Par

Nicolas Gosselin

Publié le

25 avr. 2025 à 6h40

Dimanche 20 avril 2025, la mort d’un homme de 27 ans dans une violente collision avec un camion à contresens sur la rocade de Bordeaux a ravivé quelques inquiétudes, voire de la colère, chez les automobilistes habitués à devoir cohabiter tant bien que mal sur cet axe emprunté par 19 000 poids lourds au quotidien, dont une grande partie en transit. Depuis plus de dix ans, un projet de grand contournement est régulièrement évoqué par les élus de Bordeaux Métropole mais pour le moment, le dossier est rangé au fond d’un tiroir. On vous explique pourquoi.

« Ne parlez pas de grand contournement, c’est tabou », coupe Patrick Bobet (LR), l’ex-président de Bordeaux Métropole, interrogé par actu Bordeaux. « Quand ça ne marche pas, il vaut mieux changer de nom. Puis, c’était un peu grandiloquant, on n’a pas choisi le meilleur vocable », développe-t-il.

« Un plat de nouilles renversé sur la table »

Certes, mais le problème est ailleurs. À l’heure où le chantier de l’autoroute A69 entre Castres et Toulouse a été arrêté par la justice, les projets autoroutiers n’ont pas vraiment la cote en France. Le leader de l’opposition métropolitaine le sait.

Le projet de contournement doit être profondément remanié par rapport aux versions initiales pour avoir une chance d’aboutir. « Quand on a commencé à en parler à l’époque d’Alain Juppé, il y avait plusieurs itinéraires proposés : ça ressemblait à un plat de nouilles renversé sur la table. »

De là à dire qu’il était indigeste, c’est tout comme : « Le projet était trop ambitieux, il aurait nécessité de créer ex nihilo une nouvelle autoroute et d’exproprier trop de monde », analyse Patrick Bobet, qui dit privilégier désormais un projet de barreaux autoroutiers entre l’A62 et l’A63 et entre l’A65 et l’A89. « On transformerait des départementales existantes en 2×2 voies. Ce serait moins perturbant pour la population autour. »

Alain Anziani à la relance

En 2023, le socialiste Alain Anziani – encore président de Bordeaux Métropole à l’époque – avait remis le dossier sur la table. Avec le maire de Libourne (ex-PS), les deux élus avaient convoqué la presse pour relancer le tronçon Langon-Mussidan, souvent évoqué. Mais depuis, Anziani a eu de sérieux problèmes de santé et a fini par démissionner de son poste.

Résultat : le projet de contournement semble de nouveau tombé aux oubliettes. « Je ne crois pas que Christine Bost (ndlr : qui a succédé à Anziani en 2024) y soit hostile. L’hostilité vient des Verts, très clairement. » Dans la majorité actuelle, les socialistes sont ouverts au débat sur le contournement mais les écologistes ont toujours été défavorables à ce projet.

Confirmation avec Clément Rossignol-Puech (EELV). Le vice-président métropolitain délégué aux Stratégies des mobilités justifie sa position auprès d’actu Bordeaux par « des enjeux environnementaux, financiers et de solidarité territoriale ».

« C’est infinançable » selon Clément Rossignol-Puech

« Premièrement, on doit lutter contre l’artificialisation des sols. Deuxièmement, je pense que c’est infinançable, sachant que la Région et le Département ne mettront pas un sous là-dedans. On a déjà un débat sur un projet de métro à deux milliards d’euros et on veut rajouter un contournement à plusieurs milliards ? Enfin, ce projet revient à exporter les nuisances de la Métropole sur les territoires environnants », développe-t-il.

Mais que fait-on alors ? Depuis l’ouverture des frontières de l’Union européenne, le transport routier de marchandises n’arrête pas d’augmenter sur la rocade de Bordeaux. « Au cours des dix dernières années, il augmente en moyenne deux fois plus vite que la population », souligne une étude de la DREAL et du Cerema publiée en 2019.

Dans un précédent article d’actu Bordeaux, un officier de la CRS autoroutière Aquitaine soulevait d’ailleurs un paradoxe : « Le trafic a considérablement augmenté mais les infrastructures n’ont pas suivi. » Cette hausse est très marquée entre l’échangeur de l’A63 et l’échangeur de l’A10 (+ 26% de 2010 à 2019), sur le quadrant sud-est de la rocade bordelaise.

Le fret ferroviaire évoqué comme solution

Il s’agit de la portion qui concentre le transit et donc de nombreux poids lourds immatriculés à l’étranger. Un passage obligé pour les transporteurs qui desservent ou proviennent de la péninsule ibérique car elle dessert l’A63, l’A62, l’A10 et la N89/A89. 

Face à cet afflux de camions, Clément Rossignol-Puech propose une autre solution pour désengorger la route. « Avec la SNCF, on travaille sur le fret ferroviaire. C’est le mode le plus économique et le plus écologique. En France, on était très bon il y a 20 ans et on est maintenant à la traîne. Il faut réussir à redévelopper le fret. »

Le vice-président métropolitain et maire de Bègles évoque notamment la gare de triage d’Hourcade, située sur sa commune, comme piste de développement. « Il y a des réserves foncières existantes pour créer une base logistique plus importante », pointe-t-il. Aussi, les travaux d’aménagement ferroviaires au sud de Bordeaux (AFSB), actuellement en cours, vont offrir une infrastructure plus capacitaire à l’horizon 2032.

Les élections municipales empêchent toute avancée ?

Peu convaincue, l’opposition métropolitaine aimerait plutôt remettre sur rails ce projet de contournement mais Patrick Bobet sait que l’horizon risque d’être bouché au moins jusqu’en 2026. Date des prochaines élections municipales, qui auront forcément une incidence sur l’équilibre des forces en présence au Conseil métropolitain.

« Pour en avoir déjà discuté avec elle, je n’ai pas souvenir que la présidente soit contre ce projet. Mais les socialistes ont besoin des Verts pour les municipales donc ils n’ont pas envie de se fâcher avec eux. Ils attendent que l’échéance soit passée pour reprendre certains dossiers », pense Patrick Bobet.

Ce dernier rappelle qu’en 2019, une délibération en faveur du contournement avait été votée et que la majorité de droite et du centre avait envoyé un courrier en ce sens à la préfecture – la rocade est gérée par l’État – mais dès 2020, avec le changement de majorité, les démarches avaient été interrompues et l’étude de faisabilité n’a pas été lancée.

Un péage spécial pour les poids lourds

Contactée par actu Bordeaux, Christine Bost n’a pas pu répondre à nos questions dans le délai imparti. De son côté, Clément Rossignol-Puech ajoute qu’une étude est en cours pour une modulation tarifaire de péage poids lourds au sud de Bordeaux, au niveau de l’A63 au nord des Landes, afin de limiter le flux de camions aux heures de pointe.

L’expérimentation prévoirait, après discussion avec les fédérations de transport, une hausse tarifaire uniquement dans le sens entrant sur Bordeaux aux heures de pointe le soir, qui serait compensée par une baisse tarifaire aux heures creuses.

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