Rencontre officielle à Moscou entre un dirigeant russe et un représentant syrien, illustrant le renforcement des relations diplomatiques entre la Russie et la nouvelle Syrie dans un contexte géopolitique en mutation.Capture d’écran

Par Giuseppe Gagliano, Président du Centro Studi Strategici Carlo De Cristoforis (Côme, Italie) 

Un héritage stratégique à préserver

Le mercredi 15 octobre, triste ironie de l’histoire, étaient présents à Moscou deux figures que tout oppose : l’ancien dictateur syrien Bachar al-Assad et celui qui a précipité sa chute, le président de transition Ahmed al-Charaa. Le premier vit en exil dans la capitale russe, entouré de ses proches et placé sous la protection de son allié de toujours depuis le 8 décembre 2024. Le second, ancien chef rebelle devenu djihadiste repenti, aujourd’hui soucieux d’incarner un homme d’État pragmatique, est venu sceller un nouveau tournant dans les relations bilatérales avec Vladimir Poutine, invoquant les « liens historiques anciens » et les « intérêts communs » unissant la Syrie et la Russie.

« Nous respectons tous les accords précédents et cette grande histoire. Nous essayons de restaurer et de redéfinir la nature de ces relations afin que la Syrie puisse jouir de son indépendance, de sa souveraineté, ainsi que de son unité et de son intégrité territoriales », a déclaré le nouveau maître de Damas.

Dix mois après la chute de Bachar el-Assad, la Russie tente de sauver l’essentiel : conserver son ancrage en Syrie, fruit de la longue histoire des relations entre les deux pays et surtout de son intervention militaire de 2015. Les bases navales de Tartous et aérienne de Hmeimim restent cruciales pour la projection russe en Méditerranée orientale. L’arrivée au pouvoir d’Ahmad Al-Charaa, ancien chef du mouvement Hayat Tahrir al-Sham devenu président intérimaire, a rouvert le jeu régional ; Moscou cherche à transformer une défaite potentielle en opportunité diplomatique et militaire, en proposant de prolonger ses implantations, d’offrir un soutien économique et de fournir des systèmes d’armes avancés comme les S-400.

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Un pragmatisme réciproque

Fin juillet, le ministre syrien des Affaires étrangères, Asaad al-Shaibani, s’est rendu à Moscou pour rencontrer Sergueï Lavrov, première visite de haut niveau depuis l’appel téléphonique de février entre Vladimir Poutine et Al-Charaa. Conscient de compter déjà sur l’appui d’Ankara et de Doha, le nouveau leader syrien évite d’affronter Moscou : il n’a jamais réclamé le départ des forces russes et a même déclaré espérer que la Russie « reste de notre côté ». La Syrie post-Assad a besoin d’alliés pour sa reconstruction, ses échanges commerciaux et pour neutraliser les fidèles de l’ancien régime réfugiés en Russie.

L’atout de la défense antiaérienne

Symbole de ce rapprochement, le porte-parole de la Défense syrienne, Asim Gliyun, a publié sur les réseaux un selfie devant un S-400 en Russie en écrivant : « aujourd’hui en Russie, demain en Syrie ». L’éventuel achat de ces systèmes donnerait à Damas une capacité crédible face aux frappes israéliennes, intensifiées depuis la chute d’Assad, et offrirait un contre-poids face à la tutelle turque sur le nouveau pouvoir syrien.

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Géo-économie du compromis

Moscou ne peut se permettre de perdre son accès à la Syrie : la récente avarie d’un sous-marin russe de classe Kilo II en Méditerranée orientale a rappelé l’importance vitale de points d’appui logistiques fiables. En plus des bases, la Russie a déjà envoyé du pétrole, du gazole et du blé à Damas, et l’entreprise Goznak – malgré les sanctions occidentales – continuera d’imprimer la nouvelle monnaie syrienne. Moscou pourrait également utiliser son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour appuyer la levée des désignations terroristes qui pèsent encore sur Al-Charaa et ses proches. En échange, la Syrie accepterait sans doute de prolonger les concessions sur Tartous et Hmeimim, mais à des conditions financières plus strictes.

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Un Moyen-Orient toujours plus encombré

La Syrie demeure un échiquier complexe : la Turquie et le Qatar consolident leur rôle d’alliés principaux, Israël intensifie ses opérations aériennes, les États-Unis suivent la situation de près et plusieurs pays arabes tentent de s’y réinsérer comme notamment l’Arabie saoudite de MBS. Dans cet environnement multipolaire, Moscou cherche à rester un acteur clé, même si son rapport de force est moins favorable qu’au temps d’Assad.

Reste à savoir si la Russie réussira à conserver sa présence stratégique en Syrie ou si Damas choisira de s’arrimer davantage au duo Ankara-Doha dont l’objectif premier en soutenant Al-Charaa et tous les islamistes du pays, et ce depuis 2011, était rappelons-le, faire chuter Assad, placer à la tête du pays leurs hommes et donc pousser vers la sortie les Russes et les Iraniens…

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