Son atelier porte le nom d’un ustensile utile en céramique, mais rappelle aussi la maison, et évoque « quelque chose de mignon ». Comme « une petite chaumière où on s’y sent bien ». Depuis 2024, Colette Cuciz a lancé l’Atelier La Cazette, au cœur de l’Afpa, entre le Neudorf et le Polygone à Strasbourg. Aujourd’hui céramiste et formatrice, elle a fait le choix d’une autre carrière sans oublier la première : infirmière. Portrait d’une jeune femme aux multiples casquettes.
Colette Cuciz l’amène avec humour dès les premiers échanges : son accent, elle le tient bien d’Alsace, dont elle est originaire. Si cette jeune femme de 34 ans vient d’Uffholtz (dans le Haut-Rhin, entre Wattwiller et Cernay), elle réside à Strasbourg depuis 13 ans.
Une ville qu’elle rejoint d’abord pour le travail : « initialement, infirmière », précise-t-elle. Car si nous venions pour ses céramiques, l’entretien dévoile rapidement un parcours inattendu, celui d’une reconversion.
Colette Cuciz à l’Atelier La Cazette. © David Levêque / Document remis
Coup de « blouse » et reconversion
C’est en 2019, « avant Covid », qu’elle décide de « changer d’air », entre autres, pour « les conditions de travail » de l’hôpital. « Sans prendre trop de risques, [elle] fai[t] un bilan de compétences ». « Je cherchais à me reconvertir ou à trouver une autre activité, manuelle et artistique, pour m’épanouir parce qu’être infirmière ne me plaisait plus trop à cette époque-là ».
À la demande de la psychologue du travail, elle explore alors les possibilités, et passe en revue les 250 métiers d’art listés jusqu’à « tomber là-dessus ». La céramique. Une découverte. Pas aussi prisé qu’aujourd’hui, le métier l’intrigue. « Je m’y suis intéressée, je regardais des vidéos. Ça ne me quittait plus pendant des mois et des mois. »
Colette Cuciz sur ses créations pour l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Documents remis
Et puis le Covid arrive, met en pause l’envie, le projet. Jusqu’à reprendre en 2021, lorsqu’elle demande à l’hôpital un congé de formation pour pouvoir partir, pendant 9 mois. Un dispositif qui lui permet alors un maintien de salaire à 80%, et le financement de sa formation (à hauteur de 14 000€), ainsi que le paiement de son loyer – puisque celle-ci l’emmène jusqu’à Tours, à l’Atelier des Arts céramiques. Une chance.
Elle y retrouve là-bas « que des gens qui étaient en reconversion comme [elle] et de [son] âge, [ou] ont 30 ans de boîte, des dentistes, des nanas qui travaillaient dans le cinéma… Bref : de tous horizons ».
Colette Cuciz à l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Document remis
Elle y apprend le tournage en céramique, avec le tour de potier, ainsi que le modelage, suit des stages de plâtre, ou pour créer son émail, le décor… Un apprentissage « très complet », suite auquel elle passe son CAP, à Rouen.
Diplôme en poche, Colette revient en 2022 à Strasbourg, et réintègre l’hôpital « parce que c’était la condition sine qua non » – de revenir y travailler quelques années.
Colette devant son atelier, au Village des solutions de l’Afpa. © Fanny Soriano / Pokaa
Le contact comme vocation
Si elle peut enfin se relancer dans ses activités de céramiste après deux ans de pause, Colette confie que « ce qu'[elle] voulai[t] faire par-dessus tout, c’était animer des ateliers ». Avec en tête : « La transmission, le partage. » Quelque chose qui lui « vient peut-être de [son] métier d’infirmière » ?
Atelier d’initiation au modelage avec Colette. © David Levêque / Document remis
Atelier luminaires avec Colette. © David Levêque / Document remis
En tout cas, son objectif était d’avoir une « petite production personnelle, la vendre, mais surtout : donner des cours », chose qu’elle fait depuis mai dernier.
Dans son catalogue : une initiation de 2h30, et un atelier plus long pour créer son luminaire. Elle s’apprête par ailleurs à suivre une formation certifiante en électricité auprès de la CMA – Chambre des Métiers d’Alsace – afin d’assurer elle-même les branchements des lampes.
Atelier d’initiation au modelage avec Colette. © David Levêque / Documents remis
© David Levêque / Document remis
Colette déborde d’énergie, d’idées. Si elle a depuis quitté l’hôpital, elle continue d’effectuer des vacations. Deux casquettes, certes, mais qui lui assurent « un confort » : « Je choisis quand je travaille, où je travaille, et pour allier les deux activités, c’est tout bénéf. » Huit jours par mois (sur des journées de 12h), « et tout le reste, c’est l’atelier ».
Elle révèle aussi continuer son métier d’infirmière pour d’autres raisons. « C’est parce que je pense que j’en ai besoin. »
« Ça m’apporte d’autres choses : entre l’artisanat où tu peux utiliser ta créativité, ta liberté ; alors qu’à l’hôpital, je mobilise plutôt l’aspect social, [le fait de] prendre soin. Les soins techniques que j’aime aussi. Et participer à la guérison, à la prise en charge du patient… D’autres choses qui m’épanouissent, finalement. »
© David Levêque / Document remis
Si elle avoue être parfois « épuisée moralement », elle y trouve un équilibre. Sans compter le soutien économique que lui permet sa deuxième activité, face aux défis que représentent, aussi, l’entrepreneuriat et l’artisanat.
Comme par exemple : se faire connaître, construire un réseau. Pas branchée réseaux sociaux, c’est son métier de céramiste qui l’oblige à être plus connectée. « Avant ça, je n’avais pas Facebook. Instagram, j’y suis depuis un an, et en un an… J’ai posté 30 publications ».
Apprendre à dompter la matière : le choix de la faïence
Se faire connaître, cela passe aussi par l’étape cruciale d’affiner son style. Design minimaliste, lignes douces, couleurs pastel… Et choix de la terre. Ce sera celui de la faïence.
Créations (en cours de séchage) pour l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Document remis
Un choix qu’elle fait une fois lancée à son compte, pourtant ce n’était pas celle qu’on lui avait appris à travailler pendant sa formation. « Je l’ai découvert dès le début : c’est une terre qui reste poreuse après cuisson, contrairement au grès et à la porcelaine. Comme un petit gruyère. »
Elle précise que « ça peut te porter préjudice, puisque ça absorbe tout liquide ». Il faut donc « émailler entièrement » les pièces, c’est-à-dire « poser la pellicule de verre pour [les] rendre hermétiques ».
Atelier d’initiation au modelage avec Colette. © David Levêque / Document remis
Créations de ses élèves (Atelier La Cazette). © Fanny Soriano / Pokaa
Créations de ses élèves (Atelier La Cazette). © David Levêque / Document remis
Malgré les contraintes qu’amène la faïence, si Colette tend vers celle-ci, c’est aussi pour ses élèves : « Elle ne se déforme pas beaucoup au séchage et à la cuisson ; et ça, pour les cours, c’est tout bénéf. » Moins de risques de fissures, et ainsi : « Moins de frustration ou déception pour les élèves. »
A contrario, « la porcelaine », rajoute-t-elle, « perd par exemple 20% de sa taille ». « Une terre tellement compliquée : tu lui donnes un petit coup sans faire exprès, tu le camoufles, et après cuisson, il ressort. Elle a une mémoire, la porcelaine. »
Palette pastel et « petites tuiles »
Quant à sa propre production, au-delà des cours, Colette souhaite développer des pièces en série, sur la base de moules en plâtre qu’elle a confectionnés. Pour qu’elles « se ressemblent toutes ». « Peut-être que c’est mon côté rigide », ajoute-t-elle dans un sourire.
Et puis, l’envie aussi d’avoir un style propre à elle, « utiliser qu’une terre » pour qu’on la reconnaisse et « ne pas partir dans tous les sens ».
Les créations de Colette pour l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Document remis
La première collection de l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Document remis
Une uniformité qu’elle pousse dans sa palette de couleurs. Des tons pastel, doux. Des mélanges qu’elle a élaborés. Ce qu’on appelle l’engobe. « C’est comme de la gouache. C’est fait avec de la terre, de l’eau et des oxydes que tu achètes en poudre. »
Elle cite alors leurs variétés, entre les colorants jaunes et rouges « de synthèse », et ceux que « tu retrouves dans la nature » : les « chrome, cobalt, manganèse… » En fonction des pourcentages inclus à la terre, l’intensité des couleurs varient et proposent des nuances, à l’« infini ».
Tests d’engobe sur tuiles (Atelier La Cazette). © Fanny Soriano / Pokaa
L’atelier de Colette (Atelier La Cazette). © David Levêque / Document remis
« Tout un travail de recherche » qui s’illustre par ses nombreuses « petites tuiles d’essai ». Il a fallu de nombreux essais pour trouver les couleurs qui allaient composer sa première collection.
Après le vert sauge et les nuances autour du rose de sa première sélection, la seconde collection, prévue pour Noël, s’annonce déjà. « Plus moderne », glisse-t-elle.
Créations en cours de séchage : collaboration entre Colette et sa mère pour l’Atelier La Cazette. © Fanny Soriano / Pokaa
Sur ses étagères, en attente de cuisson, ou déjà sèches, se croisent les créations de ses élèves, des modèles créés en partenariat avec sa mère, et divers essais et déclinaisons de sa collection. Pics pour le jardin, repose-couverts, porte-savons…
Un univers inspiré par la nature – soulignant la « belle vue [qu’elle a] depuis [son] atelier » – ou par l’Alsace. Comme avec ces adorables ronds de serviettes en forme de bretzel aux petits pois colorés.
Pour l’anecdote, elle nous confie que c’est à l’aide « d’une seringue de l’hôpital », qu’elle les a peints ! Une fois de plus, la frontière entre ses deux activités se brouille.
Ronds de serviettes bretzels et repose-couverts Atelier La Cazette. © Fanny Soriano / Pokaa
Son actu, sur ordonnance
Envie de pousser les portes de son atelier ? Depuis le mois d’octobre, Colette a ouvert – en plus de ses deux cours déjà installés –, de nouveaux formats d’ateliers sur trois sessions.
Trois cours consécutifs de 2h30 chacun, à raison d’un rendez-vous par semaine « pour découvrir le modelage ou pour faire des pièces plus importantes que quand ils viennent en initiation ». Pour aller plus loin que la tasse ou le bol : « pour un projet plus ambitieux », ou pour créer plusieurs objets.
Tasse bretzel pour l’Atelier La Cazette. © Luminethic / Document remis
Bientôt s’ajouteront aussi des marchés de créateurs/rices. C’est au marché de Noël d’Andlau les 22 et 23 novembre, puis à celui de Saverne les 29 et 30 novembre, qu’elle fera ses gardes, cette fois.
L’occasion de s’offrir, à Noël, l’une de ses tasses avec anse bretzel, peut-être. Ou de tailler la bavette avec Colette. Elle vous le rendra bien, c’est certain.
Pour retrouver Colette Cuciz / L’Atelier La Cazette
Ses ateliers :
Initiation au modelage
Création de luminaire
Cours de modelage en 3 séances