Par
Louise Boutard
Publié le
25 avr. 2025 à 7h02
Le secteur brassicole est bien développé dans la région normande. En témoigne les 123 brasseries comptabilisées sur le territoire par l’association Les Amis de la bière normande en 2024. En Seine-Maritime en particulier, la bière n’est pas boudée et les petites entreprises artisanales se développent depuis des années, mais le nombre de créations de brasseries est largement supérieur dans le département de la Manche ces derniers mois.
43 brasseries en Seine-Maritime
Les chiffres évoluent très vite et même Jean-Luc Hanin, président des Amis de la bière normande, a du mal à suivre le décompte des ouvertures et fermetures. Pour 2024, il estimait qu’on trouvait encore 43 brasseries en Seine-Maritime, 25 dans la Manche, 23 dans le Calvados, 19 dans l’Eure et 13 dans l’Orne. En ce qui concerne les créations de brasseries, elles étaient quasiment toutes dans la Manche.
Réduire la gamme, vendre le bio au prix de la concurrence : la brasserie Fabrik2bulles cherche des solutions fasse à la baisse des ventes. (©LB/76actu)
« On est dans la décroissance, on comptait 130 brasseries l’an dernier et 123 cette année », complète le spécialiste. Les microbrasseries, comme les plus grosses maisons sont en difficulté.
C’est la première année depuis qu’il a commencé à faire le décompte que Jean-Luc Hanin a vu une baisse par rapport à 2023. « C’est lié à des difficultés que l’on voit plus largement dans l’artisanat », explique-t-il. « Comme pour les produits bio, on voit qu’en cas de crise, les consommateurs retournent vers des produits conventionnels, moins chers. » Beaucoup de brasseurs peinent à se payer au niveau du Smic. « Il ne faut pas avoir des ambitions de luxe », glisse Jean-Luc Hanin.
Augmentations des coûts et chute des ventes
Suite à la guerre en Ukraine, le principal fournisseur de verre a augmenté ses tarifs de 40 %. Le prix du carton a également augmenté ainsi que le coût des énergies. Ce constat est partagé par Aurélie Bailleul, brasseuse de Fabrik2bulles installée au cœur du pays de Caux, à Amfreville-les-Champs.
La brasseuse Aurélie Bailleul de Fabrik2bulles, dans le pays de Caux, témoigne sur ses difficultés financières (©LB/76actu)
« Je suis ingénieur en agroalimentaire et j’ai toujours travaillé pour des grands groupes. Je ne me voyais plus exercer mon poste à responsabilité avec trois enfants en bas âges. J’ai découvert le monde de la bière en Basse-Normandie. Ça permettait de faire quelque chose de manuel, ça me manquait. Et puis c’étaient des investissements à taille humaine. Je me suis formée, on a trouvé ce local avec la maison en 2018 », relate Aurélie Bailleul. La première année s’avère difficile pour la brasserie, arrêtée en plein élan par le Covid. À la reprise, la petite entreprise affiche une progression avec une moyenne de 10 -12 % chaque année. Mais récemment, les difficultés reprennent le dessus.
« Depuis septembre-octobre, on accuse une baisse de 30 % », déclare Aurélie Bailleul, qui a repris un poste d’enseignante à mi-temps au lycée agricole d’Yvetot. « Mon mari a été obligé de reprendre un poste à 100 %, parce qu’on ne peut pas se dégager de salaire, à part mon alternante, mais on a des aides. »
« Avec toutes les brasseries qui ferment, ça ne vaut plus rien… »
Le prix du verre et celui du carton ont rongé peu à peu la trésorerie. « Sur les énergies on avait signé un contrat juste avant, ce qui a permis de réguler. Mais petit à petit, ce qu’on avait budgétisé au départ ne correspond plus à notre réalité ». La brasseuse avait misé sur le bio.
Le houblon aussi a augmenté. Mais le bio n’est pas valorisé, on est obligé de faire les mêmes prix que tout le monde, sinon on ne vendrait pas.
Aurélie Bailleul
Brasseuse Fabrik2bulles
Pour la brasseuse le problème principal est la chute des ventes. « Les gens désertent les petits commerces. » Elle se voit obligée de réduire la gamme, qui comptait 13 bières et 3 softs, avec limonade et toniques. « Les gens font attention à leur budget et dès qu’un bar ouvre, les grosses marques leur mettent le grappin dessus et on ne peut pas s’aligner sur leurs offres. »
Aurélie Bailleul peine à dégager un salaire avec son travail à la brasserie Fabrik2bulles près d’Yvetot. (©LB/76actu)
Même de revendre le matériel, n’est pas envisageable « avec toutes les brasseries qui ferment ça ne vaut plus rien… » Impossible même de revendre le commerce pour limiter les dégâts. « On est engagés jusqu’en 2028 sur les investissements qu’on a faits. Une fois passé ça, pourra permettre de se payer des salaires pour nous, ça ira mieux… Si l’on tient jusque-là. En attendant, on n’a pas de vacances, pas de repos. »
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