Le 25 mai, Violette, 14 ans, était retrouvée pendue dans les escaliers de sa maison familiale. Cinq mois plus tard, sa mère, avocate au barreau de Bordeaux, porte plainte contre X et demande justice pour sa fille.
«À chaque fois que je demande de l’aide on me dit oui, puis au final rien, ensuite en termes d’amie j’en ai mais bon combien de fois j’ai été le second choix». Dans une lettre manuscrite écrite juste avant son suicide, Violette, 14 ans, faisait part d’un mal-être profond. «Ça fait depuis 2020 que je veux dégager, j’ai bien compris que je n’avais ma place nulle part. Ça fait deux ans que je m’invente des histoires dans ma tête et j’en peux plus ça me fait juste voir que ma vie c’est de la grosse merde. Bref, bisous.» Le 25 mai, le soir de la fête des mères, son frère de 22 ans la retrouvait pendue dans les escaliers de leur maison, devant les photos de famille accrochées au mur. Cinq mois après le drame, le 24 octobre, la mère de Violette, Aude Gouillard, avocate au barreau de Bordeaux, a décidé de porter plainte contre X pour «harcèlement scolaire et moral».
Violette était élève en classe de 4ème au sein du renommé collège Cassignol de Bordeaux. Avant de mettre fin à ses jours, la collégienne évoquait dans cette lettre ses souffrances profondes et reprochait notamment à sa mère d’avoir quitté le domicile familial, après la séparation de ses parents en 2023. Selon Aude Gouillard, cependant, le mal-être de Violette remontait à plusieurs mois : l’adolescente se scarifiait déjà depuis l’automne précédent, bien avant les difficultés conjugales de ses parents. «On savait qu’il y avait souvent des disputes avec ses copines du collège et qu’il y a eu des moqueries sur son physique, en lui disant qu’elle était grosse, mais aussi des remarques sur ses cheveux», raconte la mère. «La principale du collège de l’époque avait été mise au courant de la situation. Quand je demandais des explications à Violette, elle me répondait toujours : «rien». Ils ont conclu que c’était une dispute entre copines, mais pas une situation de harcèlement.»
Une enquête bâclée ?
Dès les premières heures de l’enquête, Aude Gouillard avait alerté les policiers sur un possible harcèlement. «Les enquêteurs ont privilégié la thèse d’un suicide lié à un mal-être personnel dû à la séparation avec mon mari». «Mais je m’entendais très bien avec ma fille, on s’appelait 5 ou 6 fois par jour. La relation avec son père était excellente malgré notre séparation», précise-t-elle. «Les policiers ont trouvé la lettre, ils ne me l’ont jamais montrée. J’ai mis un mois à l’obtenir», raconte encore la mère. «J’ai également demandé qu’ils exploitent le téléphone de Violette, et ils ne l’ont toujours pas fait. Je suis avocate, je peux vous dire que pour les trafiquants de drogue, ils l’exploitent en 24h !»
Selon elle et son avocat, aucun des camarades de classe de l’adolescente n’a été auditionné et les investigations internes au collège Cassignol seraient restées incomplètes. Le conseiller principal d’éducation, qui avait fait passer à la jeune fille un questionnaire sur le harcèlement quelques semaines avant le drame, dans le cadre du dispositif pHARe, n’aurait pas été entendu. Ce test, dont la famille affirme n’avoir jamais eu connaissance, n’a pas été communiqué aux proches de la collégienne. Toujours d’après la mère et son conseil, l’établissement aurait agi dans la plus grande discrétion afin d’éviter que d’éventuels faits de harcèlement ne viennent ternir sa réputation. Ces derniers jours, lorsque la mère s’est rendue au collège, elle assure qu’on lui a répondu «qu’il ne pouvait pas y avoir de harcèlement à Cassignol, car c’est un établissement de gens aisés».
Le CPE avait reçu Violette à plusieurs reprises
Contacté par Le Figaro, le recteur de l’académie de Bordeaux, Jean-Marc Huart, affirme avoir lancé «une enquête administrative dès le lendemain du suicide dramatique de Violette». Il précise que «l’enquête s’est déroulée au mois de juin». «Nous avons bien pu constater que la situation de Violette était identifiée dans l’établissement, qui suivait le protocole pHARe. Le conseiller principal d’éducation a reçu Violette dans son bureau à plusieurs reprises». Ce dernier avait également rencontré certaines élèves soupçonnées de l’avoir harcelée, lors d’une «phase de médiation», preuve que le collège avait identifié des tensions avant le drame.
«En février, lors d’un entretien, elle avait confié qu’elle allait mieux. Après ça, l’équipe éducative est restée très attentive sur la situation. Malheureusement, cela n’a pas empêché le drame. Je comprends la douleur de la maman et sa volonté de savoir ce qu’il s’est passé», confie le recteur au Figaro.
Cinq mois après le suicide de Violette, sa mère se dit déterminée à obtenir la vérité. «Si tout le monde avait fait son travail, Violette serait probablement encore vivante», affirme-t-elle, promettant de se battre «jusqu’au bout» pour sa fille. Une marche blanche en hommage à Violette devrait avoir lieu fin novembre, dans le cadre du mois contre le harcèlement.
Violette avait 14 ans au moment du drame.
Collection personnelle – Aude Gouillard