Par
Laurène Fertin
Publié le
4 nov. 2025 à 6h32
Le bâtiment est flambant neuf et a accueilli ses premiers patients lundi 17 mars 2025. Le nouveau centre chirurgical et interventionnel (CCI) du CHU de Rennes regroupe plusieurs disciplines, médecins et personnel paramédical sur huit niveaux – auparavant répartis de façon différenciée sur le site de Pontchaillou*. Depuis son ouverture, différents services sont déjà en grève, et ce, depuis plusieurs mois.
« Être performants rapidement »
« Les premières grèves ont démarré au mois de juin/juillet », indique un(e) infirmier(ère)** du CCI, auprès de la rédaction d’actu Rennes. « Désormais, c’est au tour des services de chirurgie, d’urologie et d’ORL, situés au 6ᵉ étage, de faire grève. » Celui de la réanimation chirurgicale, situé en dessous, n’est pas en reste non plus. « Les difficultés sont en réalité à tous les étages », résume ce personnel.
Le constat est clair : un manque d’effectifs, du personnel paramédical « de plus en plus fatigué » et de nouvelles pathologies à savoir soigner, « rapidement ».
Les infirmiers ou les aides-soignants doivent désormais s’occuper, par exemple, de nouvelles pathologies dans le service de chirurgie digestive. Or ces personnels para-médicaux étaient situés auparavant sur le secteur de la réanimation.
Un(e) infirmier(ère) du CCI
Les pathologies sont lourdes et les patients, « très demandeurs et parfois instables » : « ce sont de grosses difficultés de soins auxquelles nous devons répondre vite et où nous devons être performants tout aussi vite », résume cet(te) infirmier(ère).
Peu de formations
En bref, les personnels ont été mobilisés « de façon linéaire » dans les différents services, « sans tenir compte des spécialités ».
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C’est d’ailleurs l’un des points soulevés par FO, l’un des partenaires sociaux engagés auprès du personnel – CGT en tête. « Il n’y a pas eu de formations au préalable avant d’ouvrir le CCI », indiquent de concert Sabrina Marotin et Christophe Duval, représentants du personnel chez FO.
Nous avions partagé nos craintes auprès de la direction mais celle-ci souhaitait attendre un premier retour d’expérience une fois le CCI ouvert et fonctionnel. On nous disait que tout irait bien.
Sabrina Marotin et Christophe Duval
Représentants du personnel
C’est sans compter le bâtiment, en lui-même, qui apporte son lot de nouveautés. Il faut savoir s’y repérer, « c’est une mécanique psychologique pour se mettre en pratique, pour s’orienter et s’adapter dans un nouvel environnement », précise l’infirmier(ère).
Le centre chirurgical et interventionnel (CCI) en chiffres
Le CCI regroupe l’ensemble des activités de médecine, de chirurgie et d’obstétrique, avec :
– 50 000 mètres carrés répartis sur 8 niveaux dont 6 étages ;
– Un bloc de 55 salles : 36 salles opératoires, 14 salles interventionnelles dont 2 hybrides et 5 salles d’endoscopie ;
– 1 centre de chirurgie ambulatoire et interventionnelle de 60 places ;
– 240 lits d’hospitalisation de chirurgie ;
– 108 lits de soins critiques ;
– 1 hélistation sur le toit ;
– 1 forum médico-soignant dédié aux professionnels.
« Une infirmière pour 15 patients la nuit »
Ces difficultés s’ajoutent au manque d’effectifs, qui impacte la prise en charge des soins, en particulier la nuit. Selon cet(te) salarié(e) en grève, « les agents de nuit peuvent parfois se retrouver avec 15 patients » : un nombre bien trop élevé au regard des missions à remplir.
C’est sans doute naïf, mais nous pensions que ces locaux tout beaux tout neufs allaient pouvoir nous rendre le travail plus facile. Pourtant, dans les différents services, les effectifs ont toujours été remis en question… Nous savions que nous allions rencontrer encore et toujours le même problème.
Un(e) infirmier(ère) du CCI
Selon FO, avant la création du CCI, un binôme (composé d’un infirmier et d’un aide-soignant) devait s’occuper de huit patients en service de chirurgie digestive. « Avec le CCI, ce nombre est monté à dix patients », illustre Sabrina Marotin. « Qui plus est, la direction estime que ce ne sont pas les compétences qui prévalent dans la prise en charge des malades, mais la sécurité de ces derniers : si un binôme peut être composé, alors c’est suffisant. »
« On doit encore bidouiller »
Si de son côté le CHU parle de « plein-emploi » auprès des salariés – c’est-à-dire qu’aucun poste n’est à pourvoir -, « les arrêts sont fréquents dans plusieurs services », relève notre témoin.
Il est difficile de trouver du monde pour remplacer les absents. On fait alors venir des agents sur les journées de repos, parfois les nuits alors qu’ils ont travaillé de jour… Bref, on doit encore bidouiller, on tire encore une fois sur la corde des soignants.
Un(e) infirmier(ère) du CCI
Résultat, « beaucoup de turn-over », indique FO, et des nouvelles recrues « qui sont de jeunes professionnels, venant d’être diplômés », complète Christophe Duval.
« Désabusé »
Après plusieurs mois de mobilisation, quelle sera la suite de ces mouvements de grève ? Sabrina Marotin évoque un personnel « désabusé » qui « ne se met plus forcément en grève ». « Je les ai rencontrés il y a plus d’une semaine, les salariés sont tous et toutes fatigués. Ils sont déjà à flux tendu… »
Un bilan global est par ailleurs attendu par le personnel paramédical, « un bilan qui devait arriver dans les six mois après l’ouverture du CCI », souligne Sabrina Marotin, « et qui n’est pas là ».
La direction du CHU de Rennes, contactée par la rédaction, n’a pas répondu à nos sollicitations.
*Neuf sites chirurgicaux et trois sites interventionnels, neuf plateaux d’imagerie et onze unités de soins critiques.
**L’anonymat a été demandé.
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