Le marché du travail américain commence à montrer des signes de fatigue. Selon les données publiées jeudi par le cabinet de conseil Challenger, Gray & Christmas, plus de 153000 licenciements ont été annoncés au mois d’octobre, soit près du triple du mois précédent. Il s’agit du plus haut niveau observé pour un mois d’octobre depuis 2003.
Pendant plusieurs années, le marché de l’emploi avait résisté à la hausse des taux d’intérêt et à la baisse de la consommation. Mais l’équilibre fragile entre embauches prudentes et stabilité des effectifs semble aujourd’hui rompu. « Le rythme des suppressions de postes est nettement supérieur à la moyenne historique », a noté Andy Challenger, directeur du cabinet, en soulignant que les entreprises commencent à corriger les excès d’embauches de la période post-Covid.
Près d’un tiers de ces suppressions s’expliquent par des politiques de réduction des coûts. Parmi les autres raisons figure notamment l’intégration de l’intelligence artificielle dans les processus de production. Cette automatisation accélérée se traduit par des restructurations massives, notamment dans la tech et la logistique, deux secteurs à l’origine de plus de la moitié des pertes d’emploi du mois. Dans la Silicon Valley, de grands groupes comme Amazon, Google ou Meta ont déjà lancé de nouvelles vagues de licenciements pour rationaliser leurs effectifs et réduire leurs coûts opérationnels. Environ 450 entreprises ont annoncé des plans de licenciement, le plus haut niveau de l’année.
Plus d’1 million de suppressions de postes en 2025
Les entrepôts et les plateformes de livraison, qui avaient recruté massivement pendant la pandémie, sont également touchés. La normalisation de la demande et la montée en puissance de technologies d’optimisation logistique ont conduit plusieurs entreprises à revoir leurs besoins à la baisse. « Nous observons un mouvement de consolidation après une période d’expansion rapide », résume Challenger.
Depuis le début de l’année, environ 1,1 million de suppressions de postes ont été annoncées aux États-Unis, soit une hausse de 65 % par rapport à 2024. Sur cette période de 10 mois, le DOGE et ses répercussions restent la principale cause de licenciements, représentant près de 30 % de toutes les réductions d’effectifs, selon les données de Challenger Gray.
Il faut remonter à 2020, en pleine crise sanitaire, pour retrouver un niveau comparable. Ce chiffre inquiète d’autant plus qu’il intervient alors que la création d’emplois ralentit nettement : les entreprises publient moins d’offres, et les taux de démission, indicateur d’un marché dynamique, reculent.
Traditionnellement, les sociétés évitent d’annoncer de grands plans sociaux au quatrième trimestre, période des fêtes où l’impact médiatique est mal perçu. Cette année fait exception : le nombre de licenciements d’octobre est trois fois supérieur à la moyenne de la dernière décennie. Une tendance qui laisse craindre un hiver difficile pour le marché du travail américain, longtemps considéré comme le moteur de la résilience économique du pays.