Par
Theo Boissonneau
Publié le
6 nov. 2025 à 7h20
En août 2023 a débuté le tournage du documentaire « Semer et Récolter ». Le réalisateur Eric Le Roch, un habitant de Charbonnières (Eure-et-Loir), commence à filmer le quotidien de ses voisins agriculteurs Mathieu et Mathias, qu’il connaît depuis 20 ans.
De fil en aiguille, il se rapproche de deux autres familles d’éleveurs-agriculteurs, afin d’avoir un panel un peu plus large. Certains sont là depuis plusieurs générations, d’autres viennent tout juste de s’installer.
Durant près de 90 jours de tournage, étalés sur un an, il les a accompagnés avec sa caméra dans leurs travaux. Le documentaire sera diffusé vendredi 7 novembre à 20 h au cinéma de L’Aigle (Orne), en présence du réalisateur.
Rencontre avec le réalisateur d’un film, « non pas sur l’agriculture, mais sur les agriculteurs ».
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Le Réveil Normand : Comment est venue l’idée de faire un documentaire sur des agriculteurs ?
Eric Le Roch. Dans ce que je voyais, on proposait toujours des archétypes un peu prononcés ou des caricatures un peu forcées.
Et j’avais envie de montrer au quotidien que ce sont des gens extrêmement résilients, travailleurs et très intelligents, parce qu’ils sont en résonance avec les contraintes qu’on leur impose.
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Il y a aussi une notion de transmission qui est extrêmement présente au quotidien. J’avais envie de retranscrire la simplicité de ces gens qui nourrissent la France, c’est une chose, mais surtout qui travaillent tous les jours, même les week-ends.
On peut ne pas être d’accord avec des modèles agricoles, ce n’est pas le sujet du film. Mais en tout cas, on ne peut pas remettre en cause la force de conviction de l’agriculteur qui, même quand le vent est contre, continue à marcher. J’ai voulu faire un film sur la concorde, pas sur la discorde.
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Le film suit une histoire avec un scénario où se construit de manière chronologique ?
On suit les agriculteurs de manière chronologique. Je suis l’auteur du film, mais je ne suis pas le scénariste. Je me suis vraiment laissé porter par le quotidien, par leur vie réelle.
Il y a eu de l’humanité, de très belles choses qui ont affleuré, et c’est ce qui fait la force du film. À chaque fois que j’ai été présent, que ce soit pour une heure ou pour une journée entière, j’ai eu la sensation de ne pas rater de moments importants.
Il y a des scènes très étonnantes, on assiste à une césarienne de vache qui n’a jamais été vue ni au cinéma ni à la télé. Les agriculteurs sont très contents qu’on montre ça parce que c’est quelque chose qu’ils vivent deux à trois fois dans l’année et qui n’est pas connu du grand public.
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La famille occupe une place prépondérante dans ce documentaire
C’est le hasard des rencontres, parce que j’aurais pu filmer un agriculteur solitaire. Mais là, le fait est que c’est trois familles, une qui se crée et deux qui sont déjà installées.
On s’aperçoit que dans l’agriculture, les femmes ont pris une place bien plus importante qu’avant. Et les enfants, qu’ils soient garçons ou filles, trouvent un travail en parallèle quand les parents sont encore en activité, puis reprennent les exploitations.
Je trouvais ça assez positif à montrer, et même parfois émouvant. Il y a un moment dans le film où l’arrière-grand-père de 94 ans, avec son épouse qui en a 92, voit leur maison de jeunesse détruite pour faire un hangar solaire.
Et il explique qu’il est content de l’avoir vu. C’est le monde qui avance, et je trouve que ça fait partie des moments assez jolis du film.
Sur les dernières années, les documentaires et films sur l’agriculture, comme « Au nom de la terre » par exemple, dépeignent souvent un secteur précaire où la dépression règne. L’idée de votre documentaire était aussi de montrer qu’il n’y a pas que ça ?
C’est vrai, et en même temps, on peut citer « La ferme des Bertrand » qui est sorti il n’y a pas longtemps, où on montre une réalité au long cours qui est un peu différente.
À mon avis, quel que soit le milieu socio-professionnel dans lequel vous évoluez, il y aura toujours des personnes en grande difficulté.
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Aujourd’hui, les agriculteurs sont représentés comme des gens qui polluent les sols, avec un bien-être animal qui n’est souvent pas respecté, des difficultés financières et des taux de suicide très importants.
Tout cela est vrai. Mais il est représenté dans une mesure qui n’est pas la mesure réelle. C’est-à-dire que vous n’avez pas 80 % des agriculteurs qui vont se suicider, qui ont des difficultés financières, qui polluent leurs terres et qui font du mal à leurs bêtes.
Les voisins que je montre sont des gens qui ont trouvé des solutions pour faire vivre leur famille, pour pérenniser leurs exploitations, et qui sont globalement, même si c’est complexe, heureux et passionnés de faire leur métier.
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Dans « Au nom de la terre », le réalisateur Édouard Bergeon parle d’une expérience vécue, celle de son père. C’est très intéressant et très important de montrer ça, parce que c’est une réalité.
Mais il y a aussi une autre réalité de gens qui vont bien. Beaucoup d’agriculteurs qui ont vu le film sont venus me voir et m’ont dit « merci de montrer ce qu’on est vraiment ».
Pratique
Vendredi 7 novembre à 20 h au cinéma de L’Aigle, séance suivie d’un débat en présence du réalisateur Eric Le Roch
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