À 12 ans, il dessinait comme Raphaël. À 85 ans, il dessinait comme nul autre. Présentée dans les deux espaces de la galerie de l’Institut, à Paris, l’exposition « Picasso. Dessin 1903–1972 », accessible en entrée libre, retrace l’étonnante trajectoire du génie espagnol.

Sur les cimaises au 3 bis rue des Beaux-Arts et au 16 rue de Seine (6e arrondissement de Paris), une centaine de dessins – dont 70 % n’ont jamais été montrés au public depuis plus d’un demi-siècle – esquissent le portrait d’un artiste qui n’a cessé de désapprendre pour mieux réinventer : « J’ai mis toute ma vie à savoir dessiner comme un enfant », disait Picasso.

De l’académisme au trait libre

Le dessin, chez Picasso, n’est pas une fin, mais un processus de libération permanent.

Ce parcours non linéaire commence à Barcelone, période bleue, où le jeune Pablo maîtrise déjà tous les codes. Son père, professeur obsédé par sa carrière, le destinait à devenir un artiste officiel, un académicien respecté. Les Demoiselles d’Avignon (1907) vont horrifier ce paternel qui ne comprendra jamais que son fils était en train d’accomplir précisément ce qu’il avait énoncé : désapprendre la perfection pour retrouver l’essentiel.

Pablo Picasso, Autoportrait assis

Pablo Picasso, Autoportrait assis, 1917

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Crayon sur papier • 33,5 × 23,5 cm • © Succession Picasso 2025

Le dessin, chez Picasso, n’est pas une fin, mais un processus de libération permanent. Fusain, craie, encre, crayons de couleur – tous les médiums lui sont bons. Il excelle sur tous les supports : papier, toile, nappes de restaurant, enveloppes. Son œuvre graphique colossale décloisonne les styles avec une liberté et une soif d’imagination d’enfant qui découvre le monde.

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Toutes les périodes sont esquissées

L’exposition de la galerie de l’Institut déploie chronologiquement ces moments de rupture : 1917 et Parade, ce ballet scandaleux au rideau classique mais aux costumes absolument cubistes où coexistent ordre et chaos ; les années 1920–1930 où se dessine l’influence surréaliste avec une charge très érotique. On passe d’un dessin de figures étranges et mystérieuses aux portraits d’Olga Khokhlova, puis à ceux de Marie-Thérèse Walter dont le profil stylisé se réduit à une ligne pure.

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Jacqueline, l’ultime muse

Pablo Picasso, Jacqueline aux jambes repliées

Pablo Picasso, Jacqueline aux jambes repliées, 5 octobre1954

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Fusain et préparation sur toile • 92,5 × 73 cm • © Succession Picasso 2025

Chaque femme fut un nouveau monde à explorer. Mais c’est Jacqueline Roque qui occupe la place d’honneur de cette exposition. Au 16 rue de Seine, 50 % des œuvres lui sont consacrées. Rencontrée à l’été 1952, épousée en 1961, Jacqueline fut la compagne des 20 dernières années de Picasso.

Dans Jacqueline aux jambes repliées (1954), le fusain capte une intimité bouleversante. L’œuvre, dédicacée « pour ma chère Jacqueline », montre un Picasso amoureux qui offre son art comme on offre son cœur. Plus extraordinaire encore, la série de sept Femmes endormies de 1957 aux crayons de couleur, où le corps abandonné au sommeil devient paysage de tendresse. Il y a aussi le regard de Jacqueline, dont la ressemblance avec les Femmes d’Alger d’Eugène Delacroix est frappante, et qui semble ainsi raviver le dialogue avec les maîtresGreco, Vélasquez, Rembrandt.

Ponctué de photographies personnelles, le parcours de cet accrochage exceptionnel s’achève comme il commence : dans l’intimité d’un homme qui n’a jamais cessé de créer pour vivre. Ces dessins révèlent un Picasso octogénaire d’une vitalité stupéfiante.

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Picasso. Dessin 1903-1972

Du 22 octobre 2025 au 20 décembre 2025