Les droits reproductifs, et notamment l’avortement, sont la cible des attaques des réactionnaires partout dans le monde. Et l’Europe n’échappe pas à ce constat alarmant. Ce sont les conclusions d’un rapport d’Amnesty International publié jeudi 6 novembre. « La dure réalité, c’est que malgré d’importants progrès réalisés en Europe, l’accès à l’avortement est toujours restreint par un ensemble perturbant d’obstacles visibles et invisibles », a déclaré Monica Costa Riba, responsable du travail de campagne sur les droits des femmes à Amnesty International.

Hongrie, Turquie, Italie…

« Des victoires durement acquises en matière de droits reproductifs courent un risque grave d’être compromises par une vague de politiques régressives soutenues par le mouvement anti-genre et défendues par des politiciens et politiciennes populistes ayant recours à des pratiques autoritaires », s’alarme Monica Costa Riba.

Amnesty dresse une longue liste d’obstacles administratifs, sociaux et pratiques empêchant un accès universel à l’avortement. En matière médicale par exemple : refus de soins pour raisons de conscience, manque de professionnels formés, délais d’interruption de grossesse, coûts élevés, rendent l’accès à l’IVG difficile en Europe.

L’organisation pointe particulièrement l’impact de ces obstacles sur « les communautés marginalisées » : personnes à faibles revenus, adolescents, personnes en situation de handicap, personnes LGBTIQ +, travailleuses et travailleurs du sexe, personnes demandeuses d’asile… Plusieurs États « manquent à leur devoir de garantir l’accès à l’avortement », alerte Amnesty International, pointant notamment l’Italie ou la Croatie, où les refus de soins « pour des raisons de conscience sont très répandus », ou encore la Roumanie où leur nombre augmente.

« Douze pays européens au moins appliquent toujours un délai d’attente obligatoire médicalement non justifié avant de pouvoir obtenir un avortement légal », relève l’ONG, et « treize pays obligent les personnes enceintes à assister à des consultations de conseil ». En Albanie, en Allemagne, en Belgique, en Hongrie, en Lettonie et au Portugal, le délai d’attente et la consultation de conseil sont tous deux obligatoires, complète Amnesty.

En Hongrie, pays dirigé par le Premier ministre d’extrême droite Viktor Orbán, « les personnes qui souhaitent avorter sont obligées d’écouter les battements de cœur du fœtus ». En Turquie, les femmes mariées de plus de 18 ans sont obligées d’obtenir le consentement du conjoint pour mettre un terme à une grossesse dans le délai limite de 10 semaines qui leur est imparti.

Résultat d’une « rhétorique raciste et fallacieuse »

« Les efforts déployés pour faire reculer l’accès à l’avortement en Europe sont le fait d’un mouvement anti-genre bien financé et transnational », dénonce Amnesty. Ce mouvement est « composé d’institutions et de groupes conservateurs et religieux, de groupes de réflexion, d’organisations de la société civile et d’influenceur·euse·s sur les réseaux sociaux », selon l’organisation.

Là encore, l’ONG pointe la montée en puissance des idéologies anti-droits dans la sphère politique dans plusieurs pays, notamment la Croatie, la Slovaquie, l’Italie et la Hongrie. Dans ce dernier pays, en plus de la limitation des droits à l’avortement, Amnesty relève également une restriction d’un accès à la contraception et à la planification familiale. Souvent, ces décisions politiques sont justifiées par le faible taux de natalité, et par « une rhétorique raciste et fallacieuse selon laquelle les migrant·e·s seraient en train de ”remplacer” la population blanche ”native” du pays », observe l’ONG.

Amnesty relève également la multiplication des actions anti-droits, lors desquels « des militant·e·s antiavortement agressifs, parfois violents, manifestent et occupent les abords des établissements spécialisés dans la santé sexuelle et reproductive ». En Pologne par exemple, « un centre d’avortement installé à Varsovie en mars 2025 a régulièrement fait l’objet de harcèlement et d’actes d’intimidation de la part de groupes manifestant à l’extérieur de l’établissement », relate l’organisation, qui pointe aussi les attaques de ces mêmes groupes sur des centres de planification familiale en France.

« Les gouvernements et les institutions européens doivent prendre des mesures décisives pour que la fourniture de soins d’avortement soit conforme aux normes internationales en dépénalisant la procédure, en éliminant les obstacles existants à son accès et en opposant une résistance ferme à toute tentative, de la part de groupes anti-droits, de bloquer l’accès en temps opportun à des soins d’avortement sûrs, ce qui constitue un acte dangereux menaçant la vie et la santé des personnes », appelle Monica Costa Riba.

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