Dans le dossier du « Système de combat aérien du futur » (Scaf), appelé avion de combat du futur, on était plutôt habitués, jusqu’ici, aux coups de gueule du PDG de Dassault, Éric Trappier. C’est maintenant au tour du patron d’Airbus de monter au créneau : « S’ils [Dassault] ne sont pas satisfaits de ce qui a été décidé et qu’ils ne sont pas d’accord pour continuer dans cette configuration, ils sont libres de décider de quitter le Scaf », a déclaré Guillaume Faury au cours d’une conférence de presse à l’occasion des résultats trimestriels, la semaine dernière.

Éric Trappier avait déclaré fin septembre qu’il était capable de développer l’avion de sixième génération « tout seul », faisant peser une menace sur le programme qui doit entrer en 2026 dans une phase concrète du démonstrateur.

« Nous sommes plus compétents dans l’aviation de combat en France qu’en Allemagne »

Les deux industriels français et franco-allemand s’opposent sur la gouvernance du pilier numéro un du projet, celui qui consiste à fabriquer l’avion de chasse de sixième génération NGF (New Generation Fighter). Dassault a été désigné leader de cette partie, mais toute décision doit être prise de façon paritaire avec les deux autres partenaires, Airbus et Indra. Éric Trappier réclame ainsi « un vrai leadership », c’est-à-dire que Dassault récupère a minima 51 % de cette partie du projet, sachant que le Scaf comporte deux autres piliers, un drone et un cloud de combat. Mais pour les deux autres partenaires du projet, les accords initiaux doivent être respectés.

« Je ne dis pas que je ne veux pas du Scaf ni des Allemands, s’est défendu de son côté Éric Trappier dans les colonnes du Monde, il y a quelques jours. On doit faire le Scaf si on veut une Europe compétitive et forte. Je dis simplement qu’il faut faire le choix de la compétence […] or nous sommes plus compétents dans l’aviation de combat en France qu’en Allemagne ».

Interrogé la semaine dernière par 20 Minutes sur cette question, Elie Tenenbaum, directeur du centre d’études de sécurité à l’Ifri (Institut français des relations internationales), estime de son côté que « la question centrale dans ce dossier, c’est qui va acheter cet avion ? » « La raison pour laquelle ce projet se fait en coopération entre trois pays, c’est parce que la France n’a pas le marché, seule, pour amortir les coups de développement. Si demain Dassault fait un avion seul, et que la France est seule à l’acheter, cela risque de ne pas être rentable. Aujourd’hui, le problème, c’est de faire ensemble. Mais tout se tient. »

Les gouvernements cherchent à trouver un accord

« Je ne veux pas réduire le système de combat du futur aux difficultés que nous rencontrons avec notre partenaire sur l’avion », a souligné par ailleurs Guillaume Faury. Et, malgré ces divergences, les gouvernements français, allemand et espagnol cherchent à trouver un accord d’ici la fin de l’année, alors que le Scaf a pour ambition de remplacer le Rafale en France et l’Eurofighter en Allemagne et en Espagne à l’horizon 2040.

Notre dossier sur l’armement

Le Scaf est sous pression pour accélérer son développement face au projet rival du Global Combat Air Programme (GCAP), entre le britannique BAE Systems, l’italien Leonardo et le japonais Mitsubishi Heavy Industries.