Vous serez à Rennes dimanche pour courir le Rennes Urban Trail. Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre un dossard ?
Aller courir, déjà ! C’est ma deuxième passion après la voile, comme beaucoup de personnes qui ont la trentaine comme moi. Je fais beaucoup de course à pied depuis cinq-six ans, je me suis mis au trail à fond et, dès que j’ai l’occasion de prendre un dossard, je le fais.
La différence, c’est que là, vous revenez de votre premier Vendée Globe…
Oui, la forme physique n’est pas exceptionnelle, surtout pour de la course à pied parce que je n’ai pas utilisé mes jambes pendant trois mois. Sur un bateau, on ne marche pas beaucoup. Je n’y vais donc absolument pas pour viser une performance, mais surtout pour aller voir mes colloques Lazare, l’association (qui crée des colocations solidaires entre sans-abri et jeunes actifs) pour laquelle je courais sur le Vendée Globe. Je vais les voir un peu partout en France. On va courir ce trail ensemble, sur le 14 km.
14 km, c’est une distance habituelle pour vous ?
Non, je suis plutôt sur des distances plus élevées, autour de 30 km. Je suis plus endurant que rapide. 14 km n’est pas une distance qui me fait peur. Par contre, je ne courrai pas du tout au rythme des experts de la discipline.
Avez-vous un objectif sur cet urban trail ?
Non, je n’ai aucun objectif de temps. Je suis arrivé du Vendée Globe il y a deux mois et demi, j’ai perdu huit centimètres de tour de cuisse et quatre centimètres de tour de mollet, sans parler de la forme physique et de la fatigue. Je ne suis vraiment pas très en forme. À l’époque où j’étais en forme, j’aurais pu viser une heure. Là, si j’arrive à le faire en 1h15, je serai content.
J’ai un peu le corps d’un gars qui aurait passé trois mois à manger des chips dans son canapé.
C’était votre premier Vendée Globe. Comment êtes-vous sorti de ce tour du monde ?
C’était très dur. On dit qu’il faut une année pour se remettre du Vendée Globe, à la fois physiquement et psychologiquement. Sur le plan physique, j’ai perdu tous mes muscles au niveau des jambes, une partie de ma masse musculaire dans tout le corps, qui s’est transformé en gras. C’est assez étonnant, mais comme on mange beaucoup pour tenir la fatigue et qu’on est allongé la plupart du temps, le corps fait un peu de gras. Et comme j’ai tendance à stocker, j’ai un peu le corps d’un gars qui aurait passé trois mois à manger des chips dans son canapé.
Quand avez-vous repris le sport ?
Je me suis remis à courir tout de suite, mais il faut y aller progressivement. Émotionnellement, il y a une grosse fatigue car pendant trois mois, j’ai été sur le qui-vive en permanence et j’ai très peu dormi. Quand on lâche la pression, la tête et le corps disent stop. Depuis que je suis arrivé, je fais une demi-heure de sieste toutes les après-midi, ce que je ne faisais pas avant, mais je n’arrive pas à tenir sinon. On est un peu comme des cosmonautes qui reviennent de l’espace, la fatigue en plus due au manque de sommeil.
(Le Télégramme/Romain Leroux)Comment s’est passée la reprise du sport ?
J’ai repris la course à pied trois ou quatre fois par semaine, mais je me suis blessé au dos, aux adducteurs. C’est le risque quand on en fait trop, trop vite. Il faut laisser au corps le temps de se remuscler. J’ai un gros objectif en juillet, la Pierra Menta été, dans les Alpes (environ 30 km par jour avec 3 000 m de dénivelé positif chaque jour). Je me suis dit que faire un trail sur une distance médium fin avril était très bien pour se remettre dedans.
La course à pied a-t-elle fait partie de votre préparation au Vendée Globe ?
Oui, complètement. C’est un sport endurant et le Vendée Globe, c’est de l’endurance pure. Et puis c’est un plus pour le cardio car les manœuvres font beaucoup travailler le cœur. J’allais aussi à la salle pour bosser le reste. Mais la course à pied sert aussi surtout sur le plan psychologique. Quand on prend un dossard sur une course à pied, on passe un peu par tous les états psychologiques, avec de l’euphorie, de la détresse. On vit toutes les émotions d’une vie dans un trail, ça prépare psychologiquement à ce qu’on va affronter sur un Vendée Globe. Le fait de ne rien lâcher et se dire que les meilleurs moments arriveront, on vit ça en course à pied et aussi sur un Vendée Globe. Ça m’a beaucoup aidé.
La course à pied est ma bouffée d’oxygène dans mon quotidien, même si j’ai un quotidien super sympa car ma vie, c’est de faire du bateau. Mais quand ça devient un métier, on a la pression et quand je vais courir, c’est uniquement du plaisir.
Quel rapport avez-vous à la course à pied aujourd’hui ?
C’est une vraie passion. Je n’en fais pas ma vie comme la mer et la voile car je ne suis pas assez bon et je ne pourrai pas vivre de ça. C’est ma bouffée d’oxygène dans mon quotidien, même si j’ai un quotidien super sympa car ma vie, c’est de faire du bateau. Mais quand ça devient un métier, on a la pression et quand je vais courir, c’est uniquement du plaisir. Je suis capable de ne pas aller courir pendant plusieurs jours, mais il faut que j’aie mes deux-trois sorties dans la semaine, sinon je ne me sens pas bien. Mais je me considère comme un coureur du dimanche, je ne suis pas un grand coureur. Je n’ai aucune référence. Le meilleur temps que j’ai fait, c’était sur le semi-marathon de Paris, en 1 h 25. Je visais 1 h 45, alors j’étais content !
Vous n’êtes pas le seul skipper du Vendée Globe passionné de course à pied. Romain Attanasio court beaucoup et Maxime Sorel va courir l’UTMB par exemple. Comment expliquez-vous cette connexion entre les deux disciplines ?
Je pense que les marins du Vendée Globe sont attirés par toutes les épreuves d’ultra-endurance. Nous, on considère qu’on fait de l’ultra-endurance dans notre sport.
Votre compagne Clarisse Crémer (11e du dernier Vendée Globe) partage-t-elle cette passion avec vous ?
Oui, c’est elle qui m’a mis à la course à pied, elle faisait beaucoup d’athlétisme plus jeune et elle court beaucoup. Mais elle n’aime pas trop prendre des dossards.
Quelle course vous fait rêver ?
J’aimerais bien faire l’UTMB. Là, je n’ai pas le temps car je veux passer du temps avec ma petite fille, mais un jour je me préparerai pour ça.