Le fleuron français de la publicité en ligne, Criteo, a annoncé son intention de transférer son siège juridique au Luxembourg. Officiellement, il ne s’agirait pas d’une fuite fiscale, mais d’une simplification de structure. Officieusement, difficile de ne pas y voir le reflet d’un climat fiscal et politique devenu étouffant pour les entreprises françaises.
Fondée à Paris par Jean-Baptiste Rudelle, Criteo est l’une des rares start-up françaises cotées au Nasdaq. L’entreprise emploie encore plusieurs centaines de personnes en France, où se trouvent ses équipes techniques et son laboratoire d’intelligence artificielle. Mais le groupe a annoncé vouloir transférer son domicile juridique au Luxembourg, tout en maintenant ses activités opérationnelles à Paris. Officiellement, Criteo explique ce choix par des raisons de gouvernance et de simplification : le Luxembourg offrirait un cadre plus adapté aux sociétés internationales et faciliterait la conversion de ses actions pour une meilleure intégration aux marchés américains. La société assure qu’il ne s’agit « en aucun cas d’un départ fiscal ». Pourtant, le moment interroge. Car ce déménagement intervient dans un contexte où la France multiplie les signaux négatifs : instabilité fiscale, menaces de nouvelles taxes sur les entreprises et les patrimoines, climat politique tendu. Or, le fondateur historique, Jean-Baptiste Rudelle, s’est lui-même récemment illustré en soutenant la taxe Zucman, censée cibler les grandes fortunes et holdings patrimoniales. Voir aujourd’hui l’entreprise qu’il a créée partir s’installer au Luxembourg n’est pas anodin et devient même un symbole. Faut-il y voir une simple coïncidence ou un symptôme d’un malaise plus profond ? En quelques mois, plusieurs sociétés françaises ou investisseurs ont choisi de se réimplanter ailleurs en Europe. Le Luxembourg, les Pays-Bas ou l’Irlande attirent par leur stabilité juridique et fiscale, pendant que la France continue de s’enfermer dans un débat idéologique sur la « juste contribution ».
Criteo affirme ne pas fuir la France. Mais son départ, même partiel, pose une question de fond : que reste-t-il de la compétitivité fiscale et réglementaire d’un pays où le succès finit trop souvent par chercher refuge ailleurs ?