Sous pression, mais sans fléchir. C’est ainsi que The Guardian Weekly décrit un président russe qui apparaît minuscule, le visage rougi, coincé sous des lettres noires géantes. Sur la couverture de l’édition du 31 octobre de l’hebdomadaire lié au quotidien britannique, le mot pression s’étire verticalement jusqu’au sommet de la page, suivi d’un points plus trapu, campé au-dessus du front du président russe, Vladimir Poutine. Un visuel fort pour illustrer l’impasse diplomatique entre Moscou et Washington

En bas de page, l’hebdomadaire s’interroge dans son titre : “Les sanctions américaines vont-elles mettre la pression sur Poutine ?”

Le 22 octobre, après des mois de coups de téléphone et de tentatives de dialogue sans résultat, le président américain, Donald Trump, a décidé de frapper fort en ciblant deux géants pétroliers russes – Rosneft et Loukoil – et plusieurs dizaines de leurs filiales, qui représentent à eux deux plus de la moitié des exportations pétrolières du pays. Une décision si soudaine qu’elle aurait, selon CNN, “pris au dépourvu certains des plus proches conseillers du président russe”.

Un revirement possible

À Moscou, Vladimir Poutine reconnaît l’effet potentiel de ces nouvelles sanctions : “Certaines pertes sont à prévoir”, a-t-il concédé, avant d’assurer que la Russie tiendrait bon. Pour le Kremlin, céder sous la pression n’est pas une option envisageable. “Ce ne sont pas les difficultés économiques qui vont le contraindre à mettre fin à la guerre”, a confié un ancien haut responsable russe au Guardian, sous le couvert de l’anonymat. Le président russe, qui a fait de la guerre un élément central de son héritage politique, semble prêt à faire payer la population plutôt que de reculer, observe The Guardian Weekly.

Poutine, lui, apparaît plus confiant que jamais. Au forum de discussions de Valdaï, à Sotchi, dans le sud-ouest de la Russie, il a affirmé le 2 octobre que l’Ukraine peinait à renouveler ses troupes et a évoqué – sans fondement vérifiable – des pertes ukrainiennes de 11 000 soldats en un mois. Selon plusieurs analystes, Moscou parie sur le temps et l’épuisement ukrainien. Le spécialiste de la politique internationale russe Alexander Gabuev, directeur du centre de réflexion Carnegie Russia Eurasia Center, estime que la Russie “attend probablement de voir comment l’Ukraine va passer l’hiver” avant d’engager de nouvelles discussions.

“Poutine est convaincu que l’Ukraine pourrait s’effondrer dans le courant de l’année prochaine. S’il s’arrêtait maintenant sans avoir atteint ses objectifs, il aurait d’autant plus de mal à faire accepter une reprise de la guerre plus tard.”

L’idée d’un cessez-le-feu immédiat, avec un gel des lignes de front actuelles, proposé par Trump, ne séduit pas Moscou. La Russie exige un accord qui répondrait aux “causes profondes du conflit en Ukraine”, réduisant ainsi l’autonomie militaire et politique de Kiev.

Le Kremlin reste convaincu qu’une bascule est encore possible à Washington. “Poutine compte sur les Américains pour ‘revenir à la raison’, explique Tatiana Stanovaya, analyste politique indépendante, interrogée par le Guardian. Il estime que la détérioration de la situation en Ukraine devrait amener Washington à comprendre qu’il n’y a qu’une solution : discuter avec la Russie des causes profondes du conflit.”