Le 3 novembre 2025, Chevron a annoncé son implantation en Guinée-Bissau à travers deux licences d’exploration situées dans le bassin MSGBC. Sa filiale locale, Chevron Guinea Bissau Exploration I Ltda, opérera les blocs 5B et 6B, baptisés Carapau et Peixe Espada, avec 90% d’intérêts, tandis que la société nationale Petroguin détiendra les 10% restants. L’opération, approuvée par les autorités de Bissau, s’inscrit dans la stratégie globale de diversification du groupe américain, qui cherche à consolider ses actifs d’exploration dans des zones jugées prometteuses. Selon la direction de Chevron, cette implantation reflète sa volonté d’enrichir son portefeuille mondial de concessions de haute qualité.
Une expansion africaine dans un contexte favorable
Cette entrée en Guinée-Bissau prolonge une stratégie d’expansion maîtrisée. Chevron renforce depuis deux ans sa présence en Afrique, où elle a investi dans plusieurs projets d’envergure. Déjà producteur en Angola et au Nigeria, la deuxième plus grande compagnie pétrolière des États-Unis revendique avoir augmenté son portefeuille d’exploration de près de 40 % ces 24 derniers mois, y compris en Afrique.
En Guinée équatoriale, la compagnie développe le gaz associé du champ Aseng pour un montant d’environ 690 millions de dollars. Au Nigeria, elle poursuit ses programmes en eaux profondes, notamment sur les champs Agbami et Usan. En Namibie, elle détient 80 % des permis PEL 82 et PEL 90, situés dans des zones aujourd’hui au cœur de la course mondiale à l’exploration offshore. En septembre 2025, la société a signé un accord préliminaire avec l’Agence nationale du pétrole, du gaz et des biocarburants d’Angola (ANPG) pour explorer le bloc offshore 33/24 dans le bassin du Bas-Congo.
Le choix de la Guinée-Bissau reflète également la tendance des majors à se positionner sur le bassin MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Bissau, Guinée), considéré comme la « nouvelle frontière » énergétique de l’Afrique de l’Ouest. Depuis quelques années, la région connaît une accélération sans précédent. Parmi les développements les plus récents, le Sénégal a démarré en juin 2024 la production de pétrole sur son gisement Sangomar, piloté par une coentreprise entre Woodside et la société publique Petrosen. Fin décembre 2024, le pays est également devenu producteur de gaz, grâce à l’entrée en service du champ Greater Tortue Ahmeyim (GTA), partagé avec la Mauritanie. Le projet GTA est détenu à 56 % par BP, 27 % par Kosmos Energy, tandis que Petrosen et la Société mauritanienne des hydrocarbures (SMH) détiennent respectivement 10% et 7%.
Un pari stratégique pour un pays pas encore producteur
Pour la Guinée-Bissau, l’arrivée de Chevron est une bonne nouvelle. Le pays n’a encore jamais produit de pétrole ni de gaz, mais multiplie depuis deux ans les démarches pour se positionner sur la carte énergétique régionale. En 2023, les autorités avaient signé un accord de principe avec la compagnie italienne Eni pour évaluer le potentiel pétrolier et gazier du pays, en intégrant des composantes de durabilité environnementale. Lors du sommet Russie–Afrique de Saint-Pétersbourg, le président Umaro Sissoco Embaló avait exprimé son souhait d’une coopération plus active avec la société russe Lukoil, mais cette piste a été compromise par le retrait de l’entreprise de ses actifs africains à la suite des sanctions internationales.
Le sous-sol bissau-guinéen reste peu connu, mais plusieurs indices de potentiel ont été identifiés. En 2022, la société australienne Far Ltd avait estimé à environ 498 millions de barils les ressources prospectives de certains blocs côtiers avant de se retirer.
L’arrivée d’un opérateur de la taille de Chevron pourrait redonner confiance aux investisseurs et relancer les efforts de prospection, dans un pays où les capacités techniques et financières demeurent limitées. Le défi pour Bissau sera désormais de transformer cet intérêt géologique en projet concret, tout en consolidant un cadre de gouvernance capable d’encadrer l’arrivée de nouveaux acteurs. Si les futures campagnes confirment la présence de gisements exploitables, la Guinée-Bissau pourrait rejoindre ses voisins du bassin MSGBC dans la production d’hydrocarbures. Le pari reste incertain à ce stade, mais la présence de Chevron marque déjà une rupture symbolique dans l’histoire énergétique du pays.