque de faire exploser la valeur de l’or noir, en baisse depuis la fin de la guerre des douze jours entre Israël et l’Iran.
Une telle perspective est loin de convenir à Washington, alors que l’inflation était en légère hausse aux États-Unis en septembre, en partie à cause des politiques douanières mises en place par Donald Trump. Elle pourrait peser sur les élections de mi-mandat, dont la campagne s’amorce déjà outre-Atlantique. De quoi donner une marge de manœuvre supplémentaire à la Russie, dont la dépendance aux revenus tirés de ses exportations d’hydrocarbures s’est dramatiquement accrue depuis 2022.