Avec plus de 35 millions de personnes touchées dans le monde et près de 10 millions de nouveaux cas chaque année, selon la fondation recherche Alzheimer, la maladie d’Alzheimer s’impose comme l’un des grands défis médicaux du XXIe siècle. Connue pour provoquer des pertes de mémoire, des troubles du langage ou de l’orientation, elle affecte aussi profondément le sommeil et les rythmes de vie.
Une étude publiée le 23 octobre 2025 dans la revue Nature Neuroscience par des chercheurs de l’Université Washington de Saint-Louis, révèle que la maladie désorganise littéralement l’horloge interne du cerveau.
Quand l’horloge du cerveau se dérègle de l’intérieur
Dans un cerveau sain, des cellules appelées microglies et astrocytes suivent une sorte d’horloge interne. Ce rythme circadien régule l’activité de centaines de gènes qui contrôlent notamment le nettoyage des protéines amyloïdes, ces fameuses plaques associées à la maladie d’Alzheimer.
Mais chez les souris atteintes, les chercheurs ont observé une désynchronisation massive : les gènes censés s’activer et se désactiver à des heures précises ne le font plus au bon moment.
Le résultat ? Un « chaos temporel » qui perturbe la capacité du cerveau à éliminer efficacement l’amyloïde.
« Nous avons découvert que le rythme circadien contrôle l’activité d’environ la moitié des gènes liés au risque d’Alzheimer, explique le Dr Erik S. Musiek, neurologue et directeur du centre COBRAS à WashU. Quand cette horloge se dérègle, les cellules perdent leur coordination et cessent d’accomplir leurs tâches au bon moment. »
Autrement dit, le cerveau malade perd aussi la notion du temps, et cela bien avant que les pertes de mémoire ne soient manifestes.

Les troubles du sommeil sont souvent l’un des premiers signes de la maladie d’Alzheimer. Bien avant les pertes de mémoire, le cerveau se dérègle : l’horloge interne ne distingue plus clairement le jour de la nuit, entraînant insomnies, agitation et siestes répétées. © fizkes, Adobe Stock
Une nouvelle piste pour ralentir la progression de la maladie
Ces découvertes changent la façon dont les chercheurs envisagent la maladie d’Alzheimer. Jusqu’ici, on soupçonnait les plaques amyloïdes d’endommager les neurones ; on sait désormais qu’elles bousculent le rythme même des cellules censées les éliminer, aggravant le cercle vicieux de la dégénérescence.
Le Dr Musiek et son équipe voient là une piste thérapeutique inédite : restaurer ou stabiliser les rythmes circadiens du cerveau pourrait améliorer le fonctionnement des microglies et ralentir la progression de la maladie. « Il nous reste encore beaucoup à comprendre, mais le véritable enjeu est de tenter de moduler l’horloge biologique, de la renforcer, de l’affaiblir ou de la désactiver dans certains types de cellules », précise-t-il.
Bien que menée sur des souris, cette étude jette une lumière nouvelle sur les troubles du sommeil observés chez les personnes atteintes d’Alzheimer. Les réveils nocturnes, la confusion en fin de journée ou les inversions du cycle jour-nuit pourraient être les reflets d’un cerveau dont l’horloge biologique s’est déréglée en profondeur.
Les chercheurs y voient l’espoir d’une nouvelle approche : réapprendre au cerveau à retrouver son rythme, pour freiner la maladie avant que la mémoire ne s’efface totalement.