Sous la coupole du palais de l’Institut de France, ce mercredi 5 novembre, Tania Mouraud a fait son entrée à l’Académie des beaux-arts. À 83 ans, la pionnière de l’art conceptuel occupe désormais le fauteuil VIII de la section Peinture, succédant à Guy de Rougemont. Connue pour son œuvre protéiforme et engagée, l’artiste rejoint une institution qui compte désormais 17 femmes parmi ses membres – un symbole qu’elle a tenu à souligner dans son discours d’hommage à son prédécesseur. Avec Nina Childress, élue elle aussi en mars 2024, elles deviennent les deux premières femmes à intégrer la section Peinture de l’Académie. Une entrée pour le moins historique.

Comme le veut le protocole, la cérémonie était présidée par Coline Serreau, accompagnée du secrétaire perpétuel Laurent Petitgirard et (en remplacement du vice-président Jean Gaumy) de l’écrivain et historien de l’art Adrien Goetz. Accueillis par la Garde républicaine, les académiciens ont pris place sous la coupole avant de laisser résonner les discours.

Une œuvre radicale et engagée

Membre de la section Chorégraphie et marraine de cette installation, Blanca Li a salué « une œuvre construite comme un refus de l’immobilisme, de l’oubli et du silence », rappelant combien Tania Mouraud a fait du langage et de la peinture ses véritables armes de combat – elle, fille de parents engagés dans la Résistance. Un hommage vibrant à une figure majeure de la scène contemporaine, dont le parcours, depuis plus de six décennies, conjugue expérimentation et engagement.

Niveau 3 de la Bibliothèque Publique d’Information (BPI) où se trouve installée l’œuvre « Wysiwyg » de Tania Mouraud (1989-2007)

Niveau 3 de la Bibliothèque Publique d’Information (BPI) où se trouve installée l’œuvre « Wysiwyg » de Tania Mouraud (1989–2007)

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© Thomas Guignard / © ADAGP, Paris 2020

Artiste autodidacte, Tania Mouraud a marqué l’histoire de l’art par la radicalité de ses gestes. En 1968, elle brûle l’ensemble de ses toiles lors de son Autodafé, acte fondateur par lequel elle s’affranchit définitivement des cadres traditionnels, avant d’investir l’espace public, la photographie, la vidéo et le son. Elle se fait connaître dans les années 1970 avec ses interventions urbaines, performances critiques face à la société de consommation.

Dans les années 1990, elle invente ses emblématiques « Wall Paintings » : de vastes compositions murales où les mots se métamorphosent en labyrinthes abstraits. Plus récemment, avec Ad Infinitum, installation immersive présentée à La Rochelle jusqu’au 16 novembre, elle invite le visiteur à une méditation poétique autour des baleines, filmées en noir et blanc dans la lagune mexicaine d’Ojo de Liebre.

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Hommage aux femmes corsaires

Moment fort de la cérémonie, la remise de son épée d’académicienne par son amie Hélène Guenin, directrice de la fondation Yves Klein et commissaire de sa rétrospective au Centre Pompidou-Metz en 2015, s’est révélée particulièrement émouvante.

À l’issue de la séance d’installation, Madame Hélène Guenin, directrice de la Fondation Yves Klein lui a remis son épée d’académicienne

À l’issue de la séance d’installation, Madame Hélène Guenin, directrice de la Fondation Yves Klein lui a remis son épée d’académicienne, mercredi 5 novembre 2025

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© Édouard Brane / Académie des beaux-arts

Conçue par l’artiste elle-même et façonnée par la maison Arthus Bertrand, cette pièce unique prend la forme d’un sabre – en hommage aux femmes corsaires – gravé de phrases en yiddish et en anglais, ainsi que des prénoms de ses six petits-enfants et trois arrière-petits-enfants. Rayonnante, Tania Mouraud l’a brandie devant eux et sous les applaudissements à tout rompre de l’assistance. L’artiste rebelle est désormais immortelle.

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