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Emmanuel Macron et la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum lors d’une cérémonie de bienvenue au Palais national de Mexico, le 7 novembre 2025.
INTERNATIONAL – Emmanuel Macron conclut ce vendredi 7 novembre sa tournée en Amérique latine par une visite à Mexico. Il entend y « resserrer les liens » politiques et économiques entre la France et le Mexique.
Mais durant cette visite, il est aussi question de la restitution par la France de deux « codex », œuvres illustrant l’histoire et la vie dans la civilisation mexica anciennement appelée aztèque, qui est pour Mexico une des priorités de cette venue d’Emmanuel Macron. Une demande qui s’annonce toutefois complexe à satisfaire.
Au cœur des discussions : le Codex Borbonicus, conservé à l’Assemblée nationale, et le Codex Azcatitlan, qui se trouve dans les collections de la Bibliothèque nationale de France (BnF). « Notre intérêt majeur est la restitution de ces codex qui sont très importants pour le Mexique », a déclaré la présidente de gauche Claudia Sheinbaum le 30 octobre.
· Qu’est-ce qu’un codex ?
« Les chercheurs, de façon générale, parlent toujours de codex s’agissant des manuscrits mexicains », explique à l’AFP Olivier Jacquot, chargé de collection au département des manuscrits, à la BnF.
Ces documents, qui peuvent être pictographiques et/ou alphabétiques, racontent l’histoire, les rites et les croyances des peuples du territoire actuel du Mexique avant et après l’arrivée des colonisateurs espagnols au XVIe siècle.
Le Codex Borbonicus (voir l’image ci-dessous), ainsi nommé parce qu’il est conservé au palais Bourbon, bâtiment qui abrite l’Assemblée nationale française, représente les « calendriers divinatoires et solaires » de la civilisation mexica, selon le site du ministère français de la Culture.
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Le Codex Azcatitlan (voir l’image ci-dessous), lui, narre « l’histoire de Mexico-Tenochtitlan (capitale de l’empire aztèque, NDLR), jusqu’à la chute de l’empire mexica tombé aux mains des Espagnols et de leurs alliés indigènes en 1521 », selon le site Memórica du gouvernement mexicain.
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· Comment sont-ils arrivés en France ?
« La Bibliothèque de l’Assemblée nationale a acquis le “Codex Borbonicus” lors d’une vente aux enchères en 1826 », explique l’institution. Certains affirment toutefois qu’il a été volé à la bibliothèque espagnole de l’Escurial (région de Madrid) bien avant, à l’époque napoléonienne, selon le site du ministère de la Culture.
Le Codex Azcatitlan a été donné à la BnF en 1898 par Augustine Goupil, veuve du collectionneur d’origine franco-mexicaine Eugène Goupil, avec d’autres manuscrits, explique Olivier Jacquot.
Avec comme condition que « cette collection [soit] toujours conservée dans son intégrité complète à la Bibliothèque nationale », précise à l’AFP Marie de Laubier, directrice des collections de la BnF.
· Pourquoi le Mexique les réclame-t-il ?
Le Mexique, depuis le mandat présidentiel d’Andrés Manuel López Obrador (2018-2024), prédécesseur de Claudia Sheinbaum, a intensifié ses efforts pour récupérer le patrimoine historique et culturel qui, pour plusieurs raisons, se trouve hors du pays.
« Le trafic de biens culturels nuit aux peuples », a déclaré en mai le directeur de l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH) mexicain, Diego Prieto, en annonçant la restitution de 16 200 biens culturels depuis 2018 en provenance de plusieurs pays.
Jeudi, José Alfonso Suárez del Real, conseiller de la présidente Sheinbaum, a expliqué qu’ils aborderaient en particulier avec Emmanuel Macron le retour du Codex Azcatitlan dans le cadre du bicentenaire des relations entre le Mexique et la France, qui sera célébré en 2026.
Ce manuscrit « est fondamental pour comprendre le développement de Mexico-Tenochtitlan depuis sa fondation jusqu’au début du XVIIe siècle » et a « un énorme intérêt pour le peuple mexicain », a souligné le fonctionnaire.
Le Borbonicus est réclamé par le Mexique depuis le XIXe siècle, expliquait José Alfonso Suárez del Real en mai. Le peuple indigène hñähñu a insisté sur sa restitution en 2024 parce qu’il contient les « formules » du rituel mexica du Feu Nouveau.
· Quelle est la réponse de la France ?
Le Codex Borbonicus est une « question importante sur laquelle nous avons un dialogue très ouvert avec les Mexicains », a assuré l’Élysée avant le déplacement, soulignant la mise en place depuis septembre « d’un groupe de travail franco-mexicain ».
Les relations bilatérales s’étaient tendues en 1982 quand un avocat mexicain, José Luis Castañeda, a volé à la BnF le Codex Tonalamatl, maintenant conservé au Mexique.
Tant l’Assemblée nationale française que la BnF défendent la légalité de la possession des codex et font en outre valoir le principe de « l’inaliénabilité des collections publiques ».
Des députés du parti LFI (gauche radicale) ont présenté une proposition de loi en avril pour déroger à ce principe et permettre les deux restitutions, mais cette initiative a peu de chances d’aboutir.