« Ce n’est pas une exposition historique sur ce qu’était le camp de Mauthausen », avertit d’emblée Claude Simon, président de l’Amicale Mauthausen, amicale nationale des déportés, familles et amis de Mauthausen et ses kommandos. Si cette association, née en octobre 1945 de la volonté des rescapés français et espagnols et perpétuée par les familles et des passionnés d’histoires, a mis au point cette exposition « La part visible des camps », c’est pour donner à voir les photos et images de ce camp autrichien libéré le 5 mai 1945.

Il faut savoir que les SS avaient mis en place un système d’identification des détenus, avec des fiches extrêmement précises, à des fins pratiques. Cela nécessitait notamment de les photographier. Et l’histoire singulière de Mauthausen a permis à une grande quantité de photographies d’être conservée, comme l’explique Claude Simon. « Dès 1940-1941, le camp, qui concentre alors quasi uniquement des Allemands et des Autrichiens, voit arriver des Espagnols, qui ont tous une expérience historique de la lutte et de la résistance. Et ils vont créer une organisation clandestine au sein du camp. »

Parmi les détenus, des photographes sont réquisitionnés par les nazis. Des Polonais et des Espagnols, dont Francesc Boix, qui a très tôt l’idée de tenter de conserver des photos. Cachées un temps, elles doivent être sorties du camp pour être véritablement protégées.

Un kommando amené à sortir de l’enceinte de Mauthausen pour tailler des pierres à la carrière de granit voisine va offrir la possibilité de transmettre des milliers de photos et de négatifs à une Autrichienne, Anna Pointner, et certaines d’entre elles serviront, lors du procès de Nuremberg, à prouver la présence de hauts responsables nazis sur place, dont Albert Speer. « Ils ont eu très tôt la conscience historique que ces photos étaient des éléments de construction de la mémoire du camp », souligne Claude Simon.

Apprendre à regarder une photo

C’est cet héritage que l’on peut voir dans cette exposition, à travers une trentaine de panneaux installés dans le hall de la bibliothèque de l’Arsenal, au sein de l’université Toulouse-Capitole. Pour Marcel Marty, conservateur en chef de la bibliothèque, « il est important que les jeunes voient cela. Nous allons aussi accueillir des collégiens et des lycéens. Par ailleurs, proposer ce type d’expositions accroit notre rôle de bibliothèque publique, ouverte à tout le monde. »

« Le public étudiant est évidemment un interlocuteur privilégié puisqu’ils ont à approfondir leur conscience civique », approuve le président de l’Amicale Mauthausen, pour qui il est important, en tant qu’association, de répondre aux sollicitations.

Au fil des panneaux, on découvre ainsi des photos prises par ou pour les SS, mais aussi des photos prises par Francesc Boix à la libération du camp et d’autres prises par les soldats ou journalistes américains au même moment. On peut notamment voir la vraie libération et la photo de l’événement mise en scène par l’armée américaine. « Il ne faut pas oublier que certaines photos avaient aussi un objectif de propagande », rappelle avec justesse Claude Simon. « Cette exposition est aussi un excellent apprentissage de la façon dont on doit regarder une photo : en se demandant qui l’a prise, pour qui, et dans quel but. »

Au milieu de ces portraits de détenus ou de SS, de cadavres ou d’officiers en train de bronzer, de chantiers ou de la carrière de granit, quelques objets personnels issus des camps apportent un complément et offre une ouverture vers la vie intime des détenus, loin des images qui ont traversé les années. On peut notamment y voir un uniforme, une gamelle, des couverts ou une lettre. C’est celle soi-disant écrite par Antonio Molet, que son fils Jean-Marcel a récupéré il y a tout juste 6 mois. « La Croix-Rouge souhaitait que chaque famille puisse communiquer. Mon père était en réalité déjà marié et avait des enfants et a écrit à cette famille. Mais c’est uniquement sa signature, il n’a jamais écrit cela », nous raconte-t-il. Dans un espagnol très approximatif, le document décrit en effet un quotidien pas trop difficile, loin de l’horreur véritable des camps de concentration. La propagande, là encore…