L’automne est bien installé et le grand sapin du marché de Noël trône déjà sur la place Kléber. Pas de doute, la rentrée universitaire est déjà loin. Pourtant, c’est toute l’année que les étudiant(e)s doivent jongler entre pression des études, jobs alimentaires et petits plaisirs du quotidien. À Strasbourg, on en a rencontré cinq et on leur a posé une question simple : « Comment ça va ? »
« En vrai, il y a des jours sans, et des jours avec. Parfois, je remets toute ma vie en question, et le lendemain je sais qu’il faut persévérer. » En ce mois d’octobre, Élise*, 20 ans, répond directement à la question du jour : « Comment ça va ? »
Actuellement en licence de droit, elle habite Strasbourg depuis 2024. « J’aime beaucoup cette ville, j’ai mes amies, mes habitudes, et heureusement… »
    
         © Mathilde Cybulski / Pokaa 
Il faut dire que sa rentrée n’a pas été de tout repos. Déménagement, premier job étudiant… Elle a dû s’adapter à un nouveau quotidien. « Je suis passée d’un 35 m2 à un 26 m2, car financièrement ça devenait compliqué. J’ai aussi commencé un petit boulot, parce que mes économies et la bourse du Crous ne suffisent plus à remplir le frigo, payer le loyer. »
Des choix qui ont aussi un objectif : profiter de la vie étudiante au maximum. « Ce qui est bien, c’est qu’il y a des événements gratuits ou à prix libre pour les étudiants, donc on ne reste pas chez soi h24 et on arrive à oublier un peu l’anxiété des études. »
                
            
                
            
1. © Martin Lelievre / Pokaa ; 2. © Anthony Jilli / Pokaa
Une « rentrée stressante » pour beaucoup
Sur le campus universitaire d’Esplanade, les notions d’anxiété, de stress, et même de « peur » reviennent souvent dans les réponses obtenues. À l’image de Yianis*, 19 ans : « Le moral ça va au début du mois, mais vers la fin il y a cette peur de ne pas pouvoir manger à ma faim qui existe. »
S’il est déjà aidé par deux associations étudiantes, cette situation « pèse sur le moral ». « Je ne veux pas être pris en photo pour l’article car j’ai honte, et je ne veux pas que ma famille s’inquiète. Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir vivre correctement alors que je travaille dur. »
    
         © Coraline Lafon / Pokaa 
Avant de rejoindre son prochain cours, il rajoute : « Heureusement qu’on peut compter les uns sur les autres, car nous sommes nombreux dans cette situation. »
Pour preuve, comme chaque année, l’AFGES (Association fédérative générale des étudiants de Strasbourg) a publié début septembre sa traditionnelle enquête sur le coût de la rentrée étudiante à Strasbourg. Sans grande surprise, presque tous les postes de dépenses ont augmenté, du loyer à l’alimentation, sans oublier les frais liés aux études, gardant en précarité constante les étudiant(e)s.
Mais le stress ne vient pas uniquement de l’aspect financier. Actuellement en M1 Architecture d’intérieur et design d’objet, Karl, 22 ans, a rencontré un autre problème. Étudiant à l’Institut supérieur des arts appliqués (LISAA) de Strasbourg, il ne trouve pas d’alternance. Et il n’est clairement pas le seul dans cette situation.
« À cause de ça, j’ai vécu une rentrée stressante et psychologiquement c’est dur. C’est difficile de se projeter professionnellement et personnellement dans le quotidien sans ça… » Bien que non obligatoire, sans alternance, c’est à lui de payer ses frais de scolarité, soit « 9 500 € cette année pour la tarification étudiante ».
    
         Karl. © Anthony Jilli / Pokaa 
                
            
                
            
                
            
Quelques projets de Karl. © Karl C. / Documents remis
Vivre avec ses économies, et parfois grâce à un prêt bancaire
Pour payer cette somme, Karl a utilisé son prêt bancaire : « L’année dernière, j’ai obtenu un prêt de 30 000 € pour payer la suite de mes études. Au départ, ça devait juste être une aide si besoin, et au final je suis obligé de compter dessus. »
Et pour vivre, payer son loyer, manger, il doit compter sur ses économies et ses parents : « En licence, j’ai travaillé en alternance entre Annecy et Genève, j’ai donc mis de l’argent de côté car je gagnais bien ma vie. Cet été, j’ai aussi bossé à la clinique du Diaconat-Fonderie à Mulhouse. Concernant les courses, mes parents vivent à la campagne, j’ai donc parfois des légumes du jardin et je fais mes achats près de chez eux pour payer moins cher qu’à Strasbourg. »
                
            
                
            
© Karl C. / Documents remis
Karl pointe d’autres problèmes qui sont, selon lui, illogiques : « Pour faire certains métiers, il faut parfois passer par des écoles privées. Ça ne veut pas dire que nos parents sont riches. Pourtant, je n’ai pas le droit à la bourse du Crous et à d’autres avantages qui en découlent et qui pourraient être précieux. »
Pour autant, celui qui veut devenir architecte d’intérieur reste optimiste ! « Il y a de la remise en question, mais ce métier je veux le faire depuis mes 9 ans, donc je veux y arriver. » S’il ne trouve pas d’alternance, il compte faire des concours de design, pour gagner des prix et surtout de la visibilité, et faire des stages. D’ailleurs, si jamais vous cherchez un alternant motivé dans ce domaine, vous pouvez cliquer ici.
    
         Un autre projet de Karl. © Karl C. / Document remis 
Motivé, c’est aussi un mot qui définit bien Emilio, 28 ans, originaire de Mexico. Étudiant international, il est arrivé à Strasbourg il y a un peu plus de deux mois avec ses économies. Son objectif ? Perfectionner son français à la faculté des langues, au sein du pôle FLE.
« Le moral ça va super car étudier en France était mon rêve. Strasbourg est une ville très jolie, les gens sont super cool. J’aime beaucoup les colombages, et j’adore la tarte flambée », explique-t-il avec un grand sourire.
    
         © Anthony Jilli / Pokaa 
                
            
                
            
1. © Bastien Pietronave / Pokaa ; 2. © Anthony Jilli / Pokaa
Concernant sa rentrée, le constat n’est pas très différent : « C’était un peu stressant, surtout l’administratif, mais ce n’était pas chaotique, et les premiers cours se sont très bien passés. »
Il faut dire qu’il n’a pas vraiment vécu « un choc culturel », bien que la vie au Mexique soit très différente. Non seulement il est passé par un lycée franco-mexicain, mais en plus sa mère a aussi fait des études en France, « j’ai donc grandi avec Dorothée et Aznavour ». Ce qui explique aussi son bon niveau en français.
Financièrement parlant, Emilio a été prévoyant. Il est venu avec 10 000 €, grâce à de l’argent mis de côté pendant 5 ans en travaillant. « J’ai choisi Strasbourg car la vie coûte moins cher qu’à Paris, et je veux aussi apprendre l’allemand, donc être à la frontière c’est super. »
Mais pour étudier à la fac, il a quand même dû débourser 3700 €. Un montant qui l’oblige à respecter un certain budget : « Je fais attention quand je fais mes courses, quand je sors avec mes amis. Mais j’ai quand même acheté un vélo ! » Trouver un job étudiant est aussi dans ses plans.
    
         © David Levêque / Pokaa 
Le job étudiant est sur toutes les lèvres
À l’instar d’Emilio et d’Élise*, de nombreux/ses étudiant(e)s doivent trouver un job alimentaire pour vivre correctement. Selon l’Observatoire national de la vie étudiante, en 2022, 40% travaillaient en parallèle de leurs études. C’est aussi le cas de Lise, 21 ans, actuellement en troisième année de licence Arts du spectacle, parcours médiation culturelle.
« Après mes études, mon métier consistera à créer du lien entre les publics et les structures culturelles (musées, théâtres, cinémas) », précise celle qui est arrivée à Strasbourg en 2022.
    
         © Anthony Jilli / Pokaa 
Elle poursuit : « Pour le moment, ça va bien, c’est cool de retrouver la fac, mais surtout de revoir les amies, car elles comptent beaucoup pour moi. » Née en Alsace, Lise a surtout vécu en Bretagne et dans le sud de la France, dont en Corse. Elle a même été réserviste dans l’armée de l’Air pendant deux étés, avant son déménagement dans la capitale alsacienne. « J’ai déjà eu 1000 vies selon mes proches », précise-t-elle en riant.
De l’expérience qui permet à la jeune femme de toujours faire face aux imprévus, dont le dernier en date : la disparition de sa bourse au mérite, soit 100 € chaque mois. « Je ne savais pas que sa durée maximale était de trois ans, et en parallèle, ma bourse du Crous a aussi baissé pour atteindre 382 € par mois. »
    
         © Coraline Lafon / Pokaa 
Pour s’en sortir financièrement, et notamment payer son loyer de 500 €, elle est vacataire à l’Université de Strasbourg et « quasiment tous les week-ends, je bosse dans un resto pour avoir à la fin du mois 500/600 € en plus ».
Une situation pas simple, qui demande de l’organisation. « Par exemple, dans mon cursus on nous encourage à faire des stages. Pendant mes vacances, je dois donc choisir entre le job alimentaire et faire un stage. Ça a donc forcément des conséquences sur mes études et ça crée des inégalités entre étudiants. »
    
         © Bastien Pietronave / Pokaa 
« Je sais que ma situation n’est pas la pire »
Lise fait aussi de son mieux pour mettre de l’argent de côté avec plusieurs objectifs, comme profiter de la vie culturelle strasbourgeoise, payer son permis de conduire et aller voir sa famille dans le sud. Sur le premier point, elle rajoute : « Mes études font que je dois aller voir de nombreux spectacles dans l’année. J’adore ça mais c’est aussi un budget. Heureusement qu’il y a la Carte Culture. »
Et son grand projet, c’est de rejoindre son petit ami qui vit en Andalousie. Elle souhaite d’abord trouver un job alimentaire sur place pour améliorer son espagnol pendant un an, avant de faire une équivalence universitaire.
    
         © Coraline Lafon / Pokaa 
Elle expose également : « Je sais que ma situation n’est pas la pire. Je ne me prive pas trop mais c’est aussi parce que j’ai des petits jobs et que mes parents peuvent m’aider. » Avant de conclure : « Si certains étudiants qui lisent cet article se sentent seuls, il ne faut pas hésiter à se tourner vers des associations. »
Ça tombe bien, voici une petite liste d’associations et de structures qui viennent en aide aux étudiant(e)s à Strasbourg :
Et pour les personnes concernées, on vous souhaite une belle année universitaire et on vous envoie beaucoup de courage !
*Les prénoms ont été modifiés