Par

Jessie Leclerc

Publié le

5 nov. 2025 à 14h08

La Normandie, en particulier Rouen (Seine-Maritime), est une terre de vedettes. Il y a les actuelles : Franck Dubosc, Thomas Pesquet, Pénélope Leprévost, Keen’V, Pierre Gasly, Petit Biscuit et même… Beyoncé ! Mais il y a aussi des vedettes bien plus anciennes, presque oubliées, pour la plupart des peintres ou des écrivains. Charles Frechon est l’une d’elles.

Un Normand passionné

« Un artiste singulier, sincère et profondément Normand. » Ainsi, Antoine Bertran, galeriste à Rouen, résume Charles Frechon à l’occasion de l’exposition inédite que la Galerie Bertran lui consacre du 7 novembre 2025 au 17 janvier 2026.

Près de 20 tableaux y retracent le parcours de ce peintre discret qui ne rentre dans aucune case, pilier de l’École de Rouen et dont l’œuvre, sensible, réunit différentes techniques, couleurs et paysages.

Charles Frechon voit le jour en 1856 à Blangy-sur-Bresle, aux confins de la Normandie et de la Picardie. Très tôt, il met le cap vers Rouen. À 23 ans, il entre à l’Académie de peinture et de dessin de la ville où il reçoit un enseignement solide, mais très académique. « Pour les professeurs, l’impressionnisme c’était une gangrène. Ils savaient que ça montait à Paris, mais ne voulaient pas de ça à Rouen », détaille Antoine Bertran qui accueille l’exposition.

Et public aussi était récalcitrant. Quand ils ont vu les premières toiles impressionnistes, certains crachaient dessus. Les peintres non académiques étaient un peu les punks de l’époque.

Antoine Bertran
Galeriste à Rouen

Charles Frechon est de cette avant-garde rouennaise.

Les « Mousquetaires » de Rouen

Frechon n’est pas le seul à rêver d’un art plus libre. Avec Léon-Jules Lemaître, Charles Legrand et Joseph Delattre, ils forment ce que l’on appellera plus tard les « Mousquetaires » de Rouen, quatre peintres décidés à lâcher l’académisme et à sortir en plein air.

« L’académisme, c’étaient des peintures réalistes de figures religieuses ou mythologiques. Là, arrive l’envie de peindre autre chose, la nature, la vie », précise Antoine.

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Leur nom, emprunté à l’univers militaire, traduit bien leur esprit rebelle. « C’était très tendu entre eux et les profs, ils se détestaient », raconte le galeriste.

Ces artistes, influencés par Corot et l’école de Barbizon, installent alors leurs chevalets en bord de Seine, dans les faubourgs industriels autour de Rouen et peignent en se rapprochant des codes de l’impressionnisme.

Charles Frechon, un peintre à part

Frechon est sans doute le plus silencieux du groupe. « Ce n’était pas lui le plus virulent avec les profs », sourit Antoine.

Lui reste dans sa campagne, sa principale inspiration. Il peint son jardin, ses enfants. Dans sa technique, il sort du lot. Après des débuts classiques, il passe directement du pré-impressionnisme au pointillisme et a même son genre à lui. Il n’est ni tout à fait dans un genre, ni tout à fait dans un autre.

« C’est même du divisionnisme. Il fait des points, puis des sortes des virgules, des petites touches de couleur juxtaposées… », note Antoine. « Il aimait ce travail lent, presque méditatif », ajoute-t-il.

« Le peintre des quatre saisons »

Surnommé « le peintre des quatre saisons », il observe sa campagne : les fenaisons de l’été, les brumes d’automne, les vergers fleuris…

Sa touche s’élargit au fil du temps, mais les sujets restent les mêmes. Du côté des couleurs, Charles Frechon aime jouer avec. « Des petites notes de rose là où on pourrait attendre du bleu, mais tout reste cohérent », exprime Antoine. Et c’est vivant.

« Il n’est pas le plus connu des Mousquetaires, mais a vendu des œuvres très rapidement, justement parce que les couleurs sont gaies et vibrantes », affirme le galeriste.

Des œuvres rares

Charles Frechon a laissé entre 600 et 800 œuvres, dont plusieurs ont disparu, notamment dans l’incendie dans la maison familiale de Blangy lors de l’invasion allemande en 1940. Chaque pièce est aujourd’hui précieuse. La Galerie Bertran réunit 16 de ses œuvres réalisées entre 1888 et 1910. Toutes proviennent d’une collection privée et certaines sont montrées au public pour la première fois.

Et pourquoi découvrir Frechon aujourd’hui ? Parce qu’il montre la Normandie telle qu’elle était il y a plus d’un siècle. Antoine regrette d’ailleurs qu’il n’y ait pas plus de tableaux de lui au Musée des Beaux-Arts de Rouen. « Il faut dire que ça coûte très cher », avoue-t-il. Et d’ajouter « pourtant pour que les gens connaissent ces artistes, il faut les montrer ».

Galerie Bertran : 108 rue Molière, Rouen. Ouverture du mercredi au samedi de 10 heures à 12 heures et de 14h30 à 18h30. Entrée gratuite.

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