Il y a 10 ans sortait « Le Monde Chico », l’album de PNL qui a changé le visage du rap français.
On est en 2025, et il y a encore des gens qui attendent le retour de PNL avec un nouveau projet. Et s’il y a aujourd’hui autant de gens qui attendent leur retour comme celui de Zizou en 2005, c’est en très grande partie grâce à « Le Monde Chico ». Un album sorti en 2015, qui a fêté ses dix ans il y a quelques jours et qui a giflé le rap français, de manière durable. Alors pour l’anniversaire du projet, on va revenir sur le projet, et vous dire pourquoi c’est le meilleur album du groupe. Oui oui, « fâchez-vous comme vous voulez je m’en fous ».
La France découvre PNL
On le sait, surtout chez les rappeurs, le premier album a quelque chose de plus « marquant », de plus « brut », authentique. le rappeur est moins dans la recherche de sophistication artistique et beaucoup plus dans le « vider ce qu’il a sur le cœur », ce que les deux frères des Tarterets ont très bien su faire sur ce premier album. Toutefois, ce n’est pas leur premier projet : la mixtape « Que la famille » sortait quelques mois avant « Le Monde Chico ». Mais elle n’a pas du tout eu la même résonnance que l’album, qui a provoqué un véritable séisme dans le rap français, et même dans la France entière.
Notamment d’un point de vue visuel. Car évidemment, le succès de PNL passe aussi par l’image, par les clips notamment. Et c’est à ce moment que le groupe du 91 décide d’ailleurs « lancer » la mode des clips tournés au drone dans des environnements inhabituels : l’Islande pour « Oh La La », mais aussi, et surtout, « Le monde ou rien » dans le quartier de La Scampia, lieu de tournage de la célèbre série Gomorra. Ils ont d’ailleurs devancé SCH de peu, sur ce coup.
Et d’un autre côté, c’est aussi là que la France découvre le talent de PNL pour le story-telling en images (« Plus Tony Que Sosa »). Un élément qui sera important pour la suite de leur carrière. Mais bref, c’est à ce moment que PNL change les codes esthétiques du rap : la coupe de cheveux d’Ademo ou de Nos s’est retrouvée sur la tête de tous les ados de quartier, et depuis, la mode n’a finalement pas beaucoup changé.
Gifle musicale et lyricale
L’autre aspect qui fait que cet album PNL est un vrai classique du rap français, c’est évidemment la qualité de la musique. Jusqu’en 2015, la quasi-totalité des artistes qui utilisaient l’autotune réglaient le bail très mal. On ne sait pas comment ils se démerdaient, mais ça sonnait faux, la voix tremblait, c’était criard, et PNL sont presque les premiers à avoir réglé ça de manière « juste ». En vrai, c’est presque eux qui ont réussi à faire accepter l’autotune a tout le monde.
Cette utilisation de l’autotune donne immédiatement un côté mélancolique à l’ensemble du projet, et ça tombe bien : c’est presque le thème principal de l’album. Au-delà de l’ambition affichée par les deux frères Andrieu, qui veulent « Le monde chico », le sentiment qu’on retrouve le plus, c’est la mélancolie, avec les mêmes scènes, les mêmes gestes répétés tous les jours, les mêmes clients, les mêmes BACeux, les mêmes 20 balles servies, les mêmes rêves, les mêmes frustrations. Ce sont les premiers artistes à explorer vraiment à fond cet aspect de la vie de banlieue : les journées qui se ressemblent, sans perspective de changement, dans « Tempête », dans « J’vends », l’incroyable « Porte de Mesrine ».
Les prods, planantes elles aussi, feront d’ailleurs que certains parleront de « cloud rap à la française » pour qualifier le rap de PNL. Mais c’est l’aspect lyrical qui est le plus marquant de cet album : un mélange entre dégoût, déprime, puis détermination à tout prendre, tout en parlant beaucoup de foi, de spiritualité, de démons intérieurs, de rage qui leur dévore le bide comme dans « Mexico », « Abonné », « Dans la soucoupe ». Il y a clairement, dans cet album, des morceaux qui bouleversent tellement l’âme que vous vous rappelez où est-ce que vous étiez quand vous avez écouté ça pour la première fois.
Mentalité « Que La Famille »
On a donc fait le tour du sujet « mélancolie », un mood duquel le rap français n’est toujours pas sorti dix ans plus tard. Le nombre de rappeurs qui sont en mode « mélo + autotune + mélancolie » est devenu immense, mais ils le font tous moins bien qu’eux. Mais un autre élément qui a fait le succès du groupe, c’est leur manière de fonctionner. Une manière clanique, familial, avec ce slogan « QLF » qui devient un mantra, le tout en indépendance, à l’écart des maisons de disques.
Jusque dans leurs clips, on voit énormément de gars de Corbeil, et surtout, on retrouvera les mêmes têtes tout au long de l’odyssée PNL, dans leurs clips. Le fait que cet album sorte sans aucune promo, sans interview, et fasse des scores aussi impressionnants, a donné une grosse leçon à toute l’industrie. Et ça a surtout montré à plein d’artistes que c’était possible en 2015, de complètement se passer des circuits traditionnels pour vendre sa zik.
Alors oui, musicalement, peut-être que les prods de « Le Monde Chico » sont peut-être moins évoluées que celles des albums qui vont suivre. Mais elles introduisent une véritable révolution musicale dans le rap game, et surtout, ça donne un côté brut et authentique à l’album, plus sincère peut-être, moins calculé. Et les artistes ne sont jamais meilleurs que lorsqu’ils cherchent juste à balancer ce qu’ils ont sur le cœur sans calcul. Alors merci pour cet album, les Deux Frères, on espère que la retraite se passe bien !