Il y a un an, Saint-Etienne Métropole renforçait les contrôles dans les treize déchèteries du territoire par la mise en place d’un QR code pour y accéder. L’objectif ? Que ce service soit utilisé par ceux qui le financent. Depuis, il y a les « pour », les « contre », et ceux qui estiment que le dispositif doit être amélioré. Le tout sur fond de désaccords entre la Ville de Saint-Etienne et la Métropole…

Un an après la mise en place d’un QR code pour accéder aux déchèteries du territoire, l’heure du bilan est arrivée pour Saint-Etienne Métropole. Dans un communiqué de presse transmis par ses services samedi 1er novembre, le constat affiché est plutôt positif. « Près de 80 000 ménages ont créé leur compte, un nombre bien supérieur au nombre de maisons individuelles (67 000) des 53 communes de Saint-Etienne Métropole. De nombreux habitants qui résident en appartement ont également créé leur compte ». En majorité, les métropolitains ont réalisé cette formalité en ligne. Néanmoins, 4 800 QR codes ont été créés via un formulaire papier.

Lorsqu’un utilisateur se crée un compte, celui-ci est crédité de 30 passages par an. Or, fin septembre, 89 % disposaient encore de 20 unités ou plus. Seul 0,3 % avaient tout utilisé. « Le bilan a également permis de quantifier les déchets pris en charge par Saint-Etienne Métropole durant les 8 premiers mois de l’année en comparant les années 2024 et 2025 : la baisse s’élève à 35 %, c’est-à-dire une diminution de 18 000 tonnes. Ce sont des milliers de camions en moins et des économies de transport et de traitement des déchets d’environ 2 millions d’euros par an ». Alors quid des dépôts sauvages ? Ont-ils réellement augmenté face à la complexification de l’accès aux déchèteries ?

Un dispositif voué à évoluer

Le communiqué de presse l’assure, les chiffres restent stables sur ce point. « Aucune évolution sensible n’a été constatée dans les milieux naturels par le réseau sentinelle de l’association France Nature Environnement. Certes, les quantités de déchets collectés par les services techniques municipaux ont, pour certaines communes, augmentées, mais généralement de manière modérée (50 tonnes en moyenne par mois pour l’ensemble du territoire de Saint-Etienne Métropole) et restent bien inférieurs à 2022 ». Saint-Etienne Métropole affirme que ces communes feront donc l’objet d’une analyse plus particulière. 

Pour François Driol, vice-président chargé de la gestion des déchets à Saint-Etienne Métropole, cette mesure était plus que nécessaire. « Vous n’êtes pas sans savoir que je suis maire. Nous sommes tous en restrictions budgétaires, et on le sera bien plus dans les années à venir. Alors, il ne suffit pas de critiquer l’Etat, il faut montrer l’exemple. On sait par ailleurs aujourd’hui que des clients payaient des déchets que des professionnels déversaient gratuitement dans les déchèteries, alors qu’ils avaient été facturés ». L’élu le reconnaît, le système de QR code est perfectible. Il a d’ailleurs évolué depuis sa mise en place, avec désormais deux passages autorisés sans inscription pour chaque véhicule, chaque année, ou encore l’inscription des pick-ups. D’autres améliorations sont en cours comme l’inscription des véhicules temporaires.

Quel bilan ?

« Actuellement, il est difficile d’aller à la déchèterie avec la voiture de quelqu’un d’autre ou avec un véhicule de location, parce que le système informatique est rigide, pointe François Driol. J’ai demandé aux informaticiens d’y travailler. Bientôt, on pourra inscrire un véhicule pendant 72 heures, même s’il l’est sur un autre QR code ».

Face à la publication de ces chiffres, Cyrine Makhlouf, adjointe au maire de Saint-Etienne chargée de la propreté, n’a pas tardé à réagir via communiqué de presse, contestant ce bilan positif. « Je note qu’à Saint-Etienne, seulement 15 % des foyers ont fait cette démarche, 25 % à Firminy et 70 % à Farnay. Même ramené au % d’habitat individuel qui, à Saint-Etienne, est d’environ 10 %, ce taux n’est raisonnablement pas satisfaisant à l’échelle de notre ville ». Pour elle, la mise en avant de la baisse des tonnages collectés et des économies engendrées se fait au détriment de la commune. Elle cite pour exemple Saint-Etienne, qui a dû procéder à l’installation de dix caméras de vidéo-verbalisation (230 000 euros de coût total) et au recrutement de deux policiers municipaux supplémentaires pour enquêter et traiter les verbalisations. « Non, les dépôts sauvages ne sont pas stables. Si l’on compare la période de novembre 2023 à avril 2024, avant le QR code, à la période novembre 2024 à avril 2025, après sa mise en place, ce sont plus de 200 tonnes supplémentaires de décharges sauvages, en six mois, qui se retrouvent sur l’espace public et non pas en déchèteries. Le même constat a d’ailleurs été fait dans d’autres communes comme par exemple, La Ricamarie, La Grand Croix ou Unieux ».

Pour François Driol, les chiffres avancés par Saint-Etienne sont aggravés par la grève du printemps et la Ville cherche volontairement à noircir le tableau. « Le problème est que l’on n’arrive plus à travailler en saine collaboration avec Saint-Etienne, en raison de son désaccord avec la Métropole ». Alors, la faute au QR code ? A ceux qui décident de déposer leurs déchets dans la rue ? A un défaut de communication ? A la fermeture le dimanche ? Ou à des tensions entre collectivités ?

Trop complexe ?

« Les habitants sont au courant, mais sont défavorables à ce dispositif, pointe Cyrine Makhlouf. En revanche, ils ne savent peut-être pas assez que l’on peut effectuer deux passages sans inscription. S’il y a eu un défaut de communication, cela dépend de la Métropole ». Dans un premier temps, elle rapporte que certains habitants, qui allaient régulièrement à la déchèterie, ont craint de ne pouvoir aller au-delà des 30 passages. « Si une personne n’a plus d’unités, elle doit appeler les services qui évalueront sa situation, poursuit l’adjointe. Alors oui, ces personnes sont minoritaires. Mais elles sont 500. Si ces 500 personnes décident de mettre leurs déchets sur le trottoir, qu’est-ce qu’on fait ? ».

Pour elle, le problème majeur réside dans le fait que les gens n’en veulent pas pour de nombreuses raisons. Parmi elles, la complexité du système privilégié. Elle concède ne pas avoir de solution miracle, mais estime qu’il est néanmoins possible de faciliter la création du compte. Car tout le monde est d’accord sur le fond. « J’ai créé un QR code pour une personne âgée que je connais. Ce n’était pas si évident à faire donc je pense que beaucoup de gens sont en difficulté. Quand j’entends qu’à la Métropole, on se satisfait des chiffres… oui il y a des économies de faites et une baisse des tonnages, mais nous, on a une hausse considérable des dépôts sauvages avec des moyens qui, eux, sont constants ». Bien sûr, ce n’est pas une raison pour se sentir légitime de tout laisser dans la rue.

Un bon déchet est en déchèterie

Comment y remédier ? « On s’est beaucoup focalisé sur le QR code, mais l’autre grand changement a été la fermeture des déchèteries le dimanche matin au même moment, rappelle Isabelle Dumestre. Or, c’est le moment où les gens font leurs travaux, leur jardin, etc. Nous reviendrions sur cette mesure en y travaillant avec les agents évidemment, afin qu’ils soient compensés ». Pour l’élue, il est important d’assouplir les règles, et de faire passer le message que la place des déchets est en déchèterie et dans la bonne déchèterie. La Ville de Saint-Etienne a-t-elle fait preuve de suffisamment de pédagogie en la matière ? « La communication et la chasse aux déchets sauvages sont faites trop timidement par la Ville, regrette Isabelle Dumestre. Si Gaël Perdriau était toujours président de la Métropole (pas en retrait, Ndlr), la Ville aurait davantage accompagné la mise en place de ce système. Le but, c’est de montrer que sans lui, ça fonctionne mal ». Des propos confirmés par un élu non-stéphanois qui a souhaité garder l’anonymat. Les Stéphanois seraient-ils victimes de tensions entre la Métropole et la Ville ? « On les a mis un peu devant le fait accompli, et en plus devant le fait accompli d’une guéguerre entre deux collectivités ». Un argument que réfute Cyrine Makhlouf, qui explique que les jeux politiques ne sont pas ce qui nourrit son engagement.

Comment agir ?

« Le fait qu’une démarche doit être faite en amont peut être un frein, assure également la conseillère municipale et métropolitaine du groupe Le Temps de l’écologie, Julie Tokhi. Le fait qu’il faille une carte grise ainsi qu’un justificatif de domicile, cela fait deux éléments à fournir. Dans beaucoup de communes, un seul suffit. Bien sûr, il ne faut pas que toutes les portes de déchèteries soient ouvertes, mais que l’accès soit plus simple ». Pour elle, la Métropole comme la Ville ont davantage une communication commerciale qu’institutionnelle. « Il ne suffit pas de faire des affiches intéressantes, jolies, il faut expliquer que c’est interdit, mais surtout pourquoi ça l’est, quel est l’impact sur l’environnement. Comme cela avait été fait pour la mise en place de la collecte des déchets alimentaires. Cela peut consister à aller à la rencontre des habitants, sur les marchés. Mettre en place un numéro de téléphone n’est pas suffisant ». L’élue suggère également de développer davantage les déchèteries mobiles, notamment pour les personnes âgées ou celles qui n’ont pas de véhicule.

De son côté, Isabelle Dumestre estime qu’il est nécessaire de remettre en place une brigade environnement à Saint-Etienne, et de faire preuve de plus de pédagogie, à travers des conseils de quartier notamment, mais aussi dans les sanctions avec des Travaux d’intérêts généraux plutôt que des amendes. Depuis la mise en place des caméras dédiées, une cinquantaine de plaques d’immatriculation ont été identifiées à Saint-Etienne. A qui la faute ? Peut-être avant tout à celui qui fait le choix de déposer ses déchets dans la rue ou dans la nature…